Mme Angélique Ranc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur l'augmentation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la difficulté des ménages à devenir propriétaires. Cette augmentation, due principalement à l'inflation et à la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THP), est loin d'être favorable aux contribuables cette année. En effet, la revalorisation nationale des bases locatives cadastrales qui servent au calcul de la taxe foncière est particulièrement élevée en 2023 : +7,1 %. Face à l'inflation et aux contraintes budgétaires, les collectivités locales ont adopté des stratégies très différentes dans leur utilisation du levier fiscal. À Troyes, pour la première fois depuis 1999, la ville est contrainte d'augmenter son taux à la hauteur de 9 %, la hausse finale avoisinera donc les 15 % pour les propriétaires troyens. En France, à titre d'exemple, l'évolution moyenne des taux n'était que de +0,5 % en 2021. Avec la disparition de la taxe d'habitation sur les résidences principales, la fiscalité locale pâtit désormais d'une décorrélation accrue entre le citoyen et sa collectivité. Alors que la TFPB est établie à raison de la propriété d'un bien, quels que soient l'utilisation qui en est faite ou les revenus du propriétaire, il convient de garder à l'esprit que les propriétaires ne sont pas forcément des personnes aisées ou plus aisées que les personnes locataires. En fin de compte, cette augmentation disproportionnée de la pression fiscale sur les propriétaires va à l'inverse de l'objectif d'allègement fiscal poursuivi par cette réforme pour soulager les Français. Les contribuables, subissant eux aussi les contraintes de la conjoncture économique, doivent aujourd'hui y ajouter des contraintes fiscales qui les empêchent de plus en plus d'accéder à la propriété. Ainsi, alors qu'une augmentation des taxes des logements vacants ou non affectés à l'habitation principale pourrait davantage se justifier, la hausse de la taxe foncière sur les propriétés bâties touche tous les Français qui souhaitent simplement passer de locataire à propriétaire. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le dernier rapport de la Cour des comptes relatif aux taxes foncières, la France est le pays dans lequel l'imposition foncière repose le plus largement sur les ménages : 72 % des impôts fonciers sont acquittés par eux. Mme la députée alerte M. le ministre sur la difficulté pour les particuliers d'accéder à la propriété d'une résidence principale. Elle lui demande si, enfin, un chantier est prévu sur la révision des valeurs locatives qui reposent encore sur une estimation datant des années 1960 qui est désormais déconnectée de toute réalité économique.
Conformément aux dispositions de l'article 1518 bis du code général des impôts (CGI), les valeurs locatives foncières des locaux d'habitation, reposant toujours sur les loyers constatés en 1970, sont revalorisées chaque année par l'application d'un coefficient déterminé, depuis 2018, en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Cet indice, affecté par la résurgence de l'inflation, a conduit à majorer les bases des valeurs locatives des locaux d'habitation pour 2023 de 7,1 %. Il est rappelé que la question d'un plafonnement de ce taux s'est posée dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 lors des dialogues de Bercy ainsi que lors des débats de ce même PLF au Sénat. Il en est ressorti que cette demande a été unanimement rejetée par les différents groupes politiques ainsi que par les associations d'élus locaux qui ne souhaitaient pas qu'une telle mesure soit adoptée, afin de préserver, d'une part, l'entière liberté d'administration des collectivités et, d'autre part, une progression de leurs recettes pour faire face à la hausse de leurs charges courantes de fonctionnement liée notamment à l'augmentation des coûts de l'énergie. Par ailleurs, afin d'alléger la pression fiscale sur l'ensemble des ménages, la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale (THP) a été supprimée par étapes entre 2018 et 2023. Ainsi, depuis 2023, plus aucun logement occupé à titre de résidence principale n'est soumis à la taxe d'habitation, cette dernière étant cependant maintenue sur les résidences secondaires. Cette réforme s'est accompagnée d'une refonte du financement des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, avec notamment le transfert aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la mise en place d'un mécanisme de correction (coefficient correcteur). Ce nouveau schéma doit assurer une compensation intégrale et dynamique dans le temps de la suppression de la THP. Les hausses de TFPB décidées par les collectivités locales ne peuvent ainsi objectivement être présentées comme les conséquences de la suppression de la taxe d'habitation (TH). En outre, des mesures ciblées concernant la taxe sur les logements vacants (TLV) ont d'ores et déjà été prises pour tenir compte de difficultés locales croissantes d'accès au logement. D'une part, les taux de TLV ont été relevés dans la loi de finances pour 2023 de plus d'un tiers (de 12,5 % à 17 % la première année et de 25 % à 34 % à partir de la deuxième année). D'autre part, le zonage de la TLV est élargi à compter de 2024, afin de tenir compte de la situation des communes rurales, littorales, touristiques et de montagne qui, sans appartenir à des zones d'agglomération de plus de 50 000 habitants, présentent une forte tension immobilière résultant d'une proportion élevée de résidences secondaires. Ces deux mesures permettront de faire reposer une pression fiscale plus importante sur les propriétaires de logements vacants. S'agissant du projet de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation (RVLLH), l'article 146 de la loi de finances pour 2020 prévoit effectivement cette révision qui a pour objectif de proposer un système d'évaluation simplifié et cohérent avec la réalité économique du marché locatif. Cette réforme reprend les principes de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Elle se déroulera en deux étapes : une révision initiale et un dispositif de mise à jour permanente des évaluations. Dans le cadre de la révision initiale, la valeur locative sera déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2025. Les propriétés seront classées par sous-groupes. Des secteurs d'évaluation représentatifs d'un secteur homogène seront constitués à l'échelle de chaque département. Cette révision initiale s'accompagnera d'un dispositif de mise à jour permanente des évaluations, afin de prendre en compte au fur et à mesure les évolutions locales du marché locatif. Toutefois, afin de tenir compte des travaux préparatoires supplémentaires nécessaires pour une meilleure fiabilisation des bases d'imposition actuelles, ainsi que de l'éclairage apporté par le décalage de l'intégration de l'actualisation sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels, le Gouvernement a retenu dans le texte de la première partie du projet de loi de finances pour 2023, sur lequel il a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale le 19 octobre 2022, l'amendement d'origine parlementaire proposant de reporter de deux ans l'ensemble du calendrier de mise en œuvre de la RVLLH. Le nouveau calendrier pour la mise en œuvre de cette révision prévoit, au premier semestre de l'année 2025, une campagne déclarative de collecte des loyers auprès des propriétaires bailleurs de locaux d'habitation. Puis, sur la base des données collectées, le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er septembre 2026, un rapport sur les conséquences de la RVLLH pour les contribuables, les affectataires des impôts fonciers et l'État. En 2027, les nouveaux secteurs et tarifs, qui serviront de base aux nouvelles valeurs locatives qui s'appliqueront à partir des impositions établies à compter du 1er janvier 2028, seront arrêtés sur la base des travaux des commissions locales.
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