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Fabien Di Filippo
Question N° 8488 au Ministère de la santé


Question soumise le 30 mai 2023

M. Fabien Di Filippo alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la nécessité d'interdire totalement la vente, la détention et la consommation du protoxyde d'azote pour les particuliers. L'usage récréatif de protoxyde d'azote, pratique particulièrement dangereuse pour la santé, augmente de façon préoccupante plusieurs régions d'Europe. Cet usage représente « une préoccupation croissante », selon un rapport publié en novembre dernier par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), qui rappelle que si « les consommateurs ont généralement le sentiment que l'inhalation de protoxyde d'azote est sans danger, une consommation plus fréquente ou plus lourde du gaz augmente le risque de dommages graves, tels que des lésions du système nerveux ». En effet, depuis plusieurs années, le protoxyde d'azote, habituellement utilisé dans le champ médical pour ses effets anesthésiants et analgésiants ou en cuisine pour les siphons à chantilly, est détourné de son usage par les jeunes qui l'utilisent comme gaz hilarant. Ce gaz connaît une popularité toujours plus importante en raison de sa disponibilité et de son faible prix. Sa consommation constitue pourtant une pratique très dangereuse pour la santé, provoquant des effets indésirables immédiats et d'autres, à plus long terme. Les risques immédiats sont notamment l'asphyxie par manque d'oxygène, la perte de connaissance, la brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, la perte du réflexe de toux, l'altération des réflexes de déglutition, la désorientation ou encore le risque de chute. En cas de consommations répétées, des troubles graves peuvent survenir, engageant parfois le pronostic vital : complications cardiovasculaires avec notamment des troubles du rythme cardiaque, pertes de mémoire, hallucinations, troubles neurologiques, troubles moteurs, convulsions, détresse respiratoire pouvant provoquer la mort. troubles psychiques (addiction) et atteintes neurologiques pouvant être sévères, dont des paralysies persistantes. Face à cette situation, plusieurs pays ont décidé de prendre des mesures fortes. Aux Pays-Bas, la possession et la vente de protoxyde d'azote sont interdites depuis le 1er janvier 2023. Le Gouvernement britannique a annoncé en mars l'interdiction du protoxyde d'azote, dénonçant des consommateurs qui « saccagent les espaces publics », mais aussi « prennent une drogue qui peut avoir un effet psychologique et neurologique et qui contribue à un comportement antisocial ». Le Gouvernement veut notamment que les ventes de ces bonbonnes soient « restreintes à des fins appropriées », c'est-à-dire comme additif alimentaire ou comme anesthésique en médecine. En France, un texte a été adopté le 25 mai 2021 par le Parlement pour lutter contre l'usage détourné du protoxyde d'azote et protéger les jeunes de cette pratique à risque de plus en plus répandue. Leur vente est interdite aux mineurs et elle est totalement proscrite dans les débits de boisson et de tabac. Mais ce texte n'est pas assez protecteur. En effet, si les commerçants doivent désormais exiger une preuve de la majorité avant d'en vendre, la vente sur internet reste malheureusement possible et bien que les sites de vente en ligne soient dans l'obligation de mentionner l'interdiction de vente aux mineurs, cette mesure ne permet pas de lutter efficacement contre l'achat et la consommation de ce gaz, car il n'y a pas de véritable contrôle de l'identité et de l'âge de l'acheteur. Dans les faits, la répression reste donc faible et le protoxyde s'achète toujours en grande quantité et à bas coût sur des sites de revente et via les réseaux sociaux. La loi actuelle doit être renforcée en urgence pour lutter contre l'usage détourné du protoxyde d'azote. En effet, en France, le gaz hilarant est actuellement le troisième produit psychoactif le plus consommé par les adolescents. Le nombre d'intoxications recensées par les centres antipoison sont en hausse. 134 cas ont été signalés en 2020, contre 10 en 2017 et 46 en 2019, 254 signalements ont été effectués auprès des centres d'addictovigilance en 2020 contre 47 en 2019. Des chiffres corroborés par l'Association française des centres d'addictovigilance dans un communiqué du 23 juin 2022, qui souligne que le nombre de cas de complications sanitaires graves liés à l'usage non médical du protoxyde d'azote a été multiplié par 10 depuis 2019. Le public concerné est jeune, avec des sujets âgés de 22 ans en moyenne, dont environ 1/10 sont mineurs. Dans la moitié des cas, les consommations sont quotidiennes et peuvent atteindre jusqu'à une dizaine de bouteilles par jour. En 2021, 5,5 % des élèves de classe de 3e disent avoir déjà consommé du protoxyde, les garçons deux fois plus souvent que les filles, selon l'enquête EnCLASS de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). 3 à 6 % des étudiants en consommeraient de façon occasionnelle ou régulière. L'usage de protoxyde d'azote semble donc être devenu un enjeu sanitaire majeur, faisant courir un risque imminent d'accident grave, sinon de mort, à de jeunes consommateurs. Plus de 50 personnes seraient mortes en quelques années en France De plus, plusieurs accidents de voiture survenus ces dernières années, dont certains mortels, impliquaient des personnes ayant inhalé du protoxyde d'azote. Il lui demande quelles mesures urgentes et fortes il compte prendre pour renforcer la lutte contre la consommation récréative de ce gaz par les particuliers, afin de les protéger et de protéger l'ensemble de la société de ses effets profondément néfastes.

