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Andrée Taurinya
Question N° 8285 au Ministère de la justice


Question soumise le 23 mai 2023

Mme Andrée Taurinya alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les retards de paiement dont pâtissent les interprètes judiciaires. Ces derniers effectuent un travail fastidieux et vital au bon fonctionnement du système judiciaire. Présents tout au long des procédures, de la garde à vue au prétoire, ils peuvent être réquisitionnés en tout temps et tout lieu. Leur présence est obligatoire lorsqu'une personne ne maitrisant pas le français intervient dans le cadre des procédures, qu'elle soit victime, témoin, mis en cause. Bien qu'ils ne disposent pas de statut propre, les interprètes sont censés être payés au fur et à mesure des missions qu'ils effectuent, tout au long de l'année. Ils sont environ 7 500 en France et cette activité représente pour la grande majorité leur seule source de revenus. Pour autant leur travail, si essentiel soit-il, n'est pas considéré à sa juste valeur par le ministère. Un article du Point du 29 mars 2023 rend compte d'importants retards de paiement depuis le début de l'année. De trop nombreux interprètes n'ont pas été rémunérés pour leurs prestations ces derniers mois, alors même que l'administration a déjà commencé à exécuter le budget pour l'exercice 2023. D'autre part, beaucoup de dettes concernant leur travail de la fin d'année 2022 n'ont pas été remboursées dans leur totalité, quand bien même le ministre a communiqué sur France Inter avoir débloqué les fonds nécessaires à ces paiements. Les interprètes sont tristement habitués à ne pas être payés avant janvier - voire pas du tout - pour leur travail de la fin d'année précédente. Ainsi, en 2021, les paiements ont été arrêtés en août. En 2022, alors même que l'interprétariat aurait dû bénéficier d'un budget de 66,6 millions d'euros, les rémunérations des mémoires se sont arrêtées dès juin. Cette situation persiste depuis des années, ces derniers adoptent pour habitude de mettre un peu d'argent de côté en prévision de ces mois où l'État n'honore pas ses dettes. Le système semble structurellement incapable de fonctionner. La situation actuelle est inédite. Leur rémunération habituelle du début d'année n'est pas versée et ils ne peuvent se reposer sur leurs économies en raison de l'absence de paiement du travail effectué à la fin de l'année 2022. Il est question de sommes d'argent allant jusqu'à 25 000 euros. Ces retards ou absences de paiement ont des impacts directs sur les interprètes et leur entourage. Ils sont constamment dans la précarité, ne peuvent payer des produits de 1ère nécessité, ne peuvent avoir de crédit, paient des frais bancaires car ils sont à découvert, risquent l'expulsion de leurs logements, ont des difficultés à payer leurs impôts... Pourtant, ils continuent à travailler sans relâche au bon fonctionnement du système judiciaire. Malgré une lettre adressée par le collectif des interprètes et traducteurs judiciaires « COSP » au garde des sceaux dès novembre 2021, plusieurs mobilisations des interprètes traducteurs (dont la dernière date du 31 octobre 2022), de nombreux articles signalant les manquements de l'État, une question écrite - restée sans réponse - déposée par le député Robin Reda qui fait pourtant partie de la majorité présidentielle (22 novembre 2022), la situation reste irrésolue. À l'heure où l'inflation alimentaire dépasse les 12 %, ces manquements de l'État sont particulièrement inadmissibles. Mme la députée demande donc au ministre, en premier lieu, de faire en sorte que les interprètes soient payés de toute urgence, dans la totalité des sommes leur étant dues. D'une part elle voudrait connaître les raisons de ces retards de paiement. M. le garde des sceaux se targue d'une augmentation de 8 % du budget de la justice, qui s'élève à 9,6 milliards d'euros : comment l'argent réservé au paiement des collaborateurs occasionnels du service public de la justice a-t-il été affecté ? D'autre part, Mme la députée interroge le ministre sur l'existence prévue d'une compensation pour les personnes touchées par ces retards de paiement. Un système analogue à celui des intérêts moratoires prévus par le code de la commande publique sera-t-il institué ? Enfin, elle lui demande quel moyen le ministre va mettre en place pour assurer que les interprètes-traducteurs puissent être payés en temps et en heure et ce tout au long de l'année.

Réponse émise le 21 novembre 2023

La Chancellerie est particulièrement attentive à l'amélioration des délais de paiement des prestations réalisées par les collaborateurs du service public. A cet égard, le site internet Chorus Pro mis à disposition pour le traitement des mémoires de frais de justice a permis de fluidifier leur traitement et d'accélérer les délais de traitement. Si le ministère de la Justice veille à doter les cours d'appel de budgets leur permettant d'effectuer les paiements dans les meilleurs délais, il convient de préciser que le processus est subordonné à la vérification du service fait dans un contexte d'augmentation du volume à traiter. Toutefois, les services administratifs en cours d'appel mettent tout en oeuvre pour régler les mémoires déposés, dans les meilleurs délais possibles. Il faut ici souligner que les délais de paiement se sont sensiblement améliorés depuis une décennie et que l'objectif de les améliorer encore durablement demeure d'actualité. S'agissant du paiement d'intérêts moratoires, la prestation d'expertise est réalisée dans des conditions particulières fixées par l'autorité commettante, qui se distinguent substantiellement des conditions normales d'exécution d'un marché public. La prescription d'un acte payé sur frais de justice trouve ainsi son origine dans un acte unilatéral pris par l'autorité judiciaire, qui ne revêt pas un caractère contractuel. Le ministère de la Justice s'attache à l'amélioration du délai de paiement ds mémoires déposés par les interprètes traducteurs, acteurs indispensables au fonctionnement du service public de la justice. Enfin, il convient d'indiquer que des crédits supplémentaires dédiés au paiement des frais de justice ont été délégués aux cours d'appel en octobre à hauteur de 35 millions d'euros, permettant notamment de régler les mémoires de frais déposés par les interprètes judiciaires.

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