M. Roger Vicot alerte Mme la ministre de la culture sur la situation de crise des écoles nationales supérieures d'architecture et de paysage (ENSA-P). La société française a besoin de plus d'architecture et de plus d'architectes pour construire la société de demain et faire face aux grands défis de l'urgence climatique, de la pénurie de logements et des inégalités territoriales. Cependant depuis mars 2023, toutes les écoles se mobilisent (étudiants, conseils d'administration, enseignants-chercheurs, personnel administratif) afin de dénoncer les difficultés humaines et financières auxquelles elles doivent faire face. Le malaise est profond au sein des 20 ENSA-P et se traduit par des grèves, manifestations, blocages. La situation n'est plus soutenable. En effet, les moyens nécessaires à la mise en place de la réforme de 2018 n'ont pas été totalement alloués alors même que de nombreuses missions incombent désormais aux ENSA-P. Ainsi seuls 80 postes de titulaires ont été créés depuis 2018 alors que le protocole annonçait la création de 150 postes sur 5 ans. Le budget alloué par étudiant en architecture reste très faible, notamment au regard du caractère particulièrement professionnalisant de leur formation et qui nécessite un encadrement accru. De plus, la réforme a confié le recrutement des nouveaux enseignants titulaires aux écoles. La répercussion en charge horaire est considérable sans que des moyens complémentaires n'aient été déployés. Par ailleurs, la dotation pour charge de service public a diminué depuis 10 ans alors que le nombre d'étudiants a augmenté. Les ENSA-P fonctionnent et pallient leur manque de moyens en se basant sur le volontariat des agents administratifs et des enseignants-chercheurs. Enfin l'inquiétude est grandissante au regard des dernières propositions formulées telles que déléguer une partie du financement des écoles aux collectivités territoriales ou encore augmenter leurs ressources propres en passant notamment par l'augmentation des frais d'inscription alors même que la précarité étudiante n'est plus à démontrer. Le constat met en évidence l'insuffisance des moyens accordés. Il souhaite savoir quelles suites seront données à ces revendications, on ne peut plus légitimes, pour que soit mis fin à ce grave dysfonctionnement voire injustice qui affecte le service public de la formation des architectes.
Le ministère de la culture est particulièrement attentif à la situation de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur relevant de sa tutelle, et notamment les Écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA). Les étudiants en architecture sont les bâtisseurs de demain, qui participeront à trouver des solutions aux enjeux actuels, notamment au défi écologique. Une augmentation inédite de 20 % des moyens alloués à l'enseignement de l'architecture a été obtenue dans le budget 2023 du ministère de la culture, afin de permettre notamment d'aider ces établissements à faire face à l'inflation. Cet effort financier inédit est venu s'ajouter aux 57 millions d'euros du plan de relance investis dans la rénovation des écoles. À l'écoute des revendications qui ont été portées depuis le début de l'année, et parce que ces efforts n'ont pas encore répondu à l'ensemble des difficultés rencontrées, les représentants étudiants, les directeurs, ainsi que les présidents des conseils d'administration des écoles et du conseil national des enseignants-chercheurs ont été reçus au ministère de la culture. Contrairement à ce qu'il est indiqué dans la question, si les effectifs étudiants ont en effet légèrement augmenté depuis 2012 (10 % environ en cumulé), la subvention pour charges de service public n'a pas diminué mais bien augmenté, et plus de deux fois plus vite que le nombre d'étudiants, en passant de 40,4 M€ en 2012 à plus de 50 M€ en 2023, soit 25 % d'augmentation sur 10 ans. À l'issue de ces concertations, une aide immédiate de 3 millions d'euros a été débloquée en faveur de la vie étudiante, en particulier aux projets pédagogiques, dont les coûts peuvent représenter un poids important et créer des inégalités entre les étudiants. En outre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé une mesure historique à destination de tous les boursiers : 5 000 étudiants des ENSA toucheront au moins 37 euros supplémentaires par mois dès la rentrée 2023 et près de 700 passeront à un échelon de bourse supérieur. Ils seront