Mme Anne-Sophie Frigout alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'accord de libre-échange conclu, le 30 juin 2022, entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Cet accord commercial fixe, pour une série de produits agricoles en provenance de Nouvelle-Zélande, de nouveaux quotas d'exportation exonérés de droit de douanes ou soumis à des taux réduits. Il concerne certains produits laitiers, le maïs doux, ainsi que la viande bovine et ovine. En matière de viande ovine, 38 000 tonnes de viandes supplémentaires pourront être importées, alors que ce pays est soumis à des normes sanitaires, environnementales et sociales moins strictes que la France. Les producteurs néo-zélandais utilisent l'atrazine ou encore le diflubenzuron, herbicide et insecticide interdits respectivement sur le sol européen depuis 2003 et 2021. En l'absence de clause imposant une réciprocité des normes, cet accord va soumettre les éleveurs ovins français à une énième concurrence déloyale, au détriment de la souveraineté alimentaire de la France et va exposer les consommateurs français à des risques pour leur santé. De surcroit, en faisant parcourir près de 20 000 kilomètres à des denrées pourtant produites en France, cet accord s'inscrit en faux contre l'impératif de réduction de l'empreinte carbone, constamment rappelé aux concitoyens et les objectifs portés par le deuxième titre de la loi dite « EGALIM ». Dès lors, elle lui demande comment il entend s'y opposer au Conseil de l'Union européenne afin de protéger les agriculteurs français, notamment les éleveurs ovins et les producteurs laitiers, ainsi que les consommateurs français.
L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières. Le Gouvernement est donc favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Tout produit importé dans l'Union européenne (UE) doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cependant, pour répondre aux interrogations légitimes des agriculteurs et de la société civile, le Gouvernement est attaché à obtenir une meilleure application des normes liées aux procédés et aux modes de production afin de renforcer la protection de la santé ou de l'environnement à la plus grande échelle possible, dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Le Gouvernement a ainsi fait de la thématique de la réciprocité des normes une priorité de la présidence française du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. Un échange de vues a été organisé dans ce cadre en février 2022 au conseil agriculture et pêche, sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le pacte vert, la politique agricole commune et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. La publication, le 3 juin 2022, d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés représente une avancée notable car il confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral et bilatéral mais également au niveau unilatéral, sous certaines conditions, via l'adoption de mesures miroirs visant à appliquer les normes de production européennes aux produits importés. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux de la Commission, du Conseil et du Parlement européens se poursuivent, notamment afin de mettre en place à chaque fois que cela est nécessaire et pertinent des mesures miroirs dans la législation sectorielle de l'UE. Ces mesures doivent notamment être légitimes, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires pour être conformes aux règles de l'OMC. Elles s'appliquent à tous les flux commerciaux, y compris à ceux qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de commerce. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente une avancée inédite en matière de cohérence des politiques européennes en conditionnant l'accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect de standards de durabilité et de qualité, qui exclut les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation constante du Gouvernement pour l'introduction dans les accords commerciaux de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables et plus respectueux du bien-être animal. En outre, l'accord protège les filières sensibles, en particulier bovine, ovine, laitière, contre des ouvertures trop importantes en excluant des libéralisations complètes pour les lignes tarifaires les plus sensibles, avec le maintien de droits de douane pour la majorité d'entre eux et en prévoyant des contingents, ouverts progressivement. Ainsi, le contingent ovin sera ouvert en 7 années et prévoit une répartition entre la viande fraiche (35 %) et la viande congelée (65 %), comme le demandait la filière. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage les ambitions européennes en matière de développement durable, permettant à l'accord d'être le plus ambitieux jamais négocié sur ce point : il intègre l'accord de Paris comme clause essentielle et comporte un chapitre nouveau sur les systèmes alimentaires durables permettant de coopérer davantage notamment en matière de réduction des pertes et gaspillages, de fertilisation ou de produits phytosanitaires. Enfin, aucun accord de commerce de l'UE, ne remet en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes. Ainsi, les limites maximales de résidus (LMR) définies, notamment pour les herbicides, s'appliquent aux produits importés. Le Gouvernement évaluera le projet d'accord avec la Nouvelle-Zélande de manière exhaustive en vue de sa présentation au Conseil. Il sera invité à se prononcer à la majorité qualifiée sur la décision de signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, sur la décision de conclusion de l'accord en vue de son entrée en vigueur.
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