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Charlotte Leduc
Question N° 8752 au Ministère auprès du ministre de la transition écologique


Question soumise le 6 juin 2023

Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les menaces émanant de la Commission européenne d'infliger 5 milliards d'euros de pénalité à l'entreprise publique Fret SNCF. Face au dogmatisme bruxellois qui risque de conduire à la liquidation de cette société et d'accroître encore un peu plus le retard de la France dans le développement du fret ferroviaire, le Gouvernement n'est clairement pas à la hauteur de l'enjeu. Le plan de sauvetage imaginé tient du tour de passe-passe dans le but de faire amende honorable face à la Commission. Au final, ce sont 470 emplois dans le fret qui sont menacés et Fret SNCF se verrait amputé d'activités rentables qui permettent de financer sa présence sur l'intégralité du territoire. Entre la sanction européenne et ce plan gouvernemental de démantèlement, il semble difficile de savoir quelle est la pire alternative. Dans les deux cas, la conséquence est un coup d'arrêt porté au fret ferroviaire qui serait gravissime d'un point de vue écologique quand on sait qu'un train de 35 wagons permet d'éviter 55 camions de 32 tonnes sur les routes. Fret SNCF, en tant qu'entreprise de service public, participe aussi à l'aménagement, au développement et à l'égalité entre les territoires. C'est une entreprise stratégique qui ne peut être abandonnée ou démantelée sans coût pour l'intérêt général. La Commission ne veut pas d'aide d'État, soit. La seule solution est-elle dans la soumission à cette réalité ou, au contraire, n'est-il pas tant de rompre ? Au lieu d'essayer d'éviter la sanction, il faut au contraire réaffirmer que la République doit fournir des aides d'État pour développer rapidement le fret ferroviaire, si vital pour la bifurcation écologique du secteur des transports. L'entêtement européen est criminel face à l'urgence climatique. Il est également absurde dans une logique de développement économique d'un secteur stratégique. La « concurrence libre et non faussée » qui justifie la pénalisation des aides d'État n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais dans les industries de réseau. Tout simplement parce qu'il est impossible d'avoir plusieurs entreprises en concurrence proposant toutes un trajet Metz-Paris à 7 h 27 en empruntant le même réseau. Une autre voie est possible, mais elle exige le courage politique de s'opposer à la logique néolibérale de la Commission. Il n'est plus temps de composer avec cette idéologie du passé, il faut agir. Il est urgent de sortir le fret ferroviaire de la concurrence et de créer un grand service public unifié du transport ferroviaire et routier de marchandises. Les profits injustifiés des sociétés d'autoroutes doivent être mis au service de l'intérêt général humain et être utilisés pour investir dans le développement des infrastructures ferroviaires. Le fret ferroviaire doit être encouragé à tout prix tandis que tous les moyens sont bons pour dissuader le recours à la route pour le transport de marchandises. Des initiatives législatives allant dans ce sens existent, elles doivent être écoutées, débattues et rapidement appliquées. Face à l'urgence climatique et aux menaces qui pèsent sur Fret SNCF, elle lui demande ce qu'attend donc le Gouvernement pour s'emparer de ces propositions.

Réponse émise le 11 juin 2024

A la suite de l'ouverture par la Commission européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de l'entreprise, des échanges ont eu lieu entre l'Etat français et la Commission concernant l'avenir de Fret SNCF. L'Etat fait depuis cette date tout ce qui est en son pouvoir pour éviter le scénario du pire, à savoir une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Md€. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait de nombreux emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque – tout à fait réel en cas d'inaction – de voir disparaître Fret SNCF et à travers lui une grande partie de l'activité de fret ferroviaire français dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra à terme que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Md€. Cette solution garantit la préservation intégrale du cœur d'activité de Fret SNCF qu'est la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement s'était fixées, à savoir (i) l'absence de tout licenciement pour les statutaires comme les contractuels (100 % des emplois dans le ferroviaire sont préservés, et 90 % des emplois seront maintenus au sein de la nouvelle organisation), (ii) l'absence de privatisation (le groupe SNCF conservera la majorité du capital), et (iii) l'absence de report modal sur la route. Au-delà du seul cas de Fret SNCF, il convient de souligner que l'Etat est pleinement engagé dans la relance du fret ferroviaire et a publié à cet effet une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en septembre 2021. Celle-ci est en cours de déploiement et comprend 73 mesures opérationnelles construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur. Comme prévu par cette stratégie, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 M€ a été mise en place à partir de 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services. La stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024 et son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement impactés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023) et d'améliorer leur compétitivité dans l'objectif de développement de ces services. De plus, dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du plan de relance et des travaux menés par le conseil d'orientation des infrastructures, le Gouvernement a annoncé un plan d'investissements de 4 Md€ dont la moitié proviendra de l'Etat. L'ambition est, d'ici 2032, de poursuivre la dynamique d'investissement initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire. Un travail partenarial d'identification des investissements est actuellement mené entre l'Etat, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance 4F. Il est prévu qu'il aboutisse cette année.

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