également plus nombreux à bénéficier d'une bourse pour la première fois, ainsi que des avantages qui y sont associés. En matière d'emplois, l'année 2023 permet de titulariser 111 enseignants et d'ouvrir 17 postes supplémentaires, en parallèle d'une revalorisation des rémunérations. À cet égard, la rémunération mensuelle nette des 690 enseignants contractuels a été augmentée d'au moins 113 euros au 1er janvier 2023. Dès la rentrée prochaine, les rémunérations des enseignants chercheurs et des doctorants en architecture seront alignées sur celles de leurs homologues des universités. Les ENSA font par ailleurs l'objet d'une attention particulière de l'État en matière d'immobilier. Certains chantiers sont déjà achevés, comme à Paris Est. D'autres sont en cours dans votre région à l'ENSAP de Lille, ou encore à Montpellier ou en Normandie. À Marseille, un nouveau bâtiment sera inauguré à la rentrée prochaine. La direction générale des patrimoines et de l'architecture a été chargée de prioriser les prochains travaux, afin de répondre aux situations les plus urgentes. Au-delà des aspects matériels et financiers, la réflexion sur les rythmes de travail des étudiants est approfondie, dans le prolongement du plan d'action initié en mars 2022 pour leur bien-être et leur santé, qui est en cours de déploiement et porte déjà ses fruits. De plus, l'accès aux services de santé étudiants est désormais généralisé à l'ensemble des écoles, afin qu'ils puissent bénéficier d'un accès équitable aux soins. S'agissant de l'investissement des personnels qui se heurtent parfois à une charge de travail trop importante, deux mesures sont prises pour y répondre : avec l'appui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 5 nouveaux postes d'enseignants chercheurs sont créés dès 2023. De plus, le ministère de la culture a obtenu l'affectation de 10 emplois administratifs supplémentaires, dont 1 à l'ENSAP de Lille. En comptant les 10 postes créés l'année dernière, ce sont donc au total 25 nouveaux emplois en 2022 et 2023, soit l'équivalent d'au moins un poste par école pour répondre aux besoins urgents et permettre à chacune et chacun d'exercer son métier plus sereinement. Le rapport du député Alexandre Holroyd (n° 1236, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 2023 au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire) constate que l'important effort financier accompli ces dernières années en faveur des écoles nationales supérieures d'architecture a rapproché le montant de la dépense publique par étudiant d'ENSA du montant de la dépense publique par étudiant de l'enseignement supérieur. Par exemple, le coût par étudiant de l'ENSAP de Lille qui s'élève à 10 419 euros en 2022/2023 est comparable à celui observé dans le reste des ENSA (11 300 euros en moyenne) ou dans le reste de l'enseignement supérieur (11 630 euros) et il est même supérieur au coût par étudiant à l'Université (10 270 euros), alors que ces deux derniers montants sont calculés sur une base plus large. Les concertations menées ces dernières semaines ont par ailleurs convaincu le ministère de la culture de la nécessité d'aller plus loin dans la lutte contre toutes les violences et harcèlements à caractère sexuel et sexiste (VHSS). Il a donc été décidé de rendre obligatoire la formation VHSS de tous les personnels, enseignants comme administratifs, à partir de la rentrée de septembre 2023. Enfin, il apparaît essentiel d'accorder à la transition écologique une place centrale dans la formation des étudiants. RESEDA, palmarès collectif, a ainsi été créé pour mettre en lumière les projets de fin d'études les plus innovants en matière de transition écologique. Plus largement, la nouvelle directrice de l'architecture, Madame Hélène Fernandez, va engager une vaste concertation en vue de relancer la stratégie nationale pour l'architecture datant de 2015. Il s'agira de mieux prendre en compte les enjeux du développement durable, notamment la réhabilitation ou le réemploi des bâtiments existants, mais aussi de faire évoluer la formation dispensée dans les ENSA, à l'aune de la diversification des métiers de l'architecture et du développement du numérique. Ce travail mené collectivement avec les représentants de toutes les communautés concernées doit permettre de faire de l'architecture une priorité de l'action publique et une réponse aux défis actuels.
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