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Ségolène Amiot
Question N° 8441 au Ministère de l’europe


Question soumise le 30 mai 2023

Mme Ségolène Amiot appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les problématiques de genre dans la lutte contre le VIH/sida au niveau international. La pandémie de VIH/sida agit comme un révélateur des inégalités structurelles et des injustices sociales qui caractérisent les sociétés. 53,6 % des personnes vivant avec le VIH/sida sont des femmes. C'est pourquoi les inégalités de genre sont un frein à la lutte contre cette épidémie. Le constat des organisations internationales est le suivant : le manque de prise en compte des inégalités de genre et des droits à la santé sexuelle et reproductive sont les principaux obstacles de l'éradication du virus. Le contrôle de la sexualité des femmes et de leurs corps entrave leur accès aux informations, à la santé et aux soins. Dans les relations hétérosexuelles, les femmes peuvent être dans l'impossibilité d'exiger un préservatif lors d'un rapport sexuel. De plus, on estime qu'une femme sur trois est victime de violences sexuelles au cours de sa vie. Cette proportion considérable est à prendre en compte lorsque l'on analyse les risques de contracter le VIH/sida. Les femmes qui vivent au sein de communautés marginalisées, telles que les travailleuses du sexe, les femmes usagères de drogues, les femmes transgenres ou les femmes incarcérées ont d'autant plus de risques de contracter le virus. Les enjeux liés au VIH/sida doivent prendre en compte l'ensemble des discriminations qui lui sont inhérentes. Une approche biomédicale est insuffisante, une approche féministe et intersectionnelle de la lutte contre le sida est indispensable. Plus que de s'intéresser aux femmes et de les inclure dans les instances de décisions, la lutte contre le virus doit contribuer à remettre en cause l'ordre social sexiste en apportant un soutien aux personnes les plus exposées aux discriminations. La France, actrice historique de la lutte contre l'épidémie et souhaitant porter une politique étrangère féministe, à un rôle à jouer. Elle doit se positionner comme leader d'un agenda féministe de lutte contre le VIH/sida au niveau international. Ainsi, Mme la députée demande, d'une part, à Mme la ministre de participer et d'encourager au niveau international l'intégration des agendas de genre, de droit à la santé sexuelle et reproductive, du VIH, de l'éducation complète à la sexualité, de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. D'autre part, elle lui demande de respecter les engagements pris par le Gouvernement à travers des lois, des cadres et des politiques aux niveaux international, national et régional afin d'avancer vers l'égalité de genre et l'égalité en matière de droits sexuels et reproductifs. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 11 juillet 2023

