Mme Corinne Vignon appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie, sur la mise en place d'une règlementation en France pour limiter la vitesse des navires de transport maritime au sein de ses eaux territoriales. Le nombre de navires sillonnant les mers et la vitesse à laquelle ils peuvent se déplacer ont augmenté au cours des dernières décennies, ce qui entraîne un risque accru de collisions avec les cétacés. De plus, de multiples études scientifiques démontrent que la pollution sonore sous-marine est préjudiciable aux espèces marines et la moitié de ce bruit est générée par le secteur de la navigation commerciale. La réduction de la vitesse des navires a été identifiée comme le moyen le plus viable et facile à mettre en place par le secteur du transport maritime pour réduire la pollution sonore sous-marine, diminuer le risque de collision des navires avec les cétacés et faire baisser les émissions de gaz à effet de serre des navires. Selon des estimations récentes, la mise en place de cette initiative se traduirait par des gains économiques et environnementaux importants pour le secteur maritime et la société dans son ensemble (ses bénéfices totaux ont été estimés, pour une application à l'échelle européenne, entre 3,4 et 4,5 milliards d'euros par an) et il suffirait en moyenne de réduire de seulement 5 % la vitesse des navires de la flotte actuelle pour obtenir des résultats significatifs. La France, qui possède le second plus grand territoire marin du monde avec près de 11 millions de km² de zone économique exclusive, a une responsabilité toute particulière pour protéger les océans et les cétacés et se doit de protéger les animaux qui peuplent ses eaux territoriales. De plus, elle reconnaît que le bruit sous-marin est une pollution depuis 2010 : la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (chapitre V - article 166) a inscrit cette reconnaissance au sein du code de l'environnement, chapitre 9 - section 2 « Protection et préservation du milieu marin ». Néanmoins, aucune réglementation contraignante n'existe actuellement pour fixer des seuils de bruit à ne pas dépasser, pour appliquer les directives de l'Organisation maritime internationale (OMI) sur la réduction du bruit sous-marin de 2014, ou encore pour réduire la vitesse des navires. Aussi, elle souhaite connaître ses intentions sur la mise en place d'une règlementation en France pour limiter la vitesse des navires de transport maritime au sein de ses eaux territoriales, ou sur le soutien auprès des institutions de l'Union européenne d'une règlementation visant à limiter la vitesse des navires au sein des eaux européennes.
La vitesse des navires professionnels affectés à des activités de transport de passagers ou de marchandises est un sujet relevant à la fois de la sécurité maritime, de la prévention des rejets dans l'air et de la préservation de la biodiversité marine. À ce titre, la réglementation susceptible de s'appliquer en la matière est diverse. S'agissant de la sécurité maritime, les autorités administratives en mer et dans les ports fixent des limites de vitesse d'application stricte lorsque les lieux ou des circonstances particulières l'exigent. Des limites particulières de vitesse existent donc déjà en de nombreux endroits, elles sont locales et répondent à des impératifs de sécurité. S'agissant de la prévention des rejets dans l'air, la France a soumis une proposition au groupe de travail intersessions sur la réduction des gaz à effet de serre par les navires de l'Organisation maritime internationale (OMI) tendant à adopter un schéma d'encadrement de la vitesse des navires marchands. Faute de soutien par un nombre suffisant de pays, ce projet n'a pas encore pu être suivi d'effet. Il n'en demeure pas moins que les mesures contraignantes que l'OMI adoptera d'ici 2025, tout comme celles issues du règlement européen Fuel EU Maritime, pourront conduire par effet induit à une baisse de la vitesse commerciale des navires. Enfin, la feuille de route de décarbonation du secteur maritime construite par la filière maritime considère une baisse de vitesse moyenne de 15% en 2050 comme atteignable et viable économiquement et servira de base à la poursuite des efforts communs du secteur. S'agissant de la préservation de la biodiversité marine, le 7 juillet 2023, l'OMI a adopté la création d'une zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) en Méditerranée Nord-Occidentale. Une ZMPV est une zone qui, en raison de l'importance reconnue de ses caractéristiques écologiques, socio-économiques ou scientifiques et de son éventuelle vulnérabilité aux dommages causés par les activités des transports maritimes internationaux, bénéficie d'une protection internationale particulière. Cette ZMPV a vocation à améliorer la protection des grands et moyens cétacés (les rorquals communs et les cachalots) contre le risque de collisions avec les navires par la mise en place de mesures volontaires de protection. Les prescriptions qui en découlent sont applicables aux navires de commerce et yachts de plaisance d'une jauge brute égale ou supérieure à 300. Elles prévoient une limitation de la vitesse entre 10 et 13 nœuds à titre de mesure de réduction volontaire de la vitesse lorsque des grands ou moyens cétacés ont été détectés ou signalés. Aussi, à la suite de la détection de grands ou moyens cétacés, le maintien d'une distance de sécurité appropriée est proposé. Les navires pourront également signaler par les communications en ondes métriques ou tout autre moyen disponible dans la zone, l'emplacement des moyens et grands cétacés observés ou détectés et transmettre les renseignements et la position aux autorités côtières. Ces renseignements pourront ensuite être transmis à la base de données mondiale de la Commission baleinière internationale (CBI) sur les collisions entre cétacés et navires. La zone s'étend des eaux espagnoles (couvrant le couloir de migration des cétacés) aux eaux italiennes (mer de Ligurie), et incluant le littoral méditerranéen français et monégasque (englobant ainsi le sanctuaire Pelagos). Elle prend en compte la capacité des cétacés à couvrir de longues distances et leur forte concentration dans la région. Cette adoption conclut un vaste cycle de travaux initié en 2020 par la France, l'Italie, Monaco et l'Espagne, à travers des consultations internationales et nationales avec les parties prenantes (États côtiers, associations et ONG environnementales, représentants du monde maritime) et au sein de l'OMI. Ces quatre États se sont accordés sur une mise en œuvre par les États côtiers en début d'année 2024, à l'issue d'un délai de préparation de six mois après l'adoption de la résolution de l'OMI en session plénière durant lequel les armateurs seront sensibilisés, les procédures de signalements seront affinées et la coordination entre les États côtiers sera assurée. Par ailleurs, il est démontré que la pollution sonore sous-marine, dont la moitié est générée par le secteur de la navigation commerciale, est préjudiciable aux espèces marines. La France a activement participé cette année à l'adoption dans le cadre de l'OMI des recommandations révisées sur le bruit sous-marin provenant du transport maritime. Celles-ci développent un plan de gestion du bruit à l'attention des compagnies maritimes et de l'ensemble de la chaîne de production et d'exploitation des navires. Ce plan s'appuie sur une approche en quatre étapes : (1) définir le niveau de bruit individuel du navire, (2) fixer des objectifs de seuils de bruit à ne pas dépasser pour des vitesses données, (3) cibler les mesures de réduction applicables au navire et à son utilisation, (4) évaluer l'efficacité de ces mesures par modélisation et test réel puis ajuster au besoin. L'enjeu de cette révision réside dans sa mise en œuvre pour l'ensemble des parties prenantes et une phase de renforcement de l'expérience a été lancée par l'OMI jusqu'en 2025 pour rendre le plan de gestion plus opérationnel. La France co-organisera, au mois de septembre 2023, un atelier avec le Canada et les États-Unis afin d'évaluer les avantages et les inconvénients potentiels des mesures visant à accroître l'efficacité énergétique d'un navire et à réduire le bruit sous-marin.
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