Mme Caroline Colombier alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les modalités de contrôle dont font l'objet les écoles hors contrat. La liberté de l'enseignement « constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et l'article L. 151-1 du code de l'éducation prévoit que son exercice est garanti par l'État aux établissements privés ouverts conformément à la réglementation. Ce droit doit s'exercer dans le respect du droit de l'enfant à l'instruction défini à l'article L. 111-1 du code de l'éducation et dont l'objet est précisé à son article L. 131-1-1. La liberté de choix éducatif des parents doit ainsi se conjuguer avec les droits reconnus à l'enfant lui-même, que l'État a le devoir de préserver. Comme le rappelle la circulaire n° 2015-115 du 17 juillet 2015, « les articles L. 241-4 et L. 241-7 du code de l'éducation précisent que l'inspection des établissements d'enseignement privés ne peut porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la Constitution, aux lois ». Pour le reste, cette inspection porte sur « la moralité, l'hygiène, la salubrité et l'exécution des obligations imposées à ces établissements ». L'article L. 442-2 du code de l'éducation prévoit d'abord qu'un contrôle des classes hors contrat peut être prescrit chaque année afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1. Il précise ensuite que l'enseignement doit être « conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini par les articles L. 131-1-1 et L. 131-10 ». Il apparaît toutefois que des modalités d'inspection des établissements d'enseignement privé hors contrat ne sont pas expressément prévues par la loi. Dans ce contexte, des inspections aux pratiques scandaleuses semblent s'être déroulées ces derniers mois dans ces établissements. Ainsi, au-delà des témoignages de nombreux parents et professeurs, la Fédération des parents d'élèves des écoles indépendants (FPEEI) alerte sur ce point dans un communiqué du 1er juin 2023, dans lequel il recense de graves abus de la part des inspecteurs : arrivées par une porte dérobée, fouilles des cartables des élèves, intimidations, inspecteurs en surnombre, prise de photos intempestives, fouilles généralisées, ouverture de tous les placards et les tiroirs de l'établissement, « entretiens » vécus pour certains comme des « interrogatoires individuels entre inspecteur et enfant mineur » donnant lieu à des questions intrusives et parfois indécentes (à titre d'exemples : « Avez-vous des problèmes familiaux ? », « Parlez-vous de sexualité à la maison ? », « En parlez-vous beaucoup ? », « Supportez-vous l'uniforme ? », « Cela ne vous dérange-t-il pas de ne jamais changer d'aspect ? », « Avez-vous accès à internet à la maison ? » etc.). Pourtant, sur ce dernier point, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports avait indiqué dans sa réponse à la question écrite n° 35609 que : « le recours à l'entretien individuel selon les modalités décrites dans la question n'est pas préconisé par le ministère », à savoir des entretiens où l'enfant ne pouvait bénéficier de l'appui d'un de ses parents, d'un proche, d'une personne de confiance, d'une assistance sociale, d'un psychologue pour enfant ou d'un avocat. Les fonctionnaires de l'éducation nationale ne sont ni des officiers de police judiciaire ni assermentés par la protection des mineurs et la manière dont se déroulent les entretiens recensés ces dernières semaines placent l'enfant mineur seul dans un lieu clos en présence d'un adulte. Cette situation est à déconseiller en raison des possibles faits non prouvés en l'absence de témoins et pouvant émaner des deux côtés. Cette pratique n'en est qu'une parmi tant d'autres scandaleuses et ces dernières peuvent entraîner de graves conséquences. Aussi, elle lui demande s'il entend rappeler que les fonctionnaires qui inspectent les écoles d'enseignements hors contrat doivent avoir une attitude respectueuse vis-à-vis de l'établissement, de ses personnels et de ses élèves. Elle lui demande de leur rappeler également qu'ils ne peuvent procéder à des entretiens individuels avec un enfant mineur conformément à la réponse ministérielle à la question écrite n° 35609. Enfin, elle lui demande d'établir et de lui communiquer la liste complète et nominative de toutes les pratiques autorisées dans le cadre de ces inspections, liste qu'elle lui demande de diffuser auprès des fonctionnaires de l'éducation nationale afin d'éviter les abus et les scandales.
