Mme Nadège Abomangoli appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur ses annonces concernant Fret SNCF suite à l'ouverture d'une enquête par la Commission européenne le 18 janvier 2023. Cette procédure à l'encontre de la France est motivée par un soi-disant non-respect des règles sur les aides d'État censées éviter les « distorsions de concurrence ». C'est ainsi l'aboutissement de 15 ans de libéralisation du fret ferroviaire organisé conjointement par l'Union européenne et les gouvernements successifs. Depuis 2006, date de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire suite à l'adoption par la Commission européenne du deuxième paquet ferroviaire, la situation du fret ferroviaire n'a cessé de se dégrader. Alors que cette libéralisation avait été vendue comme le remède miracle pour relancer le trafic, celui-ci s'est écroulé de 30 %. La part modale de marchandises transportées par rail de 25 % en 1980 à moins de 11 % aujourd'hui. Fret SNCF a de son côté vu le nombre de cheminots passer de 15 000 à 5 000 et a perdu des parts de marché ne transportant plus qu'environ 50 % d'un trafic exsangue (près de 2/3 de volume de marchandises transportées en moins pour Fret SNCF depuis 2003). La concurrence n'est pas la solution, c'est le problème. Entre 2006 et 2019, de nombreuses entreprises privées, ne jurant que par la rentabilité économique, ont concurrencé Fret SNCF sur les segments profitables, ne laissant que les secteurs les moins rentables à Fret SNCF. Pourtant, le fret ferroviaire compte de nombreux avantages stratégiques et écologiques : stratégique car il permet la souveraineté industrielle française ainsi qu'un maillage fin, désenclavant certains territoires. Écologique car un train de 35 wagons représente l'équivalent de 55 camions de 32 tonnes. À l'heure où les transports pèsent pour 32 % des émissions carbonées hexagonales et 12 % pour le seul transport routier de marchandises, le fret ferroviaire est un formidable outil pour réduire les émissions de gaz à effets de serre. Alors que Fret SNCF devrait être au cœur des grandes politiques publiques nécessaires à la transition écologique et au développement industriel national, M. le ministre décide au nom du Gouvernement d'achever le démantèlement entamé par ses prédécesseurs sous couvert d'anticipation d'une sanction européenne. Sanction qui est elle-même la conséquence directe de la loi « Pour un nouveau pacte ferroviaire » de 2018 portée par Mme Elisabeth Borne, alors ministre des transports. Pourtant à l'époque, les syndicalistes avaient alerté sur la transformation de Fret SNCF en société par actions simplifiée (SAS) et les risques de sanctions par Bruxelles au nom du dogme de la concurrence. Encore une fois les syndicats avaient raison et c'est aujourd'hui des centaines de salariés qui paient le prix de l'incompétence d'Elisabeth Borne. Après 15 ans de gestions néolibérales, la Commission européenne entend donc appuyer sur l'accélérateur en pleine crise climatique et pousser au démantèlement de l'opérateur public historique. Par leur incompétence et leur soumission à Bruxelles, le Gouvernement signe d'un trait de plume le licenciement de plus de 500 cheminots vers la sortie, comme seul remerciement d'un travail acharné et de nombreux sacrifices. M. le ministre annonce de surcroît une cession des trains dits dédiés, dont le train emblématique des primeurs, à partir du 31 décembre 2023 ce qui représente une perte de 30 % du volume total de l'activité de Fret SNCF. Au passage le Gouvernement organise la vente à la découpe de l'entreprise en transférant plus de 60 locomotives au privé, en cédant 40 % des actifs immobiliers ainsi que la plateforme logistique de Saint-Priest aux concurrents du privé ! Une aberration de plus dans la droite ligne de la politique menée depuis 15 ans. Des choix politiques qui ont conduit à une casse du fret ferroviaire au détriment de la route. Depuis 2006, ce sont plus de 1,6 million de camions supplémentaires qui ont été jetés sur les routes. Au lieu de satisfaire les exigences de la Commission européenne qui sont incompatibles avec une politique ambitieuse de relance du fret ferroviaire public, M le ministre devrait mener le combat contre Bruxelles pour imposer un monopole public sur le secteur du fret ferroviaire. Au nom de l'intérêt général de la nation, il y a urgence à placer le fret ferroviaire sous l'égide d'une entreprise 100 % publique, unifiée et intégrée tel que l'était la SNCF. Le fret ferroviaire public est un outil indispensable pour atteindre les objectifs du « plan de réduction des émissions de gaz à effet de serres » pour lequel M. le ministre est bien à la traîne et pire encore, à contre-sens. Elle souhaite connaître les perspectives à ce sujet.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur du développement du fret ferroviaire, secteur stratégique pour la décarbonation du transport de marchandises. Ce moyen de transport reste plus que jamais une solution dans la planification écologique pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux de notre pays. Il convient de rappeler à ce sujet l'importance des moyens consacrés par l'Etat au secteur, dont le ministre chargé des transports a annoncé encore le renforcement récemment. D'ici 2032, 4 Md€ seront ainsi mobilisés dans des infrastructures spécifiques au fret ferroviaire, dont la moitié par l'Etat, dans le cadre de la déclinaison du plan d'avenir pour les transports annoncé par la Première ministre en février dernier. Par ailleurs, les aides à l'exploitation seront augmentées de 30 M€ par an à partir de 2025 et pérennisées à ce niveau jusqu'en 2030, ce qui portera à 330 M€ le total des aides à l'exploitation versées chaque année contre 80 M€ en 2017, avec une visibilité assurée à long terme. A la suite de l'ouverture par la Commission Européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de Fret SNCF, des échanges ont eu lieu entre les autorités françaises et la Commission. Le Gouvernement fait tout pour éviter le pire scénario, à savoir une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Md€. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait des milliers d'emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque – réel en cas d'inaction – de voir disparaître purement et simplement Fret SNCF et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra à terme que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Md€. Cette solution garantit la préservation intégrale du cœur d'activité de Fret SNCF que constitue la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement s'est fixées, à savoir l'absence de tout licenciement pour les statutaires comme les contractuels (100 % des emplois dans le ferroviaire sont préservés et 90 % des emplois seront maintenus au sein de la nouvelle organisation), l'absence de privatisation et l'absence de report modal sur la route. En ce qui concerne le cas spécifique du service Perpignan-Rungis, qui fait partie des contrats que Fret SNCF ne pourra plus opérer, l'Etat lancera très prochainement un nouvel appel à manifestation d'intérêt pour identifier un repreneur. Le train des primeurs, qui a été sauvé par l'Etat en 2021, continuera à rouler, quelle que soit la nouvelle étiquette de l'opérateur.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.