M. Nicolas Ray alerte Mme la ministre de la transition énergétique sur les conséquences que pourrait avoir une interdiction de l'installation de chaudières à gaz dans les logements. Depuis le 1er janvier 2022, il n'est en effet plus possible de construire une maison individuelle avec une chaudière à gaz et la concertation menée par le Gouvernement jusqu'au 28 juillet 2023 sur l'avenir des chaudières à gaz laisse planer de sérieuses craintes quant à la suppression des solutions de chauffage exclusivement au gaz dans les logements. Si le secteur du bâtiment, qui représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France, doit naturellement contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, les mesures prises dans ce cadre doivent néanmoins suivre une cohérence globale pour produire pleinement leurs effets. Alors que plus de 11 millions de résidences principales recouraient au gaz naturel et au gaz de pétrole liquéfié pour se chauffer en France en 2021 selon les données du Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie (Ceren), soit près du tiers des foyers français et plus de 40 % des consommations de chauffage, interdire brutalement l'installation de nouvelles chaudières à gaz ou le remplacement d'une chaudière existante par une chaudière à haute performance énergétique pourrait menacer l'équilibre de notre système énergétique. Les tensions sur l'approvisionnement en électricité que nous avons connues cet hiver sont là pour nous le rappeler. La France dispose d'un réseau de gaz parmi les plus développés d'Europe. Cet atout stratégique ne doit pas être abandonné car, sans effort considérable pour produire davantage d'électricité destinée à compenser les besoins en énergie nécessaire au fonctionnement des pompes à chaleur installées en remplacement des chaudières à gaz, nous risquerons d'aggraver la crise énergétique que l'on traverse. Une conversion massive aux pompes à chaleur du parc de logements équipés de chaudières à gaz en milieu rural entraînerait une hausse de 37 % à 67 % de la pointe électrique. Sans perdre de vue les enjeux écologiques, le gaz doit continuer de remplir son rôle au sein du mix énergétique. La volonté de réduire la dépendance aux énergies fossiles des logements demeure ainsi compatible avec la poursuite de l'installation de nouvelles chaudières à gaz. Les chaudières de nouvelles générations sont d'une part moins consommatrices de gaz. D'autre part, le développement du « gaz vert » issu de la biomasse et produit localement sur le territoire national permet de rendre renouvelable cette source d'énergie. De plus, les considérations liées à la souveraineté industrielle sont également à prendre en compte. Les chaudières à gaz sont en effet principalement produites en France ou en Europe, tandis que la très grande majorité des composants électroniques des pompes à chaleur électriques susceptibles de les remplacer sont produits en Asie. Sans une politique efficace de relocalisation de l'ensemble de la chaîne de production de ces appareils de chauffage, l'empreinte carbone des chaudières à gaz reste avantageuse et s'inscrit par conséquent dans la poursuite des objectifs environnementaux. Enfin, l'aspect social d'une telle interdiction est également à prendre en considération. En moyenne, une pompe à chaleur coûte 10 000 euros de plus qu'une chaudière à gaz performante. Si le dispositif « MaPrimeRenov' » ne fournit déjà plus d'aides pour l'installation ou le remplacement de chaudières à gaz, y compris les plus modernes, le coût que représente le passage à une pompe à chaleur électrique reste encore prohibitif pour de nombreux propriétaires dans un contexte de forte inflation et de baisse du pouvoir d'achat des ménages. Par ailleurs, le pays compte entre 38 000 et 45 000 personnes qui travaillent dans l'équipement et le service des chaudières à gaz. Une partie d'entre eux se reconvertit progressivement vers l'installation de pompes à chaleur électriques. Interdire totalement l'installation de chaudières à gaz nécessite cependant d'intensifier massivement l'effort en matière de formation et d'accompagnement de ces installateurs. L'absence de perspectives sur ce point alimente fortement les inquiétudes des professionnels du secteur. C'est pour toutes ces raisons qu'il souhaiterait que le Gouvernement précise ses intentions en matière d'interdiction d'installation de chaudières à gaz dans les logements et revoie sa trajectoire en matière de transition énergétique afin de préserver une filière utile à la souveraineté énergétique du pays.
Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. A cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18 % des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, nous devons interroger tous les leviers disponibles : la sobriété énergétique, qui repose sur un changement pérenne des usages ; les mesures d'efficacité énergétique, notamment la rénovation des bâtiments ; l'accélération du rythme de sortie des énergies fossiles en substituant les équipements fonctionnant au fioul ou au gaz par de la chaleur renouvelable ou décarbonée ; la décarbonation du gaz restant par des gaz renouvelables et bas carbone. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières gaz applicable dans les logements existants. Cet enjeu renvoie à la problématique de sortie progressive des énergies fossiles, pour laquelle un certain nombre de jalons a déjà été posé. En effet, depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. L'objectif poursuivi par cette réglementation est l'amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone. Par ailleurs, certaines aides tirent déjà les conséquences de cet impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz. Comme toutes les actions engagées en vue d'accélérer la transition énergétique dans notre pays, des évolutions sont nécessaires pour proposer aux Français des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques. Les solutions existent : il s'agit par exemple de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Ces solutions sont compétitives, et peuvent induire une plus faible consommation d'énergie du bâtiment construit, en particulier en étant associées à des travaux de rénovation. Au vu de cette plus faible consommation d'énergie des bâtiments neufs, les rapports « Futurs énergétiques 2050 » de RTE et les « Eléments de prospective du réseau public de distribution d'électricité à l'horizon 2050 » d'Enedis, qui prennent en compte une fin du gaz progressive dans les bâtiments neufs, estiment qu'une telle transition est possible tout en assurant la viabilité du réseau électrique. C'est un point auquel le Gouvernement est particulièrement attentif. Cette transition est aussi un enjeu de souveraineté, dans la mesure où ces installations alternatives décarbonées ne reposent pas sur une énergie massivement importée comme le gaz. Ces changements structurels seront engagés progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. En tout état de cause, la ministre est convaincue que le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l'Etat y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le Fonds chaleur et le Plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur, qui font l'objet d'échanges avec les filières, y contribuent également. Les énergies décarbonées sont ainsi de plus en plus matures et deviendront très prochainement le standard pour la rénovation des maisons individuelles et des chaufferies collectives. S'agissant du biogaz, énergie décarbonée qui n'est pas utilisée seulement dans le secteur des bâtiments, son développement doit être encouragé. La ministre rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 TWh de gaz en 2021 et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Les tarifs d'achat du biogaz injecté dans les réseaux seront bientôt revalorisés et accompagnés de plusieurs mesures de simplification et de flexibilisation (inflation deux fois par an du tarif, possibilité de cumul avec une aide à l'investissement, incitation à l'autoconsommation…). Le dispositif des Certificats de Production de Biométhane introduit par la loi Climat & Résilience de 2021 pour obliger progressivement les fournisseurs à augmenter la part de biométhane incorporé sera également prochainement mis en œuvre. Ces dispositions permettront d'accélérer le développement de la filière et assurer la poursuite de notre trajectoire définie dans la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarboner notre économie et renforcer notre souveraineté énergétique. Enfin concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large, documentée avec les parties prenantes en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés. C'est pourquoi les ministres Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et Olivier Klein ont lancé une concertation publique sur la décarbonation du secteur du bâtiment et notamment l'accélération de la décarbonation des moyens de chauffages.
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