Grande cause nationale des mandats du Président de la République, l'égalité entre les femmes et les hommes constitue l'une des priorités de la politique étrangère française depuis l'adoption d'une diplomatie féministe en 2019. Sa déclinaison est guidée par la Stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022, en cours d'évaluation et de renouvellement pour la fin de l'année 2023. En lien avec ces priorités, la France entend promouvoir l'égalité de genre dans l'accès aux soins conformément à une approche par les droits, inscrite dans sa nouvelle stratégie pour la santé mondiale 2023-2028. La France est particulièrement engagée en faveur des droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR). La ministre de l'Europe et des affaires étrangères a lancé la seconde stratégie internationale en la matière, inclusive et ambitieuse, le 8 mars dernier. Sur la base de ces trois stratégies, la France porte un plaidoyer actif dans toutes les instances multilatérales (G7, G20, Assemblée générale des Nations unies, Commission de la condition de la femme/CSW, conseil des droits de l'Homme, UE, Assemblée mondiale de la Santé (AMS) ), et s'est mobilisée dernièrement pour défendre le langage agréé sur les DSSR lors des discussions à l'AMS notamment. En ce sens, la France maintient son rôle de leadership qu'elle avait particulièrement illustré lors de sa présidence de l'UE, jouant un rôle clé à l'AMS de mai 2022 en faveur de l'inclusion du genre dans les stratégies de lutte contre le VIH, les infections sexuellement transmissibles (IST) et les hépatites pour la période 2022-2030. L'engagement de la France en matière de lutte contre le VIH/sida s'inscrit ainsi dans cette approche fondée sur les droits humains et sur l'égalité de genre, reflétée dans les stratégies des organisations et fonds multilatéraux qu'elle soutient. La France est le deuxième contributeur historique du Fonds mondial de lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme, avec près de 7 milliards d'euros versés depuis 2002. Dans sa stratégie 2023-2028, le Fonds mondial, qui représente 30 % des investissements mondiaux de la lutte contre le VIH, s'est engagé à lutter contre les inégalités de genre dans l'ensemble de ses actions, de la conception à l'évaluation de tous ses programmes. La France soutient l'approche transformatrice souhaitée par le Fonds mondial pour les lois, politiques, normes sociales et culturelles, et pratiques discriminatoires qui contribuent aux inégalités de genre et exacerbent les vulnérabilités face au VIH. La France agit aussi pour l'égalité de genre dans la lutte contre le VIH/Sida à travers l'Initiative, programme représentant désormais 20 % de la contribution française au Fonds mondial, mis en œuvre depuis 2011 par Expertise France sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) : le genre est un enjeu essentiel de la mise à jour de sa stratégie pour le triennat 2023-2025. Sur la période 2020-2022, 32 % des projets financés par l'Initiative en matière de lutte contre le VIH et les coïnfections VIH/TB étaient sensibles au genre (c'est-à-dire classés CAD1 ou CAD2 selon la méthodologie de l'OCDE), pour un montant global de 25,6 M€. Depuis la création de l'Initiative, 52,2 M€ ont été engagés pour des projets comportant une composante DSSR dans la lutte contre le VIH et les coïnfections VIH/sida-tuberculose. Ces chiffres sont en constante augmentation et seront encore renforcés à l'avenir. Des projets phares soutenus par l'Initiative ciblent particulièrement les filles et les jeunes femmes, ainsi que les femmes vivant au sein de communautés marginalisées, telles que les professionnelles du sexe ou les personnes transgenre. Avec plus de 1,8 milliard d'euros de contributions depuis 2006, la France est également le premier financeur d'Unitaid, dont la mission est de développer des solutions innovantes pour prévenir, diagnostiquer et traiter plus rapidement, efficacement et à moindre coût le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme et leurs coïnfections. Dans sa stratégie 2023-2027, Unitaid s'engage à réduire les inégalités hommes-femmes dans l'accès aux soins, avec une attention soutenue à la santé maternelle et infantile, et à promouvoir des approches adaptées aux besoins des plus vulnérables comme les femmes, les personnes transgenres, les populations homosexuelles et les femmes enceintes. Dans son portefeuille d'interventions au titre de la lutte contre le VIH, Unitaid cible 5 priorités programmatiques articulées étroitement avec les problématiques de genre, dont le dépistage et le traitement du cancer de col de l'utérus et des infections sexuellement transmissibles. Le Fonds français Muskoka représente également un engagement emblématique de la diplomatie française pour l'amélioration de la santé et du bien-être des femmes, nouveau-nés, enfants et adolescent (e) s et la reconnaissance de leurs droits : opérant depuis 2011 en Afrique de l'Ouest et Centrale, la France a investi plus de 170 M€ pour ce mécanisme innovant de coordination réunissant l'OMS, ONU femmes, UNFPA et UNICEF. En 2021, le Gouvernement français a réitéré son soutien en s'engageant à hauteur de 10 M€ par an jusqu'à fin 2026 pour ce fonds. N'étant pas limité à la lutte contre le VIH, il y contribue néanmoins chez ces populations particulièrement vulnérables, en travaillant par exemple sur la prévention de la transmission de la mère à l'enfant, la prise en charge du VIH pédiatrique, mais aussi à l'accès à une éducation complète à la sexualité. Enfin, la France apporte une contribution de 400 000 € par an à ONUSIDA, dont la mission est de coordonner l'action des différentes agences de l'ONU pour lutter contre la pandémie de VIH/sida. Dans le cadre de ses activités, ONUSIDA s'attaque aux dimensions sexo-spécifiques de l'épidémie de VIH en renforçant la mobilisation des femmes dans la riposte au VIH et en intensifiant les interventions pour prévenir la violence à l'égard des femmes. Sur le plan bilatéral, notre APD « genrée » est passée de 29 % en 2017 à 47 % en 2021. La trajectoire se confirme et ce, malgré les effets de la pandémie qui ont mis à mal ces objectifs au niveau mondial. La loi développement du 4 août 2021 a accru les objectifs d'APD « genrée » de 50 % en 2022 à 75 % des projets financés d'ici 2025 devant servir l'égalité de genre, dont 20 % dédiés principalement à sa promotion. L'un des instruments clés en est le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), doté d'une enveloppe de 120 M€ sur trois ans (2020-2022), que nous venons de renouveler. L'Agence française de développement (AFD) apporte également un financement aux ONG de lutte contre le VIH, avec un accent marqué sur la promotion des DSSR et la lutte contre les inégalités de genre, par le biais de son dispositif « Initiatives OSC », dont bénéficient, entre autres, Coalition PLUS, Solthis, Equipop. L'ensemble des acteurs de notre coopération au développement est mobilisé pour mieux intégrer la dimension du genre dans ses actions, en particulier dans ce secteur clé qu'est la santé.

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