M. Damien Maudet interroge M. le ministre de la santé et de la prévention au sujet de la nomination au poste de directeur général de la santé, alors que les firmes pharmaceutiques ont dépensé plus de 83 000 euros pour le DGS pressenti, dont plus de 33 000 euros en rémunérations. Pfizer, Moderna, Johnson & Johnson... Ce sont au total une dizaine de laboratoires qui auraient versé des paiements au nouveau DGS. « Un DGS ne doit pas avoir de lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique pour pouvoir gérer les dossiers liés au médicament », rappelle pourtant la prédécesseure de M. le ministre, Mme Agnès Buzin, auprès de Libération. Le DGS a la tâche de mettre en œuvre les décisions de l'État, et dès lors la question du conflit d'intérêt sera permanente. Certains alertent déjà. Pierre Chirac, membre de la rédaction de la revue médicale Prescrire dans l'article de Libération : « Pour des responsabilités importantes de ce type, c'est dommage de ne pas privilégier des médecins sans lien d'intérêt avec les firmes, car cela peut affaiblir la parole publique, en créant de la suspicion devant des décisions de santé publique ». 1 800 euros versés par Moderna au printemps 2022 pour « sa qualité d'expert », 850 euros pour une prise de parole de 22 minutes par la même firme américaine, 850 touchés de la part de Merck Sharp and Dohme pour jouer les modérateurs de débat pendant 1h15, 1 000 euros pour le même exercice cette fois-ci pour Pfizer, etc. etc. « Par ces liens, en tant que DGS, celui-ci se trouvera en situation de conflit d'intérêt quand il aura des décisions à prendre en relation avec ces laboratoires », affirme à Libération Jean-François Kerléo, vice-président de l'Observatoire de l'éthique publique et professeur de droit public à l'université Aix-Marseille. Cela est-il envisageable pour un homme qui devra sans cesse être en lien avec les plus grands laboratoires ? Cette crise sanitaire a été un tournant pour l'industrie pharmaceutique. Malgré l'urgence de la covid, aucun politique n'a osé la contraindre à quoi que ce soit. Pire, les industriels se sont gavés en faisant de grands profits sur les vaccins et traitements. Selon Oxfam, la crise a fait émerger 40 nouveaux milliardaires dans le secteur. Pire encore, ces industriels sont épargnés les taxes sur les superprofits. Dans ce climat de défiance, mais aussi au moment où la France traverse des pénuries - souvent du fait des délocalisations et de choix économiques des grands groupes - nommer pour numéro 2, un homme avec autant de liens, semble être un choix douteux. Il lui demande si le Gouvernement est à ce point accro à l'industrie pharmaceutique, pour ne pas réussir à prendre un numéro 2 de la santé plus indépendant.
La notion de liens d'intérêt s'entend ici comme les liens légalement entretenus entre les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé et le directeur général de la santé alors qu'il exerçait la médecine. Ce type de relation est réglementé par le dispositif Encadrement des avantages géré par la direction générale de l'offre de soins qui interdit par principe tout lien entre les industriels et les professionnels de santé (conflits d'intérêt) et en autorisent certains à titre dérogatoire (liens d'intérêt) qui doivent ensuite être déclarés par les entreprises sur Transparence-Santé. Au 12 juin 2023, la base Transparence-Santé répertorie 117 déclarations publiées faites au bénéfice de Monsieur Christian Rabaud avec la profession de médecin renseignée. Ces déclarations se répartissent comme suit : - 31 conventions pour un montant cumulé de 9 837€ ; - 21 rémunérations pour un montant cumulé de 17 241€ ; - et 65 avantages pour un montant cumulé de 11 033€. Le total cumulé pour rémunérations et les avantages publiés en base est de 28 274€. Les montants de conventions sont exclus car il s'agit de ceux inscrits dans les contrats, alors que les montants des rémunérations et des avantages sont ceux effectivement versés par les entreprises déclarantes. Le chiffre de 83 000€ de liens déclarés par les industriels pour Christian Rabaud ne se retrouve pas ici. En revanche, la base Transparence-Santé répertorie sur la période 2012-2022 460 déclarations publiées et dé-publiées au bénéfice de Monsieur Christian Rabaud avec la profession de médecin renseignée. Ces déclarations se répartissent comme suit : - 152 conventions pour un montant cumulé de 17 212€ ; - 44 rémunérations pour un montant cumulé de 36 846€ ; - et 264 avantages pour un montant cumulé de 55 698€. Le total cumulé pour rémunérations et les avantages publiés en base est de 92 544€. En prenant les déclarations publiées et dé-publiées au bénéfice de Monsieur Rabaud, il y a bien une proximité en termes de montants de liens d'intérêt et de rémunérations entre les chiffres allégués par le député et ceux contenus dans la base Transparence-Santé. Il est à noter que seules les déclarations publiées sur le site grand public peuvent être consultées et réutilisées. Les déclarations dé-publiées ne sont visibles que par les services du ministère. La provenance des chiffres avancés par le député interroge donc.
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