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Emmanuelle Anthoine
Question N° 8168 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 23 mai 2023

Mme Emmanuelle Anthoine appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation de la filière porcine. Celle-ci est effectivement confrontée à des difficultés croisées. Les éleveurs ont produit sous le seuil de rentabilité entre 2021 et 2022. D'une part, la flambée des cours des matières premières pour l'alimentation des porcs a considérablement renchéri les coûts de production. Le coût de l'alimentation des porcs qui représente 70 % des dépenses est en augmentation depuis 2017. Il a ainsi bondi de 34,5 % entre 2021 et 2022, après avoir augmenté de 13 % au cours de l'année précédente. De 240 eruos la tonne en janvier 2020, il a atteint aujourd'hui 395 euros la tonne. D'autre part, le cours du porc a chuté à un niveau très bas au début de l'année 2022. Face à cette conjoncture, la production française a baissé de 2 %. Cette baisse de production risque de s'accélérer en 2023 du fait de la réduction des cheptels de truies de 2,6 % du fait des difficultés rencontrées en 2022. Dans ce contexte, la balance commerciale de la filière se dégrade et son taux d'autosuffisance est descendu à 103 % après avoir atteint 105 % en 2021. Pour répondre à la demande intérieure, la filière a effectivement augmenté ses importations de viande de porc de 3,4 %. La dégradation de la balance commerciale devrait se poursuivre du fait de la baisse des capacités de production. Il faut veiller à ce que l'attrition de la production française ne conduise pas à une substitution de cette production nationale de qualité par des importations non soumises aux mêmes normes et bonnes pratiques. Cette année, c'est l'aval de la filière qui rencontre des difficultés. Les entreprises de charcuterie envisagent des baisses d'activité du fait de l'augmentation de l'ensemble de leurs charges. Avec l'augmentation du coût de l'énergie conjuguée à la hausse du prix du porc de 65 % depuis début 2022 quand celui-ci représente 50 % du coût de fabrication, auxquels il faut ajouter le prix des emballages, du transport et de la main d'œuvre, leurs coûts de production augmentent considérablement. Enfin, dans le contexte actuel d'inflation généralisée, les producteurs en circuits courts de viande porcine, en particulier les producteurs labellisés agriculture biologique, souffrent des répercussions de la perte de pouvoir d'achat de ménages français. Les consommateurs se détournent effectivement de leurs produits de qualité, aux prix plus élevés. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend soutenir la filière, notamment en simplifiant les procédures administratives auxquelles la filière est confrontée et en évitant de nouvelles contraintes européennes aux délais intenables et créatrices de distorsions de concurrence.

