Mme Florence Goulet interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur l'effet de l'interdiction des chaudières à gaz sur la situation des habitants de régions rurales. Le plan d'action visant à accélérer la réduction des émissions de CO2, présenté le 22 mai 2023, s'appuie sur l'électrification massive pour répondre aux besoins énergétiques des Français, se traduisant notamment par l'interdiction des chaudières à gaz dès 2026 et leur remplacement par des pompes à chaleur. Une telle mesure accentuerait les inégalités sociales et territoriales alors que 12 millions de foyers sont encore chauffés au gaz. Par ailleurs, en milieu rural, l'installation d'une pompe à chaleur est souvent inabordable et inadaptée. Les logements y sont la plupart du temps des maisons individuelles (93 % en communes rurales) dont la superficie est supérieure ou égale à 80 mètres carrés et de conception ancienne (26 % ont été construites avant 1918). Par ailleurs, la compatibilité des nouvelles chaudières avec le gaz vert semble acquise et l'incorporation de bio-propane dans les chaudières THPE permettrait de réduire les émissions de CO2 de ces logements à hauteur de 77 %. C'est pourquoi il est difficile de comprendre la stratégie du Gouvernement lorsqu'il envisage une telle interdiction, laquelle pèsera gravement sur la filière française du gaz en menaçant des milliers d'emplois. Aussi, elle lui demande des précisions sur les intentions du Gouvernement, face aux inquiétudes des professionnels sur l'avenir de leur secteur d'activité d'une part et des Français sur leur pouvoir d'achat d'autre part.
Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. A cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, nous devons interroger tous les leviers disponibles : la sobriété énergétique, qui repose sur un changement pérenne des usages ; les mesures d'efficacité énergétique, notamment la rénovation des bâtiments ; l'accélération du rythme de sortie des énergies fossiles en substituant les équipements fonctionnant au fioul ou au gaz par de la chaleur renouvelable ou décarbonée ; la décarbonation du gaz restant par des gaz renouvelables et bas carbone. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières gaz applicable dans les logements existants. Cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons a déjà été posé. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. L'objectif poursuivi par cette réglementation est l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz. Comme toutes les actions engagées en vue d'accélérer la transition énergétique dans notre pays, des évolutions sont nécessaires pour proposer aux Français des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Ces solutions sont compétitives, et peuvent induire une plus faible consommation d'énergie du bâtiment construit, en particulier en étant associées à des travaux de rénovation. Au vu de cette plus faible consommation d'énergie des bâtiments neufs, les rapports « Futurs énergétiques 2050 » de RTE et les « Eléments de prospective du réseau public de distribution d'électricité à l'horizon 2050 » d'Enedis, qui prennent en compte une fin du gaz progressive dans les bâtiments neufs, estiment qu'une telle transition est possible tout en assurant la viabilité du réseau électrique. C'est un point auquel le Gouvernement est particulièrement attentif. Cette transition est aussi un enjeu de souveraineté, dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. Ces changements structurels seront engagés progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, la ministre est convaincue que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l'Etat y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur, qui font l'objet d'échanges avec les filières, y contribuent également. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront très prochainement le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. S'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. La ministre rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 TWh de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Les tarifs d'achat du biogaz injecté dans les réseaux seront bientôt revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation (inflation deux fois par an du tarif, possibilité de cumul avec une aide à l'investissement, incitation à l'autoconsommation…). Le dispositif des Certificats de Production de Biométhane introduit par la loi Climat & Résilience de 2021 pour obliger progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporé sera également prochainement mis en œuvre. Ces dispositions permettront d'accélérer le développement de la filière et assurer la poursuite de notre trajectoire définie dans la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique. Enfin concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large, documentée avec les parties prenantes en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés. C'est pourquoi les ministres Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et Olivier Klein ont lancé une concertation publique sur la décarbonation du secteur du bâtiment et notamment l'accélération de la décarbonation des moyens de chauffages.
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