M. Guillaume Garot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'accueil et de prise en charge des mineurs non accompagnés au cours du processus de détermination de leur âge, contraire aux obligations internationales de la France concernant le respect et la protection des droits de l'enfant. À l'heure actuelle, pour les jeunes qui n'ont pas fait l'objet d'une admission à l'aide sociale à l'enfance (ASE) à l'issue de l'évaluation de leur minorité et de l'isolement, la période de mise à l'abri prend fin immédiatement. Une partie des jeunes non reconnus mineurs par les départements décide de saisir le juge des enfants qui statue sur leur minorité et décide, pour ceux qu'il reconnaît mineurs, de les confier aux services de la protection de l'enfance. Les associations bénévoles accompagnant ces jeunes au cours de leur saisine s'accordent pour dire qu'environ 50 % d'entre eux obtiendraient une reconnaissance de leur minorité à l'issue de la procédure. Pour autant, la saisine du juge des enfants peut durer plusieurs mois et n'est pas suspensive. Ainsi, ces jeunes ne sont pas maintenus dans des dispositifs d'accueil de l'ASE et, se déclarant mineurs, ne peuvent pas non plus accéder aux hébergements d'urgence du droit commun qui sont exclusivement réservés aux adultes. Le vide juridique entourant cette période de saisine oblige dès lors ces mineurs à vivre cette période d'incertitude à la rue, faisant d'eux des proies faciles pour des réseaux délinquants et les rend dépendants des éventuels soutiens citoyens et associatifs présents sur le territoire pour subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux. C'est ce qui a mené environ trois cents jeunes à occuper, faute de mieux, depuis le début du mois d'avril 2023, une école désaffectée parisienne dont la vétusté constitue une atteinte grave à leur intégrité physique. Les ruptures dans la prise en charge de ces jeunes et le recours qui en résulte à un hébergement sauvage ne peut qu'aggraver leur situation après un parcours d'exil souvent chaotique. Or en vertu de ses obligations internationales, la France est tenue d'assurer la protection de l'intégralité des enfants présents sur son territoire. Tant que le juge ne s'est pas prononcé sur la minorité d'un jeune se déclarant mineur, il est indispensable que ce dernier soit traité en tant que tel, avec toutes les garanties que cela implique : un hébergement sécurisé, l'accès à l'éducation et aux soins. À l'heure où le Comité des Nations unies pour les droits de l'enfant, lors de son examen du mois de mai 2023 se dit préoccupé par l'absence d'application en France du principe de présomption de minorité au cours du processus de détermination de l'âge, il est urgent que ce principe soit remis au centre de la prise en charge de ces jeunes. De plus en plus, cette dernière tend à être organisée et réfléchie sous le prisme de la gestion des flux migratoires et ces jeunes à être perçus comme des étrangers, plutôt que comme des enfants en danger. Dans un communiqué en date du 11 mai 2023, l'Assemblée des départements alerte les ministères de l'intérieur et de la justice sur l'embolie qui touche les systèmes départementaux de protection de l'enfance, rendus incapables de répondre à l'augmentation du nombre de mineurs isolés étrangers en France. En réaction à ce constat, la demande de l'Assemblée des départements à l'État de renforcer les moyens de la police pour surveiller les frontières atteste de ce dangereux glissement qui menace gravement les droits de ces enfants. C'est pourtant l'exigence de la protection de l'enfance qui doit guider les politiques publiques en la matière afin d'assurer un accueil et une mise à l'abri dignes, tant que le doute sur leur minorité subsiste. En conséquence, il lui demande quelles mesures concrètes nouvelles le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre et à partir de quand, pour garantir, conformément au droit international le maintien d'une protection de ces mineurs isolés étrangers jusqu'à la décision définitive du juge des enfants concernant leur minorité.
La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 consacre une protection spécifique permettant à toute personne se présentant comme mineure non accompagnée (MNA) d'être mise à l'abri. Cet accueil provisoire d'urgence dépend de la compétence exclusive des conseils départementaux conformément à l'article L221-4-2 du code de l'action sociale et des familles. Si une personne n'est pas reconnue MNA à l'issue de l'évaluation de la minorité et l'isolement, sa mise à l'abri prend fin. Elle se voit notifier un document attestant qu'une prise en charge au titre de la protection de l'enfance lui a été refusée. Ce document lui permet de prétendre à l'ensemble des droits reconnus aux personnes majeures (hébergement d'urgence, ouverture des droits à l'aide médicale d'Etat, dépôt d'une demande d'asile ou de titre de séjour dans le cadre fixé par le CESEDA). La personne qui n'a pas été évaluée MNA peut former un recours gracieux contre la décision de refus de prise en charge du président du conseil départemental. Il peut également saisir le juge des enfants, sur le fondement de l'article 375 du code civil, afin que son statut de MNA soit reconnu. Le juge examine un faisceau d'indices et apprécie souverainement l'opportunité d'une mesure de protection mise en œuvre par les services de l'aide sociale à l'enfance du département. Cependant, la présomption de minorité n'existant pas en droit français, le temps que la décision soit rendue, le jeune sort du cadre de la protection de l'enfance en danger. Le recours gracieux contre la décision du président du conseil départemental ou la saisine du juge des enfants aux fins de reconnaissance de la minorité ne sont pas suspensifs. Toutefois, s'il est saisi, le juge des enfants peut prendre une ordonnance de placement provisoire le temps que des investigations complémentaires soient diligentées. Des dispositifs et partenariats ont été mis en place par certains départements afin que les personnes en attente d'une décision d'un juge des enfants soient mises à l'abri, tels que la création de centres d'hébergement dédiés aux personnes se déclarant MNA ayant saisi le juge des enfants ; un prolongement systématique de la mise à l'abri des personnes les plus vulnérables et des jeunes filles après la notification de refus de prise en charge ; des partenariats avec des associations qui accompagnent les jeunes le temps de la saisine d'un juge des enfants et les mettent en lien avec des familles dites « parrainantes ». Afin de lutter contre l'exploitation des MNA par des réseaux délinquants, la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a publié un guide intitulé « l'identification et la protection des victimes de traite des êtres humains ». Ce guide est un outil institutionnel assorti de fiches réflexes déclinées en fonction des besoins des professionnels. Il permet d'améliorer le repérage des victimes et leur identification, mieux accueillir et accompagner celles-ci et faciliter le partenariat entre professionnels. Par ailleurs, un dispositif expérimental de prise en charge et d'éloignement a été créé en juin 2016 à Paris. Ce dispositif met l'accent sur la détection et le signalement du mineur victime et sur l'articulation entre l'enquête pénale et les mesures de protection, en privilégiant la mise en œuvre de mesures éducatives appropriées par rapport à des sanctions pénales. Le ministère de la Justice encourage l'extension du dispositif expérimental parisien à tout le territoire national.
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