Mme Emmanuelle Anthoine attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'accès insuffisant aux soins palliatifs. Le 2 février 2016, le législateur a adopté la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi « Clayes-Leonetti ». Celle-ci modifie les dispositions relatives à la fin de vie, en renforçant les droits reconnus depuis 1999 et en en créant de nouveaux pour les personnes malades et les personnes en fin de vie. Depuis lors, chaque Français est en droit d'exprimer ses volontés sur la fin de sa vie, qu'il soit en bonne santé ou malade. Le législateur a retenu l'accompagnement, les soins aux personnes les plus vulnérables, le respect de la faiblesse, le soulagement des douleurs dans la dignité et proscrit l'obstination déraisonnable. Pourtant, depuis l'adoption de la loi, les rapports d'évaluation ne cessent de pointer les manquements. À l'heure où les enquêtes démographiques concluent à un vieillissement de la population française, on estime que seul un tiers des patients qui en auraient besoin bénéficient de la prise en charge par une équipe de soins palliatifs. S'agissant des soins palliatifs à domicile, la pénurie de médecins généralistes rend l'effectivité du droit à mourir dignement chaque jour plus difficile à garantir. Les besoins non satisfaits y sont les plus importants et les difficultés d'organisation ne cessent d'augmenter. Leurs cabinets de consultations étant déjà complets, les médecins généralistes ne sont plus en capacité de se déplacer au domicile de leurs patients les plus fragiles. S'agissant des unités de soins palliatifs (USP), en 2021, la France en comptait 164, soit 1 880 lits à l'hôpital, contre 139 en 2015. Un rapport sénatorial, rendu le 29 septembre 2021 au nom de la commission des affaires sociales sur les soins palliatifs, montre que derrière cette accélération apparente se cachent deux principales limites. La persistance de disparités territoriales dans leur répartition d'une part et le manque de personnels formés pour assurer leur bon fonctionnement d'autre part. Alors que le plan 2015-2018 (premier volet de l'action 14.1) affichait l'ambition de renforcer les USP dans les régions comptant moins de 1 lit pour 100 000 habitants, sa mise en œuvre n'a été que partielle. En 2019, 24 départements métropolitains répartis dans neuf régions et deux territoires ultra-marins (Guyane et Mayotte) sont dépourvus d'USP et trois départements ou territoires (Isère, Haute-Savoie, La Réunion) sont insuffisamment dotés en lits d'USP au regard du seuil fixé par ce plan. Par ailleurs, selon un constat unanime, les soins palliatifs pâtissent d'un important manque de médecins et d'autres professionnels formés. Ce défaut de personnels occasionne un véritable frein au développement des prises en charge de qualité y compris dans les régions apparemment les mieux dotées. Les difficultés de recrutement de personnel entraînent une instabilité voire mettent en péril de manière passagère ou plus durable le fonctionnement d'une unité, d'un service ou d'une équipe. On estime que la moitié des équipes manquent de médecins. En 2020, une enquête réalisée auprès de médecins en soins palliatifs, conclue que près de 10 % des postes (en ETP) sur le total déclaré ne sont pas pourvus dans les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP). La proportion est de plus de 7 % dans les USP. Les médecins hospitaliers finissent par ne plus faire de soins palliatifs. Faute de recrutement, les équipes en place disparaissent. Les auteurs de l'étude estiment qu'à l'horizon 2025, près de 440 nouveaux médecins devraient être recrutés pour les USP et EMSP. Par conséquent, la disparition des équipes et des financements explique que les patients voient leur droit à un accès à des soins palliatifs de qualité et à une vie digne jusqu'à son terme, bafoué au quotidien. Alors qu'un futur projet de loi controversé sur la fin de vie, visant notamment à l'instauration d'une aide active à mourir, est sur le point d'être débattu au Parlement, Mme la députée demande que les dispositifs déjà existants soient effectivement mis en œuvre sur le terrain. Il s'agit d'ailleurs d'une recommandation du cinquième plan de développement des soins palliatifs et d'accompagnement de la fin de vie (2021-2024) qui estime que l'application effective de la loi « Clayes-Leonetti » est un préalable à l'ouverture d'un débat sur la fin de vie. L'état de délabrement dans lequel se trouvent les soins palliatifs du pays requiert un débat apaisé, loin des querelles de considérations éthiques que les débats sur la fin de vie engendreront nécessairement. Aussi, elle lui demande comment le Gouvernement entend résoudre la crise des soins palliatifs et enfin garantir le droit d'accès aux soins palliatifs à l'ensemble des Français.
