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Sébastien Jumel
Question N° 8933 au Ministère des solidarités


Question soumise le 13 juin 2023

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la crise alimentaire. Depuis la crise de la covid-19 et son cortège d'images de file d'attente interminable auprès des guichets d'aide alimentaires, les associations de lutte contre la précarité alimentaire ne cessent de d'alerter sur la très grande dégradation de la qualité et de la quantité des dons réalisés à l'aide alimentaire. Une situation qui s'est elle-même aggravée avec l'inflation alimentaire que le pays subi ces derniers mois, dont les effets sont délétères sur l'alimentation des Français. Selon les dernières enquêtes du Credoc, ce sont aujourd'hui 16 % des Français qui affirment ne pas avoir assez à manger et parmi eux, une part très importante de jeunes, environ 24 % des personnes de moins de quarante ans. Cette augmentation qui semble soudaine traduit en réalité l'amplification continue du phénomène de précarité alimentaire qui connaît depuis plusieurs années une recrudescence. Ainsi, on estime qu'à cette date, il y a presque deux fois plus de personnes en situation de précarité alimentaire qu'en 2016. D'après la dernière étude de l'Insee, le nombre de recourant à l'aide alimentaire a ainsi augmenté pour atteindre une fourchette comprise entre 2 et 4 millions de personnes en 2021 en France métropolitaine ; une estimation que l'on sait d'ores et déjà sous-évaluée compte tenu des alertes et remontées de terrain de bon nombre de réseaux d'aides alimentaires. Une telle situation a provoqué une hausse considérable de la fréquentation des associations d'aides alimentaire de l'ordre de 22 % selon les associations. Un recours très marqué socialement puisqu'il impacte plus fortement les jeunes là encore : 52 % des requérants ont un âge situé entre 25 et 49 ans et 10 % seulement ont 65 ans ou plus. Pour de nombreuses associations, en Seine-Maritime par exemple, la montée en puissance du nombre de demandeurs de l'aide alimentaire se heurte à la baisse en parallèle des dons privées et des subventions publiques, auxquels s'ajoutent la multiplication des coûts de fonctionnement, notamment les prix de l'énergie, qui grèvent les capacités d'action des associations. Ainsi plusieurs réseaux locaux d'aide alimentaire sont contraints de diminuer la taille des paniers distribués, voire de refuser des bénéficiaires potentiels. Si la lutte contre la précarité alimentaire a bien été fixée dans la loi comme un objectif de politique publique depuis 2018, l'application opérationnel de ce principe demeure relativement inefficace. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) « La lutte contre la précarité alimentaire - Évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique », publié en 2019, constatait en ce sens la fragilité du système français en soulignant la dégradation des dons de l'aide alimentaire et la faible qualité nutritionnelle des denrées distribuées dans ce cadre. Une évaluation antérieure à la crise inflationniste que le pays connaît et qui s'est depuis très nettement dégradée. L'aide alimentaire reste à ce jour le seul outil pratique pour lutter contre la précarité alimentaire. Elle est pourtant menacée et derrière l'inquiétude des associations qui la font vivre, des millions de Français pourraient être privés à terme de cette solidarité essentielle. Aussi, il souhaite savoir quelles mesures il compte prendre pour soutenir les associations de lutte contre la précarité alimentaire et plus généralement comment le Gouvernement entend préserver les ménages les plus précaires de l'inflation alimentaire.

