M. Marc Le Fur alerte M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur les distorsions de concurrence dont sont victimes les compagnies maritimes françaises, notamment celles spécialisées dans le trafic transmanche. Faute d'avoir intégré les gens de mer dans la directive travailleurs détachés, les instances communautaires ont permis à des compagnies peu scrupuleuses de se donner à des pratiques concurrentielles déloyales. Abritées derrière un pavillon européen, souvent chypriote ou maltais, ces compagnies bénéficient des avantages dudit pavillon sans respecter les standards européens en matière de temps de travail, de salaire minimum, de droits à la protection sociale ou à la retraite, qui sont par ailleurs scrupuleusement respectés par les autres armateurs européens. Ainsi, un armateur battant le pavillon chypriote rémunère un officier 39 % moins cher que l'armateur français. Pour un cuisinier : - 60 %, pour un matelot : - 64 % et pour un steward : - 70 %. Ces chiffres édifiants publiés par l'institut Isemar montrent combien la distorsion de concurrence est grande entre les compagnies maritimes fidèles à leur pavillon national d'une part et d'autre part celles qui battent par opportunisme le pavillon d'un autre État membre de l'Union européenne au sein duquel le droit du travail est inexistant. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui donner la position du Gouvernement en la matière et le remercie de lui indiquer comment il entend lutter à l'échelle nationale comme à l'échelle de l'Union européenne afin qu'il soit mis fin à ces pratiques qui menacent la pérennité des compagnies maritimes et plus largement la souveraineté de la France.
En mars 2022, le licenciement brutal par visioconférence de 800 marins par la compagnie maritime britannique P&O ferries a illustré le risque de pratiques concurrentielles dans le secteur maritime. La situation des compagnies maritimes exploitant des navires de transport régulier de passagers entre la France et le Royaume-Uni, sous pavillon français et immatriculés au premier registre, préoccupe fortement le Gouvernement. Conscient des implications en termes sociaux, économiques et de sécurité de la navigation maritime, le Gouvernement entend combattre fermement ces pratiques concurrentielles révoltantes et déloyales, et prévenir leur apparition dans les eaux françaises et communautaires. Dès juillet 2022, des concertations tripartites ont été organisées par le Secrétariat d'État chargé de la mer avec les organisations patronales et syndicales. Ensuite, le Gouvernement a veillé à intégrer, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, une disposition visant à lutter contre le dumping social dans le cadre du développement de l'éolien en mer. Les navires de travaux, qui interviendront dans les eaux françaises, zone économique exclusive comprise, devront dorénavant respecter le dispositif de l'État d'accueil, soit un niveau social très exigeant. Cette extension du principe d'application de l'État d'accueil aura un double avantage : garantir des conditions de travail décentes et développer et diversifier les activités des armateurs sous pavillon français. Début novembre 2022, lors des Assises de l'économie de la mer, le Secrétaire d'État chargé de la mer a annoncé le renforcement des contrôles des navires dans le transmanche pour montrer l'exigence de la France en termes de niveau de protection sociale pour les marins. Fin novembre 2022, le Secrétaire d'État chargé de la mer a réuni les armateurs français et anglais opérant dans la Manche afin de leur proposer de signer une Charte d'engagement volontaire. L'objectif est simple : inciter tous les armateurs opérant entre la France et l'Angleterre à respecter un socle social minimal solide pour les marins et conforme à nos attentes. Elle constitue un moyen d'influence non négligeable, dès lors que sa rédaction associe également ces armateurs étrangers visés par la démarche. Sa publicité s'inscrira dans une démarche de « name and shame ». Le 28 mars 2023, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la proposition de loi de Didier LE GAC visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche. Elle est le résultat d'un engagement commun des syndicats et des armateurs qui ont su porter avec l'État les dispositions incluses dans cette loi de police : l'imposition du salaire minimum horaire français ; l'équivalence entre la durée du temps d'embarquement et du temps de repos à terre pour lutter contre la fatigue ; les sanctions administratives et autant de fois qu'il y a de marins concernés par l'infraction ; les sanctions pénales supérieures à celles d'ordinaire prévues pour le terrestre et autant de fois qu'il y a de marins concernés par l'infraction ; la sanction de l'armateur employant des marins disposant d'un certificat médical d'aptitude à la navigation étranger non conforme à nos standards. La proposition de loi représente aussi une avancée pour les lignes intracommunautaires sur lesquelles le dispositif État d'accueil s'applique mais aussi pour les futurs travaux éoliens en mer puisque les sanctions pénales du dispositif État d'accueil viendront s'aligner sur les sanctions pénales créées par la proposition de loi pour les liaisons sur le transmanche. Les sanctions administratives pour ces liaisons sont également créées, sous réserve que ces dispositions soient votées par le Sénat. Le Secrétaire d'État chargé de la mer a aussi pris la décision, conformément à la demande des organisations syndicales et des armateurs, d'exclure les liaisons transmanche du registre international français au même titre que les liaisons Maghreb. Les compagnies françaises doivent donc utiliser le pavillon 1er registre. Ainsi, la France met en œuvre l'une des priorités de la Présidence française de l'Union européenne, à savoir la lutte contre le dumping social dans les différents modes de transport, ce qui nous permettra de poursuivre le travail engagé sur l'harmonisation par le haut des règles sociales dans ce secteur au sein de l'Union européenne. Le Gouvernement est donc fortement mobilisé pour s'assurer, en associant partenaires européens et institutions européennes compétentes, que les liaisons de passagers dans les eaux communautaires soient opérées sous un niveau de normes sociales les plus favorables aux marins afin de se prémunir de tout risque en matière sociale, économique et environnementale.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.