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Emmanuelle Ménard
Question N° 9505 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 4 juillet 2023

Mme Emmanuelle Ménard alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation économique de la filière lait de brebis. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les prix des intrants (alimentation animale, énergie, engrais, etc.) ont considérablement augmenté. Parallèlement à cette augmentation des prix, la consommation de produits au lait de brebis a connu une forte diminution, notamment à cause du contexte inflationniste que traverse la France depuis 2022. On enregistre une baisse de 11 % pour les yaourts et de 7 % pour les fromages de brebis, tandis que la hausse des prix pour ces produits n'a été que de 1,8 % pour l'ensemble des yaourts et de 4,7 % pour les fromages. Ces baisses sont encore plus frappantes, - 22,7 %, pour les producteurs de fromages de brebis sous agriculture biologique, parce que ces derniers sont plus onéreux. Malgré une hausse générale des prix du lait de brebis d'environ 10 % en avril 2022, la situation reste très compliquée pour la filière en 2023. En effet, les charges se maintiennent à un niveau historiquement élevé, la sécheresse de 2022 n'a pas permis de renouveler les stocks fourragers et les négociations commerciales dans un contexte de consommation toujours en baisse n'ont pas permis d'obtenir des revalorisations nécessaires permettant de rassurer la filière. Ces contraintes qui s'ajoutent à l'inflation ont entraîné une hausse des coûts de production très importante. En Occitanie, ils ont augmenté de plus de 18 centimes d'euros par litre, soit une hausse de 9,1 %, pour une baisse de 25 % de la rémunération toujours plus précaire des éleveurs de brebis laitières, qui s'établit maintenant entre 0,6 et 1 Smic. La campagne 2022/2023 s'annonce dès lors extrêmement difficile. Alors que la France est le 12e plus grand producteur mondial de lait avec 4 080 exploitations pour près de 8 000 éleveurs et 20 000 emplois à temps plein sur l'ensemble d'une filière qui valorise certains territoires difficiles, il est urgent de réagir. Ainsi, elle souhaite savoir quelles mesures il envisage de prendre pour soutenir en urgence la filière lait de brebis.

Réponse émise le 24 octobre 2023

Le ministre chargé de l'agriculture suit avec attention la situation des filières agricoles et notamment celle de la filière ovine laitière, en particulier l'évolution conjointe des prix à la production et des coûts de production. Selon les indicateurs de conjoncture publiés par France Brebis Laitière, le prix du lait à teneurs réelles en matière grasse et matière protéique payé au producteur en France pour le lait de brebis a augmenté de près de 2 % sur l'ensemble de la campagne 2021-2022 (octobre 2021-septembre 2022) par rapport à la campagne précédente, à 1 056 euros (€) pour 1 000 litres. Si les données définitives de la campagne 2022-2023 ne seront connues qu'en début d'année 2024, la progression du prix du lait semble s'accentuer pour la campagne en cours (de 8 à 10 %). Selon l'institut de l'élevage (Idele), l'indice des prix d'achats des moyens de production agricole est, en lait de brebis, en hausse de 17,7 % en moyenne sur la campagne 2021-2022 par rapport à la campagne précédente et de 10,4 % en moyenne sur les huit premiers mois de la campagne 2022-2023. Dans ce contexte, selon l'Idele, les résultats courants par unité de main d'œuvre (UMO) dans le bassin de production de Roquefort sont passés en moyenne de 22 100 €/UMO en 2021 à 16 200 €/UMO en 2022 (- 27 %) ; dans le bassin des Pyrénées-Atlantiques, les résultats sont passés entre 2021 et 2022 en moyenne de 17 400 €/UMO à 12 700 €/UMO (- 27 %). Pour ces deux bassins de production, la hausse des charges n'a pas été compensée par celle du prix du lait et des autres produits (agneaux, brebis de réforme). Face à cette situation, des leviers d'amélioration durable des résultats économiques doivent être envisagés. Le Gouvernement agit sur le long terme pour améliorer les relations commerciales et renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur. La loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (EGALIM 2) permet de mieux tenir compte des coûts de production des agriculteurs grâce notamment à la prise en compte d'indicateurs de coûts et de prix et le jeu des clauses de révision automatique du prix. À l'aval, elle prévoit plusieurs mécanismes protecteurs pour les fournisseurs, notamment la non-négociabilité de la matière première agricole, la non-discrimination tarifaire, le ligne à ligne, ainsi que les clauses de révision automatique des prix tant sur les marques nationales que sur les marques de distributeurs. Ces dispositions sont cruciales dans la période actuelle de forte hausse des coûts de production des éleveurs et de la nécessaire répercussion de ces augmentations à l'aval des filières. Les négociations commerciales annuelles sur les marques nationales achevées le 1er mars 2023, second exercice d'application des dispositions de la loi EGALIM 2 concernant l'aval, ont permis de constater toute la pertinence de ces mécanismes. La loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs vient étoffer le dispositif législatif issu de la loi EGALIM 2. En particulier, elle prolonge jusqu'au 15 avril 2025 le relèvement du seuil de revente à perte de 10 % pour les produits agricoles et alimentaires, et jusqu'au 15 avril 2026 l'encadrement des promotions, ce qui constituait une demande forte des représentants de l'amont agricole. L'encadrement des pénalités logistiques est également renforcé. Par ailleurs, pour venir en aide aux exploitations confrontées à des hausses de charges qui dégradent leur compte d'exploitation de manière très significative, des soutiens de droit commun sont mis en œuvre par le Gouvernement (dispositif de report ou de prise en charge des cotisations sociales dues par les exploitants à la mutualité sociale agricole, dispositif d'aide à la relance de l'exploitation agricole (AREA) qui remplace depuis 2018 le dispositif Agridiff pour les éleveurs en difficulté). Les éleveurs de brebis laitières peuvent bénéficier de ces mesures dès lors qu'ils remplissent les critères d'éligibilité. Les éleveurs en production biologique (représentant près de 11 % de la collecte de lait de brebis) pourront également bénéficier du plan de soutien au secteur de l'agriculture biologique, récemment renforcé. En effet, le Gouvernement a annoncé lors du salon de l'agriculture, un plan pour l'agriculture biologique contenant des mesures de soutien d'urgence ainsi que des mesures structurelles de long terme visant à atteindre les objectifs fixés de développement de l'agriculture biologique. Pour répondre aux difficultés conjoncturelles, un fonds d'urgence initialement doté de 10 millions d'euros (M€) a été mis en place pour apporter une aide immédiate aux exploitations engagées en agriculture biologique qui sont en graves difficultés économiques et en risque de déconversion. Ce plan de soutien a été complété et renforcé le 17 mai 2023, notamment en dégageant une enveloppe de 60 M€ pour aider à résoudre les difficultés les plus urgentes des filières agricoles en agriculture biologique.

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