Réponse émise le 18 juillet 2023

Le protoxyde d'azote est un gaz, utilisé à but médical, dans l'anesthésie et l'antalgie. Il est également utilisé de façon industrielle comme comburant ou comme gaz propulseur, notamment dans les aérosols ou dans les cartouches destinées aux siphons culinaires (contenant en général un peu plus de 8g de protoxyde d'azote). Ce sont ces cartouches, disponibles en vente libre, qui ont été initialement détournées pour obtenir, par inhalation, un effet euphorisant. C'est pour répondre à cette problématique de santé publique que la loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote a été adoptée, en prévoyant un arsenal de mesures de protection principalement destinées aux mineurs mais également aux jeunes majeurs (interdiction de vente aux mineurs, interdiction de vente dans les débits de boissons et débits de tabac, prohibition de la vente des dispositifs de type « crackers », permettant l'utilisation de cartouche sans siphon), en complément des actions de prévention déployées par les pouvoirs publics et la société civile. Elle est accompagnée d'un projet de décret et d'un projet d'arrêté qui ont fait l'objet d'une notification, le 8 février 2022, à la Commission européenne, au titre de la directive (UE) 2015/1535. Sur le fond, le projet de décret précise le contenu et les caractéristiques de la mention sur la dangerosité de l'usage détourné du protoxyde d'azote, à indiquer sur l'emballage ou le conditionnement du produit. Il prévoit qu'une mention sur les dangers de l'inhalation doit être apposée sur l'emballage des produits contenant du protoxyde d'azote. Le projet d'arrêté fixe, quant à lui, la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers des produits contenant du protoxyde d'azote. Il prévoit que seule est autorisée, par acte de vente, la vente aux particuliers de protoxyde d'azote contenu dans des cartouches de 8,6 grammes maximum et dans la limite, par acte de vente, de 10 cartouches. Aucun autre conditionnement ne peut être vendu à un particulier. La vente de bouteilles, bonbonnes ne sera ainsi plus possible. Ce projet d'arrêté devrait être publié dans les prochaines semaines. Concernant le projet de décret, la Commission européenne a orienté les autorités françaises vers le recours à une clause de sauvegarde dans le cadre du règlement CLP (règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges) pour tout ce qui concerne l'étiquetage des contenants de protoxyde entrant dans le champ de la loi et vers une notification au titre de l'article 45 du règlement n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires dit « INCO », en qualité d'« additif alimentaire » du protoxyde d'azote, pour les usages culinaires des cartouches contenant uniquement du protoxyde d'azote. La France a également entamé une procédure de classification du protoxyde d'azote au titre du règlement CLP qui a été soumise à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) au mois de janvier 2022. Par ailleurs, l'information sur les risques du mésusage du protoxyde, ainsi que des messages de prévention vers les publics susceptibles de développer ces usages à risque ont été diffusés de façon récurrente depuis 2019. Ainsi, l'exemple le plus récent de communication est la campagne « un été sans souci » diffusée pendant l'été 2022 qui a inclus une séquence portant sur les risques du mésusage du protoxyde (en août). Au-delà de ces actions de communication, l'information sur les risques des usages détournés, et plus généralement de la consommation de substances psychoactives, passe en priorité par les acteurs en proximité des jeunes. Depuis juillet 2019, sous l'impulsion conjointe des ministères chargés de la santé et de l'éducation nationale, l'ensemble des collèges et lycées de France mettent en place progressivement des partenariats avec des consultations jeunes consommateurs, qui proposent aux jeunes et à leur entourage un service d'accueil, d'écoute, de conseil et d'orientation, assuré par des professionnels des addictions, dédié aux jeunes, totalement gratuit et confidentiel. Le dispositif d'aide à distance Drogue-info-service http://www.drogues-info-service.fr est également à disposition du public, en cas de questions ou de difficultés liées à la consommation de produits ou de drogues. Des actualités régulières sont faites sur les sites de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), avec la publication des chiffres des détournements d'usage signalés aux centres antipoison et aux centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance. Les nouveaux chiffres publiés par l'ANSM ont été présentés le 4 octobre 2022 lors du Comité psychotropes, stupéfiants et addictions.

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