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Ségolène Amiot
Question N° 8386 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 30 mai 2023

Mme Ségolène Amiot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le programme d'histoire-géographie dans l'enseignement secondaire, qui ne traite pas suffisamment de l'histoire des anciens pays colonisés par la France, des collectivités et territoires dits d'outre-mer au-delà du prisme colonial. En effet, l'enseignement de l'histoire des anciens pays colonisés par la France est réduit à la période coloniale et à l'indépendance, tandis que l'histoire des collectivités et territoires dits d'outre-mer est complètement ignorée. Aujourd'hui, le programme d'histoire-géographie se répète entre les différents cycles scolaires. L'enseignement de ces disciplines doit permettre aux élèves de comprendre comment les évènements du passé ont façonné le monde actuel et de développer leur esprit critique. Cette absence de prise en compte de l'histoire des anciens pays colonisés par la France dans les programmes scolaires a toujours été critiquée par les enseignants et témoigne d'une vision archaïque et flatteuse de l'histoire de la nation française. Cependant, cela implique de taire complètement l'histoire de ces pays ainsi que des territoires et collectivités dits des outre-mer. La dernière réforme des programmes scolaires a complètement supprimé l'étude des conséquences de l'abolition de l'esclavage dans les sociétés dites d'outre-mer et ne traite pas de la discrimination raciale qui en découle encore aujourd'hui. Le programme de géographie ne consacre qu'un seul chapitre à l'Afrique australe, ce qui est surprenant étant donné que cette région n'est pas principalement francophone. Cette décision peut être interrogée quant à son choix d'éviter les discussions sur les liens persistants de la Françafrique. De plus, le programme actuel ne traite pas de l'histoire des anciens pays colonisés avant leur colonisation. Cela même dans les chapitres consacrés à l'Antiquité, où l'on pourrait s'attendre à une mention des puissants empires nord-africains par exemple. L'absence de ces sujets témoigne d'une perception démodée et condescendante qui persiste envers les anciens territoires colonisés. Il est crucial de remettre en question la période coloniale et cela implique une étude approfondie et une recherche de la vérité sur ces territoires. Dans son programme pour les élections présidentielles de 2022, Emmanuel Macron déclarait que « les élèves sont trop souvent oubliés des réformes de notre éducation nationale ». Cette affirmation est particulièrement pertinente si l'on considère que de nombreux élèves sont issus de l'immigration post-coloniale ou vivent en territoires dits d'outre-mer et que leurs histoires sont absentes des programmes scolaires. Les élèves du secondaire, qui seront bientôt étudiants du supérieur, ne devraient pas être limités à des approches intellectuelles de faible qualité mais être encouragés à développer une réflexion autonome et éclairée sur ces sujets. La montée des discours d'extrême-droite amène la montée de discours révisionnistes concernant non seulement l'Histoire de France mais aussi celle des outre-mer ou des pays anciennement colonisés par la France, notamment sur l'esclavage. Ainsi, nul ne peut tolérer et relayer les discours étayant le fait que la France ait apporté la civilisation aux peuples colonisés. Mme la députée demande donc à M. le ministre de revoir les programmes scolaires pour y inclure des notions élémentaires sur l'histoire précoloniale des pays anciennement colonisés ainsi que sur l'histoire des outre-mer. L'histoire de ces territoires est extrêmement riche et ne se résume pas à son passé colonial. L'enseignement de ces sujets dans le secondaire permettrait d'offrir des bases plus riches en contextualisation historique ainsi qu'en culture générale tout en empêchant le révisionnisme historique d'extrême-droite qui méprise les travaux des historiens. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 7 novembre 2023

Les programmes d'histoire et de géographie actuellement en vigueur, du CM1 au baccalauréat, sont issus des dernières réformes : 2015 pour les cycles 3 et 4 ; 2019 et 2020 pour le lycée. La rédaction d'un programme, qui doit être effectué dans l'horaire imparti, conduit nécessairement à des choix et des arbitrages. Ainsi les programmes des classes de seconde et de première du lycée général et technologique ont-ils fait le choix d'un centrage sur l'Europe et les Européens. Cela n'empêche toutefois nullement de procéder à des changements d'échelle, ou à une prise de distance critique avec l'européocentrisme d'une certaine vision de l'histoire. Par exemple en classe de 2de dans le cadre du chapitre sur « L'ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du "Nouveau Monde" », la ressource d'accompagnement publiée sur éduscol invite les professeurs à analyser les concepts de « découverte » et de « Nouveau Monde », afin de montrer qu'ils relèvent d'une vision européo-centrée. Les professeurs sont encouragés à évoquer l'historiographie des « grandes découvertes » et le passage à une histoire globale ou connectée qu'incarnent par exemple les travaux de Patrick Boucheron, de Romain Bertrand et de Sanjay Subrahmanyam. Ce même chapitre, qui vise à montrer la mise en contact des différentes parties du monde, est également l'occasion d'aborder, dans le cadre de la liberté pédagogique, l'histoire des différents territoires évoqués, en Asie, en Afrique et en Amérique, et des sociétés et civilisations qui s'y sont développées. Les programmes d'histoire consacrent une part plus importante aux périodes modernes et contemporaines, qui correspondent au double mouvement de colonisation et de décolonisation. La période précoloniale est pour l'essentiel évoquée dans les classes de 6e, 5e et 2de. Dans les programmes de ces classes, des thèmes ou chapitres permettent d'aborder une histoire précoloniale sur la longue durée et à l'échelle mondiale : en classe de 6e, le premier thème portant sur « La longue histoire de l'humanité et des migrations » permet de fixer les premiers repères ; l'étude de l'empire romain (au thème 3) peut conduire à évoquer l'Afrique du Nord et demande une étude de la Chine des Han. En classe de 5e, le chapitre intitulé « De la naissance de l'islam à la prise de Bagdad par les Mongols : pouvoirs, sociétés, cultures » permet de traiter de la civilisation islamique en contexte précolonial. Il semble difficile en ce domaine de prétendre à l'exhaustivité sans alourdir considérablement les programmes. S'agissant plus spécifiquement des territoires ultramarins, ils sont bien explicitement présents dans les programmes d'enseignement, davantage en géographie qu'en histoire, au cycle 4 (en classe de 3e), puis au lycée professionnel comme au lycée général et technologique. En histoire, la mise en œuvre de programmes adaptés dans les DROM et les COM permet aux professeurs de contextualiser les programmes à l'espace-temps vécu des élèves : dès le premier thème d'histoire de CM1 (« Et avant la France ? »), le programme adapté contextualise géographiquement en invitant à étudier « les traces archéologiques et culturelles laissées par les premières populations amérindiennes » en Guadeloupe, Martinique et en Guyane ; le chapitre sur la Méditerranée médiévale en classe de seconde est modifié pour Mayotte et La Réunion, où il est demandé d'insister sur le lien avec l'Océan indien. Enfin, la lecture des programmes peut laisser croire à des « répétitions » : ainsi, la décolonisation est-elle abordée en classe de 3e et reprise en classe terminale. Il n'y a pas là de répétitions mais une logique pédagogique : les contenus d'enseignement et les compétences travaillées se complexifient avec l'accroissement de la maturité des élèves.

1 commentaire :

Le 26/08/2023 à 17:54, Aristide a dit :

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La civilisation, c'est de parler français...

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