Réponse émise le 26 septembre 2023

Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est particulièrement attentif à la situation de la filière porcine française. À partir de la fin de l'été 2021, la filière porcine a connu une situation dégradée, à la suite de l'apparition de la fièvre porcine africaine en Allemagne, de la crise sanitaire du covid-19 et de la baisse de la demande chinoise, provoquant un surplus d'offre en Europe. La baisse continue des cours du porc et la hausse des coûts de production se sont conjugués de septembre 2021 à février 2022 pour créer un ciseau de prix. Les impacts économiques consécutifs au déclenchement de l'invasion par la Russie de l'Ukraine, et en particulier la désorganisation du transport international et l'inflation sur les intrants et les aliments pour animaux, sont venus s'ajouter à ces tensions. En réponse à cette situation exceptionnelle, le Gouvernement a ainsi annoncé le 31 janvier 2022 un plan de sauvegarde en trois volets doté d'une enveloppe de 270 millions d'euros (M€). Dans un premier temps, une aide d'urgence a été mise en place, sous la forme d'un chèque « ciseau de prix porcin » d'un montant de 15 000 € pour les exploitations porcines en fortes difficultés de trésorerie. Cette aide fut déployée rapidement sur le territoire : à la fin mai 2022, environ 4 000 éleveurs ont bénéficié de cette aide d'urgence. Dans un second temps, une aide de structuration, adossée à un engagement de contractualisation dans le cadre de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs dite loi « EGALIM 2 », est venue compléter la compensation des pertes des exploitations porcines. Déployé du 15 avril au 30 juin 2022, ce second volet a permis de soutenir environ 3 700 éleveurs. Enfin, un dernier volet a été déployé venant abonder jusqu'à 20 M€ les dispositifs de droit commun visant à la prise en charge des cotisations des éleveurs au titre de la mutualité sociale agricole. Ces prises en charge pour la filière porcine ont été notifiées aux éleveurs jusqu'au 31 décembre 2022. Dans le même temps, en réaction à la guerre en Ukraine, le Gouvernement a annoncé le 16 mars 2022 un plan de résilience économique et sociale. Ce plan mettait notamment en place une mesure exceptionnelle en prenant en charge pour les éleveurs une partie du surcoût supporté pour l'alimentation de leur cheptel lié aux conséquences de la guerre en Ukraine. Dotée d'une enveloppe s'élevant jusqu'à 489 M€, y compris les crédits européens, cette mesure était ciblée sur les élevages fortement dépendants d'achats d'aliments, dont les élevages de porcs. Cette aide visait à couvrir les hausses de charges d'alimentation pour une durée de quatre mois (15 mars au 15 juillet 2022). Les éleveurs qui ont déposé une demande auprès de FranceAgriMer ont pu bénéficier d'une aide dont le montant variait entre 1 000 et 35 000 euros par exploitation, calculée en fonction de leur taux de dépendance aux achats d'alimentation animale. Une part significative des éleveurs porcins a bénéficié de ce dispositif avec près de 3 200 dossiers déposés. Au total, toutes filières confondues, ce sont plus de 70 000 élevages qui ont bénéficié de cette aide en France. Ces différentes aides ont été rapidement déployées et sont venues apporter une réponse immédiate, aux chocs conjoncturels. En outre, pour la situation de l'aval de la filière, le Gouvernement est particulièrement impliqué pour assurer l'entière application de la loi EGALIM 2 et les opérateurs doivent désormais s'en approprier pleinement les outils afin d'assurer la protection du revenu des agriculteurs et une meilleure répartition de la valeur au sein de la chaîne agroalimentaire. Les services de l'État restent particulièrement vigilants quant au respect de la mise en œuvre de la loi et les services de contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont mobilisés. Ainsi, des amendes ont d'ores et déjà été prononcées à hauteur de plusieurs millions d'euros à l'encontre de distributeurs, notamment pour non-respect des dispositions encadrant les pénalités logistiques. L'application des dispositions relatives à l'aval de la loi EGALIM 2 a ainsi produit des résultats concrets dès sa première année d'application (2021-2022), en mettant un terme à un cycle de plusieurs années de déflation ou très faible inflation, une hausse de l'ordre de 3,5 % du prix convenu ayant été constatée par l'observatoire des négociations commerciales. Enfin, la filière porcine biologique est aussi affectée par la crise plus large du secteur biologique. En effet, de manière conjoncturelle, la pandémie de covid-19 et les conséquences de la guerre en Ukraine ont modifié la consommation alimentaire nationale avec des impacts directs sur la consommation des produits biologiques tandis que les hausses des charges des exploitations agricoles ont augmenté. Ainsi, pour faire face au contexte spécifique de cette filière, le Gouvernement a annoncé en février 2023, plusieurs mesures ayant pour objectif de dynamiser la consommation des produits biologiques, ainsi que des mesures de soutien d'urgence dont certaines ciblées sur la filière porcine biologique. Ce plan de soutien à la filière biologique a été complété en mai 2023 par de nouvelles mesures de court et moyen terme. Tout d'abord, un fonds d'urgence doté de 10 M€ a été mis en place afin d'apporter une aide immédiate aux exploitations engagées en agriculture biologique confrontées à de graves difficultés économiques et en risque de déconversion. Cette aide, dont la gestion a été déléguée aux préfets de régions et de départements, a pu être adaptée aux contextes locaux et ainsi prioriser, selon les besoins, les exploitations d'élevage, dont les élevages porcins. Une enveloppe supplémentaire de 60 M€ a été débloquée par la suite pour renforcer le soutien aux agriculteurs biologiques ; le guichet pour déposer sa demande d'aide auprès de FranceAgriMer est ouvert depuis le 16 août 2023. En outre, la dotation du Fonds Avenir Bio, permettant la structuration des filières biologiques, a été augmentée de 5 M€ en 2023 pour atteindre un montant total de 13 M€. Une dotation supplémentaire spécifique de 2 M€ a été allouée à la structuration de la filière porcine biologique, particulièrement affectée par le contexte évoqué ci-dessus. Au 19 juillet 2023, ce sont 45 dossiers qui ont été retenus et déposés par des coopératives, des groupements et des d'exploitants individuels afin de financer des investissements matériels, mais également immatériels (notamment des actions de promotion et de conseil). En matière de soutien à la consommation des produits biologiques, la campagne de communication « Bioréflexe », menée par l'Agence Bio depuis mai 2022 a été relancée grâce à un abondement total de 1,25 M€. Cette campagne, élaborée avec 8 interprofessions, vise à stimuler le « Bioréflexe » chez les consommateurs en rappelant les garanties associées au mode de production biologique. Les sondages ont montré l'efficacité de cette campagne auprès des consommateurs. En outre, une enveloppe de 3 M€ permettra de lancer une seconde campagne de communication. Toujours dans l'objectif de soutenir la demande en produits biologiques, l'État s'est engagé à l'exemplarité dans les établissements de restauration collective relevant de sa compétence en matière d'introduction de 20 % de produits biologiques, tel que prévu par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite « EGALIM », pour un montant de 120 M€.

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