Mme Karine Lebon interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la refonte des programmes scolaires dans les territoires ultramarins. Le 29 mars 2023, le collectif 20 Ans de créole à l'école s'est réuni pour dénoncer le manque de dialogue social avec les syndicats et la faible prise en compte du créole dans l'académie de La Réunion. En lien avec cette volonté de développer un meilleur apprentissage de la langue créole à l'école, la population et les organisations locales sont en demande croissante d'une place plus grande accordée à l'histoire du territoire dans les programmes du primaire et du secondaire. Des améliorations notables ont été apportées après 22 années d'expérimentation de l'intégration des langues et cultures régionales à La Réunion. L'ouverture de classes bilingues, bien qu'encore insuffisante et assez peu ambitieuse, notamment au niveau de moyens humains et financiers qui leurs sont allouées, reste à saluer. La création des CAPES et licence LCR constituent des avancées majeures dans ce travail de reconnaissance. Si la question de l'apprentissage de la langue créole est un sujet qui se développe sur l'île avec des débats qui sont de plus en plus apaisés, il faut quand même constater le faible degré de spécification des programmes scolaires non-linguistiques. L'enseignement gagnerait à se diversifier dans ces territoires à l'identité marquée et à l'histoire particulière, en lien avec l'esclavage et le colonialisme, qui les lient à la France. Cela permettrait aux élèves de découvrir l'environnement naturel, géographique et biologique, l'histoire, la création littéraire et artistique de leur île. Cet enseignement de l'identité et de la culture réunionnaises contribuerait grandement à un meilleur ancrage de l'école dans son environnement socioculturel. Il redonnerait une place à chaque individu dans le roman national tout en favorisant leur insertion dans l'Indianocéanie. Comme le recommandait déjà la loi « Peillon » de 2013, ces enseignements pourraient prendre la forme d'études de la littérature locale, de la géographie de l'île et de la région océan Indien, de l'histoire des colonisations, de l'engagisme et du continent africain, de pratiques sportives locales telles que le moringue, d'une sensibilisation aux instruments traditionnels du maloya ou enfin de la possibilité d'apprendre les langues des pays voisins comme le malgache ou le shimaoré au sein de l'école de la République. Elle lui demande s'il va lancer le processus de transformation des programmes scolaires pour qu'ils soient plus adaptés aux besoins culturels, linguistiques et identitaires des territoires ultramarins.
Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse a à cœur la réussite scolaire de tous les élèves, dans l'ensemble des territoires de la République : les enseignements doivent faire sens pour chacun d'eux. S'agissant des programmes scolaires non linguistiques, il convient de distinguer tout d'abord ceux qui font l'objet d'une adaptation spécifique. En effet, les programmes actuels d'histoire et de géographie ont tous fait l'objet d'adaptations par voie d'arrêtés, publiés au Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ces adaptations couvrent l'ensemble des niveaux d'enseignement, du CM1 à la terminale, ainsi que toutes les voies du lycée (générale, professionnelle, technologique), soit par contextualisation de certaines questions ou études, soit par ajout ou substitution de certains contenus d'enseignement. Le but est précisément de permettre aux élèves de mieux connaître leurs territoires, à travers leur histoire, ainsi que leur place dans le monde, mais également de mieux comprendre et caractériser leur lien avec la France. Ainsi, l'engagisme figure dans les programmes adaptés d'histoire pour les départements et régions d'outre-mer : en classe de 4e, il est précisé que l'étude des abolitions de l'esclavage se fait « sans omettre ses substitutions (engagisme) et leurs conséquences dans les colonies » ; pour la Réunion, en première générale, « on insiste sur les formes spécifiques d'organisation économique dans les colonies que sont l'engagisme et le colonat. » L'adaptation concerne également les programmes de l'enseignement de spécialité histoire-géographie, géopolitique, sciences politiques (HGGSP) : ainsi, en terminale, l'exemple du maloya, inscrit en 2009 au patrimoine culturel immatériel de l'humanité (UNESCO), peut être convoqué comme support d'étude dans le traitement du thème « Identifier, protéger le patrimoine ». Au-delà des enseignements bénéficiant de programmes adaptés, l'ensemble des programmes disciplinaires invitent les professeurs à contextualiser leurs objets d'enseignement, pour donner du sens aux apprentissages de leurs élèves. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'adapter les programmes nationaux, les professeurs de sciences de la vie et de la Terre peuvent traiter des enjeux globaux de la préservation de la biodiversité à partir d'exemples d'espèces endémiques de l'île de La Réunion et d'écosystèmes locaux tels que les récifs coralliens ou les forêts humides. De même, l'étude des agents pathogènes et des maladies vectorielles en classe de seconde permet d'étudier des problématiques locales : si, en métropole, l'exemple de la Borréliose de Lyme transmise par les tiques est souvent choisi, à La Réunion, l'étude peut porter sur les maladies transmises par les moustiques Aedes albopictus. D'autres disciplines permettent cette contextualisation : EPS avec les activités de pleine nature ; littérature avec la possibilité de proposer aux élèves des oeuvres du patrimoine littéraire réunionnais ; arts plastiques avec la rencontre d'oeuvres et artistes réunionnais et la découverte du patrimoine de proximité ; éducation musicale, etc. Ainsi, par l'exercice avisé de leur liberté pédagogique et dans le respect des programmes, les professeurs peuvent répondre aux besoins culturels, linguistiques et pédagogiques des élèves vivant dans les territoires ultramarins.
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