Mme Martine Etienne interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la mise en place d'une carte vitale transfrontalière. Les déserts médicaux se multiplient, partout sur le territoire : près d'un français sur dix n'a pas de médecin traitant. L'accès à des soins médicaux devient de plus en plus complexe, notamment dans les territoires isolés. Au fil des ans, suite aux départs des personnels soignants et surtout au sous financement du secteur de la santé et de l'hôpital public, le nord du département de Meurthe-et-Moselle est devenu un désert médical. En plus de souffrir d'un désengagement de l'État et d'un sous financement accru, le domaine de la santé doit supporter une concurrence avec le Luxembourg, voisin direct du département, qui, par sa politique salariale plus attrayante, absorbe les personnels médicaux pourtant formés en France. Pourtant, au sein du territoire, les besoins sont grandissants. La population, qui augmente, est vieillissante et donc d'autant plus impactée par la raréfaction des médecins et des spécialistes. Les citoyens en zone frontalière sont dans l'obligation de faire de nombreux kilomètres afin de se faire soigner au sein du territoire national, alors qu'une solution plus proche est possible au-delà des frontières. Mais, pour un résidant français travaillant sur le territoire national, il est assez difficile de se faire soigner chez un médecin luxembourgeois. En effet, les prix sont trop élevés et les délais de remboursement sont excessifs. Ainsi, de nombreux citoyens renoncent aux soins, faute de médecins proches de chez eux, ou parce qu'ils ne peuvent pas se permettre d'attendre un remboursement pendant des mois. Il est donc indispensable de faciliter l'accès à des soins suffisants et de qualité et à des remboursements qui prennent en charge la totalité des frais avec des procédures simplifiées. Elle l'interroge donc sur l'opportunité de faciliter l'accès aux soins et d'accélérer les remboursements avec la mise en place d'une carte vitale transfrontalière.
Les Etats membres de l'Union européenne ont adopté plusieurs dispositifs, transposés aux articles R. 160-1 et R. 160-2 du code de la sécurité sociale, afin de simplifier l'accès aux soins pour les personnes qui vivent près d'une frontière. Dans ce cadre, les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale (règlement 883/2004 et règlement 987/2009) prévoient les modalités de prise en charge des soins "médicalement nécessaires en cas de séjour temporaire" dans un autre Etat membre de l'Union européenne (UE), de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse. Ces soins sont ceux qui s'avèrent nécessaires du point de vue médical afin que la personne assurée ou son ayant droit ne soit pas contrainte de rejoindre, avant la fin de la durée prévue de son séjour, son État de résidence pour y recevoir le traitement nécessaire. Il s'agit de soins qui ne peuvent pas faire l'objet d'une programmation et ne sont donc pas soumis à autorisation préalable de la caisse d'assurance maladie de l'intéressé : ils concernent les personnes qui, lors d'un séjour touristique ou pour tout autre motif, notamment professionnel, dans un autre Etat membre, tombent malades ou se blessent et doivent donc être soignées dans cet Etat. Ces règlements organisent également la prise en charge des soins dits programmés. Les soins programmés sont ceux que le patient planifie à l'avance et qui constituent la raison principale du déplacement dans un autre Etat membre de l'UE, de l'EEE ou en Suisse. Les soins programmés doivent être autorisés par la Caisse d'assurance maladie préalablement au départ dans l'autre Etat membre. Une directive relative aux droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, la directive 2011/24/UE, est venue s'ajouter aux dispositions existantes afin de faciliter la prise en charge des soins programmés. Il existe désormais une liste de soins programmés qui sont soumis à autorisation préalable (formulaire européen S2 « droit aux soins programmés »). Ces soins sont les suivants : - les soins qui requièrent au moins une nuit dans un établissement de soins, c'est-à-dire les soins hospitaliers, y compris les soins de suite et les cures thermales avec hospitalisation ; - ceux nécessitant le recours à des infrastructures ou à des équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux, qui figurent sur une liste établie par arrêté ministériel (notamment les IRM, scanner, le traitement du cancer, les soins cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation). S'agissant des autres soins programmés, également dénommés soins de ville ou ambulatoires, ils ne nécessitent pas l'obtention d'une autorisation préalable. Les patients sont libres de circuler dans un autre Etat afin de recevoir de tels soins. Dans le cas des habitants du nord du département de Meurthe-et-Moselle, les dispositions de la directive permettent un accès aux soins de ville au Luxembourg et en Belgique. Après avoir bénéficié des soins, les patients doivent demander le remboursement à leur caisse d'assurance maladie ou directement via leur compte Ameli. Les patients peuvent choisir de se faire rembourser sur la base de la législation française ou sur la base de la législation de l'Etat dans lequel les soins ont été réalisés. Le délai de remboursement par l'assurance maladie française a pu être long en raison du nombre de dossiers mais a vocation à se réduire progressivement grâce à la meilleure information des acteurs concernés. En complément de ces dispositifs, des conventions transfrontalières de coopération sanitaire ont été signées entre la France et les Etats frontaliers dont le Luxembourg. Ces conventions permettent l'adoption de conventions locales afin de s'adapter au mieux aux besoins des territoires concernés. A ce titre, la France et le Luxembourg ont signé une convention de coopération transfrontalière sur les secours d'urgence et le transport sanitaire urgent transfrontaliers ainsi qu'un protocole local pour l'exécution de cette convention. De plus, il existe une convention de zone organisée d'accès aux soins transfrontaliers "ZOAST" qui couvre le sud de la province belge du Luxembourg et une partie de Meurthe-et-Moselle. Cette convention organise la coopération entre les établissements hospitaliers de la zone et permet la facilitation de certaines démarches administratives. Les établissements belges disposent ainsi de lecteurs de cartes vitales qui leur permettent de télétransmettre les factures aux caisses d'assurance maladie françaises. Enfin, les services du ministère chargé de la santé poursuivent leurs travaux pour améliorer la coopération sanitaire avec les Etats frontaliers.
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