Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pierre Dharréville
Question N° 8556 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 6 juin 2023

M. Pierre Dharréville alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les conséquences de dispositions européennes datant de 2005. Un article paru en date du 30 mai 2023, dans le quotidien le Monde suite à une enquête internationale documente l'aberration écologique et économique du grand marché des quotas d'émissions de CO2 organisé sous l'égide de l'Union européenne. En effet, des entreprises ont reçu « gratuitement » des quotas d'émission de CO2, qu'on peut assimiler à des « droits à polluer » dont elles peuvent faire commerce. Plus l'installation industrielle prévoit d'émettre de CO2, plus elle reçoit de droits à polluer. En réalité, il était prévisible que le dispositif soit détourné en toute légalité par les industriels afin d'augmenter leurs profits, pour un bénéfice écologique que l'on cherche à identifier. Le résultat est édifiant ; les industriels reçoivent beaucoup plus de quotas que ce qu'ils émettent réellement. Les excédents cumulés de quotas gratuits ont atteint l'équivalent de 1,3 milliard de tonnes de CO2 en 2013. Par un mécanisme que seuls les industriels maîtrisent, les quotas sont mis aux enchères. Les transactions s'échangent aujourd'hui entre 20 à 30 millions de tonnes de CO2 avec un prix du carbone autour de 100 euros. Le Fonds mondial pour la nature estime que les plus grosses industries émettrices ont empoché 98,5 milliards d'euros entre 2013 et 2021 et n'ont consacré qu'un quart de cette somme (25 milliards d'euros) à l'action climatique. Il est urgent de mettre fin à ces droits à polluer et au marché qui s'est créé autour d'eux, en France et en Europe. Il lui demande quelles dispositions il envisage prendre pour mettre fin à ces dispositifs ubuesques et pour agir efficacement en faveur de la décarbonation.

Réponse émise le 15 août 2023

Le marché européen du carbone EU ETS, en vigueur depuis 2005, est un élément central du cadre énergie climat européen. Suite aux précédentes réformes, notamment 2018 et surtout la révision de 2022 dans le cadre du paquet « Fit for 55 » portée par la France sous Présidence Française de l'UE, l'EU ETS aura un rôle fondamental pour atteindre l'objectif de - 55 % net au niveau de l'UE. L'EU ETS a eu un impact positif pour le climat : les émissions des secteurs concernés par ce marché ont baissé de près de 40% entre 2005 et 2022. L'objectif pour 2030 rehaussé dans le cadre du paquet « Fit for 55 » est une baisse de 62 % à horizon 2030. De nombreux éléments présentés dans l'article cité reflètent une situation passée et ne correspondent plus au marché existant ou futur. Les industriels ont effectivement bénéficié de sur-allocation de quotas gratuits notamment sur la période 2008-2018, essentiellement du fait de la crise économique de 2008 qui a fait baisser la production, sans qu'un ajustement des allocations gratuites ne soit prévu par les règles du marché. Mais la sur-allocation de quotas gratuits n'a plus cours : le secteur de l'industrie concerné par le marché ETS reçoit significativement moins de quotas gratuits que ses émissions (environ 20% de moins dans les années récentes). Par cet ajustement couplé avec l'augmentation du prix du carbone (90 €/t CO2 actuellement), l'impact du prix du carbone s'est considérablement renforcé ces dernières années, ce qui a encouragé l'accélération de la baisse des émissions dans l'industrie (- 20 % entre 2018 et 2022). La France reconnait toutefois les limites du système d'allocation gratuite. Pour cette raison, elle a défendu un Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) visant à les remplacer à terme ; et a largement soutenu son adoption dans les négociations européennes dans le cadre du paquet « Fit for 55 ». Les quotas gratuits seront progressivement supprimés pour les secteurs concernés de 2026 à 2034, avec une montée en charge du MACF. Ceci permettra de renforcer le signal prix carbone dans l'industrie et d'accélérer leur décarbonation, tout en prévenant les fuites de carbone.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion