M. Ugo Bernalicis alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la détresse psychologique des enfants et des jeunes adolescents. La pandémie de la covid-19 et les mesures sanitaires prises par le Gouvernement pour enrayer sa propagation ont eu et continuent à avoir, un impact sur la santé mentale de la population dont celle des enfants, des adolescents et des jeunes. Plusieurs études menées depuis mars 2020, date du premier confinement et de la fermeture des établissements scolaires, alertent sur les conséquences graves sur la jeunesse tout comme le font de nombreux professionnels de la santé, de l'enfance et de l'éducation nationale. En particulier, la santé mentale des plus jeunes s'est sérieusement dégradée, comme le signale Santé publique France dans ses bulletins de surveillance. Depuis mars 2020, les diverses données récoltées démontrent, entre autres, une augmentation des passages aux urgences pédiatriques chez les 11 à 17 ans pour des gestes ou idées suicidaires, des troubles de l'humeur. La tranche des 11 à 14 ans est la plus touchée. En novembre 2021, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a elle aussi tiré la sonnette d'alarme dans son rapport annuel sur les droits des enfants, relevant une hausse significative des troubles anxieux et des phobies sociales. 20 % des 15-24 ans présentaient un syndrome dépressif en 2020, contre 10 % en 2019. Plus récemment, le 5e rapport de l'Observatoire national du suicide a mis notamment en exergue une hausse très marquée des gestes suicidaires chez les adolescentes et les jeunes femmes dès mars 2020 et jusqu'au premier semestre 2022. Au regard de ce terrible constat, M. le député s'interroge sur l'action du Gouvernement pour résorber ces impacts sur la santé et en particulier la santé psychologique des jeunes. De plus, un récent rapport parlementaire présenté le 10 mai 2023, sur la médecine scolaire et la santé à l'école, pointe le manque de moyens alloués, le manque de personnels et un pilotage défaillant comme facteur d'explication des difficultés de la médecine scolaire. Ainsi, le rapport indique que seuls 62 % des bilans infirmiers de la 12e année sont réalisés et seuls 18 % des élèves ont eu leur visite médicale de la 6e année. Bien qu'il ne partage pas les analyses de performance soutenues par le rapport, M. le député considère que les constats posés mettent gravement en cause la sincérité du Gouvernement dans son action conduisant à une maltraitance institutionnelle des enfants et des personnels de chacun des ministères concernés. Ainsi, il souhaite connaître le calendrier précis et les moyens que compte déployer le ministère pour développer l'offre de structures médico-psychologiques adaptées à la prise en charge de la souffrance psychique des enfants et des adolescents.
En France, on peut estimer qu'environ 1,6 million d'enfants et adolescents souffrent d'un trouble psychique et l'épidémie de Covid-19 a eu pour effet une augmentation importante des troubles psychiques chez les enfants à partir de 10 ans et chez les adolescents (notamment augmentation des idées suicidaires, troubles anxieux et dépressifs). Le récent rapport de la Cour des Comptes relatif à la pédopsychiatrie pointe une diversité des troubles et une multiplicité des facteurs de risque complexifiant la réponse à apporter et une difficulté à estimer la sévérité des troubles. En effet, les troubles mentaux rencontrés chez les enfants et les adolescents sont divers, ils se distinguent par leur caractère non stabilisé, développemental et évolutif, par l'importance des facteurs de risques sociaux, économiques et familiaux et par la fréquence élevée des comorbidités. En 2022, Santé publique France a lancé, avec l'appui des ministères chargés de la santé et de l'éducation nationale et l'ensemble des acteurs agissant auprès des enfants et des jeunes, une étude visant à produire des indicateurs sur le bien-être et la santé mentale des enfants de 3 à 11 ans en France. Cette étude sur le bien-être des enfants a vocation à être répétée à intervalles réguliers et permettra de mesurer, de décrire les différentes dimensions du bien-être et des difficultés rencontrées, et d'identifier les circonstances, déterminants et impacts sur la qualité de vie des enfants. L'étude permettra de produire régulièrement des indicateurs de santé chez les enfants de 3 à 11 ans en France métropolitaine et dans les départements et régions d'outre-mer afin : - d'estimer le niveau de bien-être des enfants ; - d'estimer la prévalence (nombre d'enfants concernés) des différentes difficultés rencontrées (troubles de l'humeur, anxiétés, phobies, émotions, troubles des apprentissages) ; - de