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André Chassaigne
Question N° 9069 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 20 juin 2023

M. André Chassaigne interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur l'obligation de délivrance d'une copie des listes électorales faite aux mairies. Le règlement général sur la protection des données interdit aux collectivités la transmissions de données personnelles à des tiers. Toutefois, la communication de renseignements sur les administrés à des « tiers autorisés » est possible dès lors qu'elle est permise par un texte ou nécessaire au respect d'une obligation légale. Ainsi, l'article L. 37 du code électoral précise notamment que « tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. ». Lorsqu'une demande de consultation est effectuée auprès d'une mairie, l'agent doit vérifier si le requérant est inscrit sur une liste électorale et que le recueil de ces données ne conduira pas à un usage commercial. Cependant, lorsque le requérant motive sa demande par des opérations de généalogie, il est quasiment impossible à l'agent de savoir si le recueil des données débouchera sur une action mercantile ou pas. En effet, si la recherche généalogique a pour but la recherche d'héritiers, le recueil se traduira indéniablement par une finalité mercantile. Les ayants droit, ayant signé un contrat de révélation, connaissent malheureusement le coût de la mobilisation d'un cabinet de généalogistes successoraux. Si elle est motivée par une recherche d'aïeux, notamment pour l'élaboration d'un arbre généalogique et effectuée par des professionnels, là encore, le côté mercantile existe. Si la recherche d'ancêtres est effectuée par la famille, elle ne débouchera sur aucune rémunération. Les productions de carte nationale d'identité ou de passeport et de carte électorale ne permettent pas à l'agent de faire la différence entre les différents types de généalogie. Face au doute, l'agent peut ne pas accéder à la demande du requérant, ceci restant à l'appréciation de l'agent. Cette appréciation peut générer des disparités de traitement. Au regard de ces arguments, il lui demande de clarifier les obligations en matière de consultation des listes électorales, lors de demandes effectuées dans le cadre de recherches généalogiques.

Réponse émise le 5 mars 2024

L'article L. 37 du Code électoral dispose que « tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial ». Cette disposition introduite par la loi Pochon-Warsmann n° 2016-1048 du 1er août 2016 est venue se substituer à l'ancien article L. 28 du même code qui prévoyait que : « Les listes électorales sont réunies en un registre et conservées dans les archives de la commune. Tout électeur peut prendre communication et copie de la liste électorale ». Au gré de ces modifications législatives, le législateur a conservé le même objectif : celui du contrôle des listes électorales par les électeurs, les candidats et les partis politiques (art. L. 37, al. 2), afin de s'assurer de la régularité des opérations électorales. La communication des listes électorales entraîne de fait la diffusion des données personnelles des électeurs, notamment leur date de naissance et leur adresse, couvertes par les règles sur la protection de la vie privée. Ce régime de communicabilité est néanmoins déterminé par sa finalité dans le bon déroulement du processus électoral. Ainsi, il est justifié par une volonté de transparence démocratique réaffirmée par le législateur à l'occasion de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, puisque ce régime a vocation à donner toute sa portée à l'article L. 20 du Code électoral en permettant aux électeurs de veiller à la régularité des inscriptions sur les listes électorales et d'en obtenir la rectification par la voie d'un recours contentieux. Cet article dispose que « tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune peut demander, auprès du tribunal judiciaire, l'inscription ou la radiation d'un électeur omis ou indûment inscrit ou contester la décision de radiation ou d'inscription d'un électeur. Le représentant de l'État dans le département dispose du même droit. ». Le législateur a ainsi autorisé l'atteinte à la protection de la vie privée des électeurs, en permettant une communication des listes électorales dans leur ensemble, sans occultation de leurs noms, prénoms, dates de naissance et adresses, dans le but de permettre un contrôle citoyen de ces listes. Elle permet également d'assurer que les électeurs puissent être accessibles, dans le cadre des campagnes électorales, pour les candidats, partis et groupements politiques, qui peuvent utiliser les listes électorales à des fins de communication politique. Toutefois, le Conseil d'État a reconnu aux autorités habilitées à détenir les listes électorales (maire et préfet), la possibilité de refuser de communiquer des listes électorales « s'il existe, au vu des éléments dont [il] dispose, et nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial » (CE, 2 décembre 2016, n° 388979). Dans cette même décision, il a précisé qu'il était loisible à ces autorités, saisies d'une demande fondée sur l'article L. 37 du Code électoral, de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de ce même code. S'agissant de demandes dans le cadre de recherches généalogiques, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) s'est explicitement prononcée en défaveur de la communication d'une liste électorale aux généalogistes professionnels (avis n° 20091074 du 2 avril 2009). Elle admet cependant la communicabilité de ces listes dans le cadre de recherches généalogiques personnelles (avis n° 20192031 du 7 novembre 2019) ou de « cousinades » (avis n° 20180364 du 17 mai 2018) à condition qu'elles ne s'inscrivent dans aucune démarche lucrative. Il revient par conséquent aux autorités compétentes d'apprécier, sur la base des éléments à leur disposition et au regard des avis précités de la CADA, si elles sont en mesure d'attester l'existence d'un risque quant à un usage des listes demandées contraire aux dispositions du code électoral. Si tel est le cas, elles peuvent légitimement refuser de faire droit à une demande de communication de la liste électorale.

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