M. Dino Cinieri appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les dangers de la multiplication des chaussées à voie centrale banalisée surnommées « chaucidous » en l'absence de norme encadrant les conditions de leur construction. En effet, le principe est le suivant : plutôt que deux voies bien distinctes, une voie centrale est créée à destination des automobilistes roulant dans les deux sens et autour de cette voie centrale, des « rives » de chaque côté, doivent permettre aux vélos et autres usagers d'évoluer « en toute sécurité ». Constatant la multiplication des plaintes d'usagers enregistrées par son service « Activ'Route », la Ligue de défense des conducteurs alerte sur les conséquences de l'augmentation importante du nombre de ces aménagements à la suite de l'adoption en 2019 de la loi d'orientation des mobilités qui impose des « itinéraires cyclables pourvus d'aménagements » à l'occasion « des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et des voies rapides ». Des dizaines de projets de chaucidous sont tout juste réalisés ou en passe de l'être dans toute la France, dans l'Aisne, l'Aude, les Côtes-d'Armor les Deux-Sèvres, le Doubs, la Haute-Garonne, l'Indre-et-Loire, le Morbihan, la Somme, l'Yonne, etc. Or le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) n'a de cesse de souligner, à l'occasion de diverses études d'évaluation et notamment celle qu'il a publiée après analyse du chaucidou de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, que « cet aménagement de chaussée à voie centrale banalisée doit rester exceptionnel ». Si le principe des « chaucidous » est validé par une modification de l'article R. 431-9 du code de la route (décret n° 2015-808 du 2 juillet 2015), aucune norme, aucun décret ne vient encadrer les conditions de construction d'un chaucidou : largeur et longueur minimum/maximum, description de la chaussée type sur laquelle cette solution s'avère la plus adaptée, évaluation de la densité de circulation, etc. Pour mémoire, le code de la route interdit à tout automobiliste de rouler sur une piste cyclable alors que l'article R. 414-4 stipule que tout dépassement doit se faire à plus d'un mètre du cycliste en agglomération et à plus d'un mètre et demi hors agglomération, dans des « conditions normales de sécurité ». Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend d'une part réglementer de manière stricte le recours aux « chaucidous » et, d'autre part, engager des campagnes de sensibilisation des conducteurs au principe de ces aménagements afin de garantir une meilleure sécurité routière.
La chaussée à voie centrale banalisée est proposée dans une recommandation faite par le Cerema en 2017 dans une fiche de la collection « vélo ». Il s'agit « d'une chaussée étroite sans marquage axial dont les lignes de rive sont rapprochées de son axe. Les véhicules motorisés circulent sur une voie centrale bidirectionnelle et les cyclistes sur la partie revêtue de l'accotement appelée rive. La largeur de la voie ouverte aux véhicules motorisés est insuffisante pour permettre le croisement, ces derniers empruntent donc la rive lorsqu'ils se croisent, en vérifiant auparavant l'absence de cyclistes. » Cette recommandation faisait suite à l'évaluation de plusieurs essais réalisés à partir de 2010 dans les départements de l'Isère, de l'Hérault, du Pas-de-Calais, du Nord, de la Loire-Atlantique, de la Drôme et de la Seine-Maritime et de l'expérience de concepts proches dans des pays voisins dont la Belgique. La recommandation du Cerema s'accompagne cependant de restrictions : « Le niveau de service proposé aux cyclistes par la CVCB est a priori inférieur à celui offert par les pistes et bandes cyclables. En effet, les véhicules motorisés sont par défaut autorisés à circuler (pour se croiser), s'arrêter et stationner (…) sur la rive. Les piétons peuvent également l'emprunter. Ce type d'aménagement n'est donc à envisager que si l'ensemble des solutions possibles pour prendre en compte les cyclistes a été examiné. » Malgré ces précautions, le contenu de la fiche propose un domaine d'emploi étendu. Le trafic motorisé peut atteindre 5 000 véhicules par jour. Cela correspond sensiblement au maximum du trafic qui est accepté sur une route à deux voies pour le trafic motorisé bordée de bandes cyclables ou de bandes multifonctionnelles alors que sur une telle route, les automobilistes ne sont pas amenés à quitter leur file de circulation. La largeur recommandée par la fiche tient compte de l'écart que doit laisser un véhicule en doublant un cycliste en agglomération mais une majoration serait nécessaire en dehors. Il n'est pas prévu non plus de limite à la longueur de l'aménagement. Six ans après la parution de la fiche, les aménagements se multiplient et il apparaît donc nécessaire d'en faire un bilan, de préciser les cas d'usages et de définir une signalisation adaptée. La mesure 17 issue du comité interministériel de la sécurité routière du 17 juillet 2023 vise à préciser le contexte d'emploi des chaussées à voie centrale banalisée . Elle a pour objectif de permettre une cohabitation plus facile et des risques moindres entre les cyclistes et les véhicules motorisés sur ces aménagements et comprend deux aspects : préciser le contexte d'emploi de cet aménagement afin d'y rendre la circulation compatible avec les manœuvres à y réaliser et préciser les conditions d'implantation de ces CVCB afin qu'elles soient réservées à des routes adaptées. La direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités, la direction de la sécurité routière et le Cerema prépareront la mise en œuvre de ces mesures en relation avec les associations de collectivités et d'usagers.
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