Depuis 2018, le régime juridique relatif aux établissements d'enseignement privés hors contrat a été profondément rénové : en premier lieu par la loi nº 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements d'enseignement privés hors contrat ; puis par la loi nº 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ; et enfin par la loi nº 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La refondation des modalités de contrôle de l'ouverture et de l'activité des établissements privés hors contrat, quel que soit le caractère propre qu'ils revendiquent, permet désormais une action efficace de la puissance publique en la matière. Ainsi, ce régime juridique tend aussi bien à promouvoir le droit à l'éducation qu'à garantir la sécurité des élèves accueillis au sein de ces établissements. La compétence de l'autorité académique pour assurer ce contrôle trouve son fondement dans l'article L. 442-2 du code de l'éducation ; ce contrôle vise un double objectif. D'une part, vérifier dans quelle mesure ces établissements permettent à leurs élèves de maîtriser, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire (de 3 à 16 ans), l'ensemble des exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. D'autre part, il s'agit de s'assurer que les conditions de fonctionnement de ces mêmes établissements ne portent pas atteinte à l'ordre public et qu'elles offrent des garanties suffisantes en matière de prévention sanitaire et sociale, comme de protection de l'enfance et de la jeunesse. Conformément à l'article L. 241-4 du même code, un mandat est donné en ce sens par l'autorité académique aux équipes chargées de l'inspection des établissements d'enseignement privés hors contrat. Un guide pratique relatif au régime juridique applicable à l'ouverture, au fonctionnement et au contrôle des établissements d'enseignement privés hors contrat, librement accessible sur Internet, est par ailleurs diffusé depuis mars 2022 (v. https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo18/MENF2209703A.htm). C'est dans ce cadre que les inspecteurs inscrivent leur action. Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse porte une attention toute particulière à l'organisation et au déroulement de contrôles réguliers des établissements privés hors contrat. Le nombre de contrôles est en augmentation constante, tout comme le nombre d'établissements privés hors contrat ouverts et les effectifs d'élèves qui y sont scolarisés. Ainsi, au cours de l'année scolaire 2021-2022, 650 inspections ont été menées et tous les établissements nouvellement ouverts ont été contrôlés. Le directeur de l'établissement peut être préalablement informé de la date du contrôle et de ses modalités. Toutefois, le contrôle peut aussi être effectué sans délai et de manière inopinée. De même, l'autorité académique peut décider si l'inspection sera réalisée par les inspecteurs de l'éducation nationale ou s'il apparaît pertinent d'y associer d'autres services de l'État afin de procéder aux contrôles relevant de leurs compétences. Ainsi, en pratique, la taille des équipes chargées de l'inspection de ces établissements peut être différente d'un établissement à l'autre, les inspecteurs de l'éducation nationale étant exceptionnellement en nombre supérieur à trois ou quatre. Les inspections constituent également des temps d'échange permettant aux établissements de progresser et de délivrer un enseignement toujours plus qualitatif aux élèves. Au demeurant, les inspections, dans leur grande majorité, conduisent à des rapports positifs, parfois accompagnés de conseils d'amélioration. En revanche, dans les cas où des manquements sont constatés, une mise en demeure est adressée à l'établissement assortie de recommandations pour permettre à l'établissement de remédier aux manquements dans les délais qui lui sont fixés. Dans ce cas, l'établissement fait l'objet d'une nouvelle inspection permettant de s'assurer qu'il a mis en œuvre les actions nécessaires. Ces pistes de remédiation sont toujours fournies dans le respect de la liberté pédagogique des établissements privés hors contrat. L'administration centrale du ministère accompagne les services académiques dans la mise en œuvre de ce cadre rénové de contrôle de ces établissements. Non seulement il existe le guide pratique mentionné plus haut, mais des formations sont également proposées aux académies pour rappeler ce cadre ainsi que les pratiques à observer lors des inspections. Elles sont plus particulièrement destinées aux inspecteurs de l'éducation nationale et aux services administratifs, dans une optique d'amélioration des processus d'instruction des demandes d'ouverture et d'inspection des établissements privés hors contrat.
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