Mme Emmanuelle Ménard interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'utilisation des drones agricoles. Le 16 mai 2023, le Sénat a voté en faveur de l'article 8 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France qui prévoit une nouvelle expérimentation de cinq ans de l'utilisation des aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % ou dans le cadre d'une agriculture de précision sur des surfaces restreintes. Pourtant, la rédaction initiale de l'article prévoyait, par dérogation prise par décret, d'autoriser définitivement l'utilisation des drones agricoles sur les terrains agricoles. Or les expérimentations d'épandage de produits phytosanitaires bio sur des vignes à pente de plus de 30 % ont déjà été menées pendant trois ans de 2019 jusqu'à fin 2021. Le rapport de l'ANSES publié le 14 octobre 2022 rappelle que « au regard de l'interdiction des applications de produits phytopharmaceutiques par hélicoptère et des limites associées au passage de pulvérisateurs terrestres dans les parcelles à fortes pentes (contraintes techniques, tassement du sol, exposition des opérateurs...), le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages ». Et d'ajouter que « le recours à des traitements par drone apparaît donc comme une solution intéressante pour protéger les cultures des bioagresseurs problématiques dans certaines conditions biologiques (faibles pressions en maladies), végétatives (volume foliaire limité ou port ouvert), climatiques (sols instables) ou topographiques (très fortes pentes) ». On est dès lors en droit de se demander quelle sera la plus-value d'une nouvelle expérimentation. Face à la conclusion positive de l'ANSES concernant l'utilisation des drones agricoles, elle lui demande donc quelle sera la nature des nouvelles expérimentations menées et s'il peut lui assurer que les drones agricoles testés seront différents de ceux qui l'ont été lors de la dernière étude, compte tenu de l'évolution des matériels depuis 2021. De même, elle lui demande quelle est la finalité des nouveaux essais pratiqués sur les pentes supérieures ou égales à 30 %.
La pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques, que ce soit par avion, par hélicoptère ou par drone, est encadrée par l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. La pulvérisation aérienne est interdite d'une façon générale, mais les États membres peuvent déroger à cette interdiction. En France, cette disposition a été transposée à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). La possibilité de déroger temporairement, via un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé, est réservée aux cas de danger sanitaire grave ne pouvant être maîtrisé par d'autres moyens. En 2018, l'article 82 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, a permis de conduire une expérimentation de trois ans, afin de déterminer les bénéfices liés à l'utilisation de drones. Cette expérimentation peut se faire au sein des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, pour limiter les risques d'accidents du travail et pour l'application de produits autorisés en agriculture biologique. Cette expérimentation a donné lieu à un avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), publié le 14 octobre 2022. Celui-ci ouvre des perspectives concernant le recours aux drones pour améliorer la protection des opérateurs dans certaines circonstances, mais souligne également la nécessité d'acquérir des données supplémentaires. S'agissant des suites possibles à l'expérimentation, deux pistes sont identifiées. D'une part, il s'agit de poursuivre l'expérimentation, notamment pour compléter les manques de données identifiés par l'Anses ou acquérir de nouvelles données pour d'autres contextes. D'autre part, il convient de proposer, au titre de première étape, de rendre possible l'utilisation des drones dans certaines situations très spécifiques, telles que le traitement des vignes en forte pente. Dans les deux cas, une modification législative de l'article L. 253-8 du CRPM est nécessaire.
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