Réponse émise le 24 octobre 2023

Le Gouvernement est particulièrement mobilisé sur la situation des personnes en précarité alimentaire et celles des associations d'aide alimentaire qui voient les demandes augmenter de la part des publics touchés par l'inflation. Ainsi, le Gouvernement a engagé dès 2022 plusieurs mesures fortes visant à lutter contre la précarité alimentaire, faire face à l'accroissement des files actives des associations et à compenser les conséquences de la hausse des prix. Un effort important en faveur de l'aide alimentaire pour aider les associations de solidarité a été financé en 2022 à hauteur de 95 M€ de crédits supplémentaires obtenus en lois de finances rectificatives et se décomposant de la façon suivante. Un soutien exceptionnel de 55 M€ de crédits supplémentaires a été accordé au programme budgétaire consacré à la lutte contre la précarité alimentaire en août 2022, soit un doublement des crédits initialement prévus (56 M€ inscrits en loi de finances initiale 2022). Ces crédits exceptionnels avaient pour objectif de compenser la quasi-intégralité de la perte de ressources des associations qui ont été mises en difficulté par des marchés européens infructueux (avec + 28,5 M€ pour financer des achats directs auprès des producteurs), de doubler les crédits locaux disponibles pour soutenir les associations de proximité (11,5 M€) et de tenir compte de la vulnérabilité particulière des territoires d'outre-mer (avec + 15 M€) pour les associations locales d'aide alimentaire. Outre ces crédits, 40 M€ complémentaires ont été ouverts en fin d'année 2022 pour l'aide alimentaire, se répartissant en deux enveloppes. Une enveloppe de 10 M€ pour lutter spécifiquement contre la précarité alimentaire des étudiants ayant fait l'objet d'annonces ministérielles en novembre 2022, dont 3,5 M€ accordés au niveau national, les 6,5 M€ restants étant délégués aux services déconcentrés pour la mise en œuvre d'actions en lien avec les Rectorats et les Crous. Une seconde enveloppe de 30 M€, déployée début 2023 est, quant à elle, destinée à faire face à la hausse des dépenses énergétiques, à l'inflation des prix des denrées et à l'accroissement du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire. La mobilisation de l'Etat en faveur de la lutte contre la précarité alimentaire se concrétise en 2023 par la mise en place d'un fonds pour une aide alimentaire durable au travers du programme « mieux manger pour tous ». Ce programme, doté de 60 M€, a vocation à financer des approvisionnements supplémentaires en denrées de qualité des associations habilitées pour l'aide alimentaire et à promouvoir de nouvelles solidarités alimentaires au niveau local. Le programme « mieux manger pour tous » doté d'un montant de 60 millions d'euros en 2023, est divisé en deux volets : le volet national (40 millions d'euros), et le volet local (20 millions d'euros). Le volet national a pour but d'enrichir l'offre de l'aide alimentaire en fruits et légumes, légumineuses, et produits sous labels de qualité, afin de favoriser l'accès des plus démunis à des denrées plus saines et durables. Le volet local, piloté au niveau déconcentré, répond à l'objectif de développement d'alliances locales de solidarité alimentaire « producteurs-associations-collectivité » permettant aux plus modestes l'accès à une alimentation saine et durable, d'encourager la participation à des projets alimentaires territoriaux portant des actions de justice sociale, de soutenir les expérimentations de chèques « alimentation durable » et d'améliorer la couverture des zones blanches identifiées de l'aide alimentaire. Ces moyens nouveaux s'inscrivent dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi Egalim et sont ancrés au sein du Comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire. Ce fonds poursuit les objectifs d'amélioration de la qualité nutritionnelle et gustative de l'approvisionnement en denrées de l'aide alimentaire, la réduction de l'impact environnemental du système d'aide alimentaire et le renforcement et l'évolution des dispositifs locaux de lutte contre la précarité alimentaire, afin de répondre aux objectifs de la lutte contre la précarité alimentaire (ancrage territorial, couverture des zones sous dotées). Ce fonds, destiné à lutter contre la précarité alimentaire, est un fonds d'amorçage amené à s'accroître dans les prochaines années. Les objectifs de cette politique sont d'assurer une alimentation saine et diversifiée aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, mais aussi de favoriser leur inclusion sociale et leur émancipation pour finalement restaurer leur pouvoir d'agir et les aider à devenir actrices de leur alimentation. Enfin, la mobilisation du Gouvernement se poursuit également en 2024 par une augmentation significative de l'aide apportée aux associations d'aide alimentaire issue de crédits européens puisqu'une enveloppe supplémentaire sera ajoutée au programme FSE + Soutien européen à l'aide alimentaire. Il s'agit d'une enveloppe de 80 millions d'euros à répartir entre 2024 et 2027.

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