L'Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie publié en mars 2023 livre le dernier recensement des unités de soins palliatifs (USP) en France. Sur la base des données consolidées auprès des agences régionales de santé, 20 départements ne sont pas pourvus d'USP. Ce nombre s'est réduit depuis la précédente édition de l'Atlas (il s'élevait à 26 départements en 2019 d'après les données de la statistique annuelle des établissements de santé) et, dans ces départements non pourvus, on relève une offre particulièrement développée en lits identifiés soins palliatifs (LISP). De réelles avancées en terme de structuration et de maillage territorial d'une offre graduée de soins palliatifs ont été obtenues grâce aux plans nationaux successivement conduits. L'augmentation du nombre de lits de soins palliatifs, d'USP et d'équipes mobiles de soins palliatifs a été continue et l'ensemble des départements dispose d'une offre de soins palliatifs. Il importe toutefois de poursuivre les efforts afin de garantir un maillage fin et adapté aux besoins. Dans le cadre des actions de renforcement de l'offre de soins palliatifs conduites par le ministère chargé de la santé et mises en œuvre sous l'égide des Agences régionales de la santé, des crédits sont alloués pour soutenir la création d'équipes spécialisées en soins palliatifs, notamment d'USP. En 2022, ce sont 15 M€ qui ont été alloués pour accompagner les mesures de structuration et de renforcement de la filière palliative, reconduits en 2023. En direction de l'outre-mer, des crédits sont sanctuarisés. L'instruction du 21 juin 2023 relative à la structuration des filières territoriales de soins palliatifs accompagne l'organisation des filières de soins palliatifs. Elle fournit un cadre national précisant le maillage territorial à atteindre, les missions respectives des équipes spécialisées de soins palliatifs, clarifie leurs articulations avec les autres équipes de soins, précise les modalités du suivi de l'activité palliative et de la structuration de l'offre, renforce la place des intervenants de l'accompagnement de la fin de vie dans le parcours de soins et de vie de la personne malade et de ses proches. Il s'agit bien de soutenir l'offre spécialisée de soins palliatifs tout en renforçant les organisations propices à une prise en charge en proximité et en premier niveau de recours, y compris en ville. A travers le suivi de la mise en œuvre des filières de soins palliatifs, l'enjeu est d'améliorer nos connaissances sur l'accès aux soins palliatifs, sur la diffusion des principes fondant la démarche palliative, et d'évaluer l'adéquation de l'offre aux besoins de soins palliatifs. Dans le même temps, des cellules d'animation régionale de soins palliatifs se mettent en place pour contribuer aux diagnostics territoriaux et à la remontée des besoins ainsi qu'à la lisibilité de l'activité palliative, qu'elle se fasse en établissement ou à domicile. Parce que l'enjeu est tout à la fois de garantir l'accès aux soins palliatifs et de disposer des ressources humaines requises pour réaliser les missions spécifiques à chaque dispositif ou unité de prise en charge, ces mesures de soutien de l'offre palliative se combinent nécessairement avec des actions de développement de la formation des professionnels, pour diffuser les bonnes pratiques et promouvoir une dynamique d'échanges pluridisciplinaires. Le plan national 2021-2024 pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie dédie l'un de ses trois axes, aux enjeux et actions à conduire en matière de formation. Dans une volonté de diffusion des recommandations de pratiques professionnelles éditées par la Haute autorité de santé, de montée en compétences des professionnels tant médicaux que paramédicaux, de sensibilisation et de formation des personnels des établissements et des membres des équipes de soins intervenant en proximité auprès des patients, les actions sont conduites et se traduisent d'ores et déjà par l'attribution de postes de chefs de clinique (3 postes en 2022, 4 postes en 2023), de maîtres de conférence des universités (4 postes ouverts en 2023), d'assistants spécialistes en médecine palliative (une dizaine en 2022 et en 2023). Ces objectifs sont également portés par l'inscription de la thématique « soins palliatifs-fin de vie » dans les orientations stratégiques 2023-2025 du développement professionnel continu, ou encore dans l'instruction publiant les priorités pour le développement des compétences des personnels de la fonction publique hospitalière. Dans une logique pluridisciplinaire et interprofessionnelle, il importe en effet d'agir sur les différents leviers que sont la formation d'enseignants de médecine palliative, le développement de la formation initiale (1er, 2ème et 3ème cycles des études médicales) et de la formation continue. La médecine palliative s'est dotée de son Conseil national professionnel, en janvier 2023, pleinement associé aux travaux conduits pour actualiser l'instruction relative à l'organisation des soins palliatifs. En 2022, la formation spécialisée transversale (FST) « soins palliatifs » a été transformée en FST de « médecine palliative » et sur les 107 postes ouverts, 63 ont été pourvus (soit 59 %). Depuis 2019, on note une augmentation du nombre de postes ouverts et du nombre de postes pourvus couplée à une réduction du taux d'inadéquation (38 % des postes ouverts en 2019 avaient été pourvus). En concertation avec les parties prenantes des territoires, les travaux conduits visent ainsi à ce que les professionnels exerçant en ville, les personnels des champs sanitaire et médico-social, les travailleurs sociaux, les associations, les équipes de soins comme d'expertise ou de coordination, s'articulent de façon à garantir l'accès de tous aux soins palliatifs et à l'accompagnement de la fin de vie. C'est le sens de la dynamique impulsée par le ministère chargé de la santé pour développer les soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie avec ce 5ème plan national et qui se poursuivra dans le cadre de la stratégie décennale en cours d'élaboration.
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