M. Thierry Benoit appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation très inquiétante que vit la profession d'infirmier libéral. Le système de santé français se fragilise. En effet, beaucoup de professionnels manifestent leur désarroi face à un exercice devenu de plus en plus compliqué pour tous. Les infirmiers libéraux souffrent de travailler dans des conditions dégradées alors qu'ils avaient choisi fièrement cette branche. Leur exaspération, très longtemps silencieuse, est devenue visible lors de l'approbation le 29 mars 2019 de l'avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux en application de l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale, texte uniquement signé par deux organisations représentatives. La mise en place de cet avenant contraint les infirmiers à éviter les prises en charge lourdes car ces dernières se retrouvent moins bien rémunérées. De plus, la crise covid les avait envoyés en première ligne, toujours au plus proche de patients confinés, sans aucune fourniture d'équipements de protection. Pire, ils sont considérés comme un générateur de dépenses publiques. 60 professionnels sur 100 envisagent d'abandonner leur métier dans les 5 ans à venir, il est nécessaire de stopper l'hémorragie. Les infirmiers libéraux revendiquent : une revalorisation des lettres clés de leur nomenclature, gelées depuis 2012. L'État a su créer de nouveaux soins lors de l'épidémie, modifiant les tarifs à tout va en fonction du contexte sanitaire, sans répondre aux attentes légitimes du terrain aujourd'hui. Ils revendiquent une réelle compensation pérenne de l'augmentation des prix du carburant. Certes, une hausse ridicule de 4 centimes par patient et de 1 centime par kilomètre leur avait été octroyée d'avril à décembre 2022 mais elle a disparu avec la nouvelle année alors que les prix à la pompe ne cessent d'augmenter. Ils revendiquent une prise en compte de la pénibilité de leur profession pour l'âge de départ à la retraite. Attendre 67 ans pour des professionnels qui ont une espérance de vie de 78 ans, contre 85 ans pour le reste de la population, leur paraît injuste. L'activité quotidienne, 7 jours sur 7, 365 jours par an, épuise les corps. Soigner en étant plus diminués que le soigné risque de dégrader une fois de plus la prise en charge des patients. Ils revendiquent une reprise en main des soins de ville par leur corporation : aujourd'hui tout le monde pratique leur rôle propre au détriment encore une fois de la qualité des soins. Ils revendiquent une « reconnaissance » de leur profession en leur accordant une prime covid, au regard de leur engagement sur la période de pandémie, et une participation à la table des négociations. Aussi, il demande au Gouvernement quelles réponses il compte apporter aux revendications portées par la profession des infirmiers libéraux, cette profession qui s'est tant mobilisée et dont il serait bon de reconnaître son rôle primordial dans le système de santé publique.
Les infirmiers jouent effectivement un rôle essentiel dans notre système de soins notamment auprès des populations fragiles comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Afin de valoriser ce rôle, l'avenant n° 6 signé en 2019 prévoit de nombreuses mesures de revalorisation des missions des infirmiers, dont la création du bilan de soins infirmiers (BSI). Le bilan de soins infirmiers permet une prise en charge forfaitaire des patients dépendants dans l'objectif d'améliorer la qualité des soins. Trois montants forfaitaires sont prévus en fonction de l'état de dépendance du patient (13 euros, 18,2 euros et 28,7 euros). Cet outil a rapidement été intégré dans la pratique des infirmiers et a connu un engouement important. De fait, un nouvel accord financier a été conclu avec l'Assurance maladie : l'avenant n° 8 signé en novembre 2021 a permis un doublement de l'investissement sur le BSI sur la période 2020 à 2024 avec un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions prévus dans l'avenant n° 6. Concernant les indemnités kilométriques, l'Assurance maladie a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter les modalités de facturation en fonction des spécificités locales notamment en termes d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, annexé à l'avenant n° 8 signé le 9 novembre 2021, prévoyant la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. Le ministère de la santé et de la prévention a demandé fin mai 2023 à l'Assurance maladie d'ouvrir des négociations rapides et ciblées avec les infirmiers accompagnant des revalorisations portant sur des actes du quotidien. Celles-ci ont abouti le 16 juin 2023 à la signature d'un accord qui revalorise la prise en charge des patients à domicile. Ce texte acte des revalorisations importantes concernant l'activité des infirmières et infirmiers libéraux intervenant au domicile des patients : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement ; généralisation, à partir d'octobre 2023, du déploiement du bilan de soins infirmiers (BSI) pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit ainsi de la dernière étape du déploiement du BSI, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile et reconnaît le rôle essentiel des infirmiers libéraux dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Par ailleurs, en tant qu'acteurs majeurs de l'organisation des soins sur le territoire en raison de leur effectif et de leur polyvalence d'exercice, les infirmiers représentent un groupe professionnel sur lequel le ministère chargé de la santé souhaite s'appuyer pour poursuivre les transformations du système de santé en profondeur. La question de l'exercice et des compétences est ainsi centrale dans l'attractivité et la reconnaissance du métier. Si l'évolution de la profession infirmière a fait l'objet d'un parcours long et progressif de reconnaissance, c'est bien la pratique infirmière et sa construction juridique qui sont à reconsidérer pour lui apporter l'agilité indispensable au contexte sanitaire mouvant et exigeant actuel. C'est dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé le 26 mai 2023 la refonte du métier infirmier en 3 axes : les compétences : les activités réalisées par les infirmiers et les infirmières étant de plus en plus techniques et diversifiées et les prises en charge de plus en plus complexes, il est désormais nécessaire de passer d'un encadrement strict des actes autorisés à une approche plus agile par grandes missions ; la formation : pour répondre aux besoins de santé de la population, renforcer des disciplines peu enseignées alors qu'essentielles (comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie) et aux aspirations légitimes de la communauté étudiante, il est nécessaire de repenser les cursus de formation pour les adapter aux besoins locaux, attirer toujours plus de jeunes et renforcer leur accompagnement jusqu'au diplôme ; les carrières : parce que le métier d'infirmier est un métier d'avenir, il nous faut rénover et renforcer les collectifs de travail au sein desquels ils exerceront des compétences élargies, en équipe, et verront leurs expertises reconnues dans une perspective de progression et d'évolution professionnelle.
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