Mme Emmanuelle Ménard alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la révision de la directive relative aux émissions industrielles (IED) par la Commission européenne. En effet, le projet de directive de la Commission européenne prévoit une extension sans précédent du champ d'application de l'actuelle directive IED. Or les éleveurs français sont déjà pleinement engagés dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et dans la préservation de l'environnement. Ainsi, pour la filière avicole, on observe une diminution de 17 % des émissions en Mteq CO2 entre 2000 et 2022 et de 13 % pour la filière porcine. Pourtant, le projet initial de la Commission européenne prévoit un abaissement très important des seuils IED à 150 unités gros bétail (UGB), introduit une règle de cumul des espèces sur une même exploitation pour le calcul du seuil IED en impactant fortement les exploitations diversifiées et une complexification sans précédent des règles administratives d'autorisation des élevages. Ces nouvelles réglementations auront des conséquences extrêmement fortes sur le tissu d'exploitations familiales des régions. Cela reviendrait à classer sous réglementation IED 93 % des élevages porcins, contre 7 % qui le sont actuellement, et 72 % des élevages avicoles, contre 18 % actuellement. Cela représentera un coût à la limite du supportable pour les petites exploitations. Ces coûts sont évalués pour la filière porcine française à 1,3 milliard d'euros et à 1,2 milliard pour la filière avicole. En Occitanie, qui compte 405 exploitations familiales d'élevages, ce sont 288 d'entre elles qui seraient impactées pour un investissement moyen par exploitation de 150 000 euros. En l'état, le texte prévu par la Commission européenne serait contreproductif. Les exploitations familiales des régions ne pourront faire face ni à ces nouvelles dépenses ni à l'accroissement de l'insécurité juridique que représentent ces nouvelles règles. Elles finiront par disparaître au profit de structures de production de très grande taille dont les standards de production sont loin de ceux visés par la directive, comme le bien-être animal. Cela mettrait également en péril notre souveraineté alimentaire par le recours accru à l'importation de produits. En l'état, cette révision conduirait également à une concentration des cheptels, du fait de contraintes disproportionnées, façon feedlot américain et finirait par décourager des éleveurs soumis à une baisse de revenus ainsi qu'à l'affaiblissement de l'économie rurale par l'arrêt d'élevages et des PME associées. Enfin, cela porterait atteinte à l'environnement par la réduction des surfaces herbagères et des apports des matières organiques aux sols. À l'heure de la transition écologique, il semble important de valoriser les exploitations familiales qui ne sont pas industrielles mais sont ancrées dans les territoires. C'est pourquoi elle lui demande ce qu'il compte faire pour que soit trouvé un compromis qui permette une transition écologique moins brutale et afin de soutenir les exploitations familiales déjà fortement mises à mal par la crise économique que l'on traverse.
La directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (dite « directive IED ») s'applique aujourd'hui uniquement aux élevages de volailles, de porcs et de truies. Elle a pour objectif de réduire les émissions des exploitations concernées notamment par la mise en œuvre de mesures environnementales définies au niveau européen. La Commission européenne a présenté le 5 avril 2022 un projet de modification de cette directive intégrant dans son champ d'application les élevages de volailles, porcins et bovins à partir du seuil de 150 unités de gros bétail (UGB), sur le fondement d'une étude d'impact mettant notamment en exergue l'importance des émissions d'ammoniac et de méthane issues de l'ensemble de ces élevages. Dans le cadre des négociations au Conseil de l'Union européenne, le Gouvernement a porté une position visant à tenir compte des contraintes, notamment financières, que la révision de la directive engendrerait pour la profession agricole. Ces négociations ont abouti à une orientation générale du Conseil le 16 mars 2023 incluant des seuils de 280 UGB pour les élevages de volailles et de 350 UGB pour les élevages porcins, bovins et les exploitations mixtes ainsi qu'une exclusion des élevages extensifs porcins et bovins (dans lesquels la densité est inférieure à 2 UGB par hectare servant uniquement au pâturage ou à la culture de fourrage utilisé pour l'alimentation des animaux dans l'installation). L'orientation générale comprend également un calendrier d'application échelonné en fonction de la taille des exploitations concernées afin que la profession dispose d'un temps suffisant pour se conformer à la directive. Les négociations au Parlement européen sont encore en cours. À ce stade, les seuils retenus dans les principes votés par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement sont de 200 UGB pour les élevages de volailles et porcins, de 300 UGB pour les élevages bovins et de 250 UGB pour les exploitations mixtes avec une exclusion des élevages extensifs (définis selon différentes options et sans compter une catégorie animale pour laquelle le nombre d'UGB est inférieur à 25). La commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement a, quant à elle, déposé un amendement supprimant la référence aux élevages bovins de la définition de l'UGB, qui a été rejeté par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Le vote en plénière a eu lieu le 10 juillet 2023 au Parlement. Dès lors, le gouvernement français continue d'être largement investi dans le cadre du trilogue européen et de la définition des exigences qui seront applicables aux élevages (dites « règles d'exploitation ») afin que des mesures environnementales soient appliquées proportionnellement aux pollutions générées par les différents types d'élevages et en tenant compte de leurs spécificités.
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