décrire les facteurs de risque et facteurs protecteurs associés, y compris les déterminants sociaux ; - d'évaluer le retentissement de ces difficultés sur d'autres domaines en lien avec la santé. Cette étude permettra d'accompagner les pouvoirs publics dans la mise en œuvre de stratégies de prévention et de prise en charge des enfants. S'agissant des mesures engagées par le Gouvernement, la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017 a créé les options PEA (psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, anciennement appelée pédopsychiatrie), conférant à l'étudiant l'exercice d'une surspécialité sans conduire à un exercice exclusif. L'objectif est de renforcer l'attractivité de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique. Depuis 2019, environ 75 % des postes ouverts sont pourvus. Les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former fixés par arrêté du 13 septembre 2021 pour la période 2021-2025, doivent par ailleurs permettre de couvrir les besoins de santé des années à venir et répondre aux attentes légitimes de la société dans son ensemble. L'objectif national pluriannuel est de former entre 76 655 et 85 455 (avec un objectif cible à 81 055) professionnels de santé, toute filière médicale confondue, pour la période 2021-2025, soit + 14 % par rapport au numerus clausus total de la période quinquennale précédente. D'autre part, un rattrapage financier global sur l'offre de soins en psychiatrie, et spécifiquement en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent a été amorcé depuis 2019 et est poursuivi chaque année depuis : - en opérant un rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : + 50 M€ en 2018, + 80 M€ en 2019, + 110 M€ en 2020 et à nouveau + 110 M€ en 2021. Ces crédits pérennes ont bénéficié à la pédopsychiatrie dans les territoires, selon les orientations stratégiques des Agences régionales de santé (ARS). - en mobilisant dès 2022, suite aux annonces issues des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues fin septembre 2021, des crédits pérennes supplémentaires à un niveau historique, dont une partie concerne spécifiquement la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie, au regard des effets de la crise sanitaire : - renforcement des maisons des adolescents (MDA). Ce sont des lieux ressources sur la santé et le bien-être des jeunes, et leur rôle a été mis en exergue par la crise sanitaire : + 10,5 M€ sur 2022-2023 ; - développement de l'accueil familial thérapeutique (AFT) : cette modalité offre une prise en charge adaptée dans un milieu familial accompagné d'un suivi par une équipe de psychiatrie : + 5 M€ sur 2022-2023 ; - renforcement des CMP de l'enfant et de l'adolescent (CMPEA) : principal acteur de la psychiatrie de secteur et de la prise en charge de proximité, ces structures font face depuis plusieurs années à une demande de soins croissante et à des délais d'attente qui s'allongent : + 8 M€ par an pendant 3 ans (2022 à 2024) afin de faciliter les premiers rendez-vous par un personnel non médical et ainsi réduire les délais d'attente. - renforcement des moyens dédiés à la prise en charge du psychotraumatisme, particulièrement pour la prise en charge des mineurs victimes de violences qui constitue une priorité gouvernementale : + 3,5 M€ sur 2022-2023. Depuis 2019, un appel à projets national annuel portant spécifiquement sur la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour le renforcement de l'offre dans les territoires les plus sous dotés au regard des besoins a été mis en place : + 20 M€ en 2019, + 20 M€ en 2020, + 30 M€ en 2021, + 20 M€ en 2022, ces crédits étant également pérennes. Devant le succès renouvelé chaque année de cet appel à projets et l'ampleur des besoins remontés, une enveloppe de 25 M€ de crédits pérennes a été identifiée pour 2023 (+ 5 M€ par rapport à 22). Après quatre années de pilotage national du dispositif, il est pertinent de donner la main aux ARS pour la répartition de ces crédits, l'appréciation des besoins et des réponses proposées dans un contexte territorial. Les ARS pourront ainsi accompagner directement les projets pertinents et l'allocation de ressources financières gagnera en réactivité. Les crédits seront délégués dans le cadre de la première circulaire budgétaire des établissements de santé. Enfin, la santé mentale des enfants et des adolescents a été clairement énoncée comme une priorité gouvernementale et figure dans les axes de travail majeurs des assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie, dont les conclusions seront annoncées dans les prochaines semaines.
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