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Thomas Portes
Question N° 9093 au Ministère des solidarités


Question soumise le 20 juin 2023

M. Thomas Portes alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la non-prise en charge des 500 mineurs non accompagnés réfugiés à l'école Erlanger. Depuis le 4 avril 2023, plusieurs centaines de jeunes isolés survivent dans l'enceinte d'une école désaffectée dans le 16e arrondissement de Paris. Cela fait donc 66 jours de trop que l'État a abandonné ses devoirs et bafoué les droits de l'enfance. Livrés à eux-mêmes et avec pour seuls soutiens quatre associations citoyennes et non subventionnées par l'État, ces jeunes logent dans des conditions indignes, privés d'eau courante et d'électricité et dorment dans des tentes à l'extérieur et à même le sol à l'intérieur. En restant sourd aux différentes alertes lancées par Utopia 56, Timmy, Midie du Mie et Centre Tara, l'État assume d'avoir choisi l'abandon et le renoncement, au détriment du droit et de la solidarité. Au 58 rue Erlanger, l'extrême droite est venue intimider et casser des biens apportés par la mairie du 16e. Le plafond s'effondre, l'insalubrité est omniprésente, les murs ont des trous et les fenêtres laissent passer le vent. Les jeunes aspirent à une autre vie que celle qui leur est offerte : être scolarisés, participer à une vie associative, grandir, être des enfants. C'est pourtant un campement qui fait froid dans le dos que l'on trouve sur place, preuve que l'on a failli à offrir un accueil décent à des mineurs. Alors que les condamnations pleuvent sur la belle République française, leur garantir ce droit à l'enfance passe indéniablement par une mise à l'abri. En effet, selon la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Malheureusement, la France n'en est pas à son coup d'essai et a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la Convention européenne des droits de l'Homme par la CEDH du fait du placement en rétention d'enfants mineurs étrangers. Le 4 mai 2023, deux nouvelles condamnations de la CEDH sont venues allonger la liste. Derrière ces décisions, ce sont 7 enfants, âgés de sept mois à treize ans, qui ont été enfermés en 2020 et 2021 derrière les grilles des centres de rétention du Mesnil-Amelot et de Metz. En tout, la France a déjà été 11 fois condamnée par la CEDH, qui dénonce des traitements inhumains et dégradants. Il est nécessaire, dans un contexte de saturation de l'espace public par la violence de l'extrême droite, de rappeler les fondements de solidarité et de fraternité de la République. Les MNA sont avant tout des enfants et doivent donc bénéficier de l'ensemble des droits prévus par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). En vertu du principe de non-discrimination (article 2 de la CIDE), les mineurs étrangers présents en France ont les mêmes droits que les mineurs de nationalité française et relèvent ainsi du dispositif de protection de l'enfance. Comme l'indique l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF), « la protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge ». Tous les jeunes actuellement présents à l'école Erlanger sont en recours de minorité, ce qui signifie qu'ils sont légalement présents sur le territoire français. L'État doit donc honorer ses devoirs, dont celui de mise à l'abri des mineurs non accompagnés, lors de leur recours de minorité. Il est de la responsabilité du département d'assurer leur protection et de s'appuyer sur le principe de présomption de minorité, la grande majorité de ces jeunes étant reconnus mineurs après leur recours. Il lui demande donc quelles sont les mesures qui seront prises pour assurer la protection de ces mineurs à la vue de la saturation du dispositif de mise à l'abri et s'ils vont continuer à vivre dans la rue sans aucune considération pour le droit français, européen et international.

Réponse émise le 24 octobre 2023

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, renforcée par les dispositions de la loi du 7 février 2022, consacre une protection spécifique permettant à toute personne se déclarant mineur non accompagné (MNA) d'être mise à l'abri dans le cadre d'un accueil provisoire d'urgence jusqu'à ce que sa situation soit évaluée. En application de l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), issue de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, l'évaluation de la minorité et de l'isolement ainsi que la mise à l'abri sont de la responsabilité du conseil départemental au regard de ses compétences en matière de protection de l'enfance. Toute personne se présentant comme MNA est prise en charge dans le cadre d'un accueil d'urgence provisoire par les services du conseil départemental, et plus particulièrement par les services de l'aide sociale à l'enfance, qui dure pendant la période d'évaluation de la situation de la personne intéressée par le conseil départemental. La loi du 7 février 2022, avec l'introduction de l'article L. 221-2-4 du CASF, fixe ainsi au niveau législatif le cadre de la mise à l'abri et de l'évaluation des personnes se présentant comme MNA en confiant cette compétence au président du conseil départemental, chef de file de la protection de l'enfance. Dans le cadre de cet accueil provisoire d'urgence, la personne est prise en charge dans une structure adaptée à sa situation, autorisée et contrôlée par le conseil départemental et assurant un premier accompagnement social. La personne bénéficie par ailleurs d'un temps de répit avant son évaluation. Ce temps de répit est un moment durant lequel la personne est prise en charge sur un plan sanitaire et humain, avec un entretien visant simplement à évaluer ses besoins en matière de santé. Le temps de répit permet une protection et une mise en confiance de la personne se présentant comme MNA avant son évaluation. Le jeune peut ainsi appréhender l'entretien en meilleure condition physique et psychologique. L'évaluation de la minorité et de l'isolement est assurée soit par le service d'aide sociale à l'enfance soit par un service autorisé et contrôlé par le conseil départemental. Le cadre de l'évaluation sociale est défini réglementairement et prend appui sur un référentiel national afin de garantir la pertinence et l'homogénéité des pratiques sur l'ensemble du territoire. Elle doit être réalisée par des professionnels formés à cet effet dans une langue comprise par l'intéressé, le cas échéant avec le recours d'un interprète. En vue d'évaluer la situation de la personne et après lui avoir permis de bénéficier d'un temps de répit, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. Si le président du conseil départemental conclut à l'absence de minorité ou d'isolement, l'accueil provisoire d'urgence prend fin. Il ressort par ailleurs de la jurisprudence constitutionnelle qu'aucune présomption de minorité n'a été érigée au rang de principe constitutionnel dans sa décision Unicef France (Conseil constitutionnel, n° 2019-797 question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 26 juillet 2019). Dans cette situation, la personne se déclarant mineure reconnue majeure par le département, dispose néanmoins d'une procédure de mise à l'abri en application de L. 345-2-2 du CASF dans le cadre des dispositions de droit commun de l'hébergement d'urgence. Cette possibilité et la lisibilité de cette orientation possible doivent être partagées et communiquées entre les professionnels pour donner l'information aux jeunes et accompagner cette information.

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