M. Nicolas Ray appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les conditions d'exercice des infirmiers libéraux. Ces professionnels de santé assurent des missions essentielles au cœur des territoires. Ils permettent un suivi médical régulier de nombreux patients. Les plus de 120 000 infirmiers libéraux que compte le pays rendent ainsi possible le maintien ou le retour à domicile des personnes âgées et des personnes souffrantes. Ils entretiennent un lien privilégié entre les médecins, les patients, leurs familles et les officines de pharmacies. Ce rôle, qui ne se limite pas à soigner, mais à faire de la prévention, coordonner les soins, ou encore rassurer les familles, mérite d'être reconnu à sa juste valeur. Or depuis le début de l'année, la contestation gagne du terrain parmi ces professionnels qui demandent à ce que leur profession soit revalorisée. En effet, depuis 14 ans, le barème de rémunération de leurs honoraires n'a pas évolué, alors que l'inflation et le coût de la vie ont fortement augmenté ces derniers mois. La dernière revalorisation des actes médicaux infirmiers (AMI) date ainsi du 15 avril 2009. De plus, l'approbation le 29 mars 2016 de l'avenant n° 6 rénovant le cadre conventionnel des infirmiers libéraux en application de l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale prévoit une rémunération non plus à l'acte mais par le biais du bilan de soins infirmiers (BSI), soit un forfait quotidien déterminé selon le profil du patient dépendant. Ce nouveau mode de facturation mis en place à partir de janvier 2020 et dont la généralisation complète est prévue cette année soulève de nombreuses inquiétudes de la part de ces professionnels de santé. Ils craignent en effet que ce mode de rémunération ne prenne pas suffisamment en compte la réalité de leurs actes et des contraintes liées à la nature des soins obligeant parfois le soignant à réaliser plusieurs passages chez le patient. D'autre part, pour les infirmiers libéraux et notamment ceux qui exercent dans des territoires ruraux, le plafonnement des indemnités kilométriques fait peser une charge de plus en plus lourde sur leurs activités. Une hausse de 4 centimes par patient et de 1 centime par kilomètre a certes été concédée en décembre 2022, mais elle ne permet pas de couvrir la très forte augmentation des prix du carburant que l'on a connue. Cette situation est critique pour les infirmiers dont la tournée est très étendue. Enfin, la mise en place d'un indu fixé de façon forfaitaire par extrapolation en application de l'article 102 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 suscite de nombreuses inquiétudes. En permettant à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de réclamer des indus sur la totalité de l'activité des soignants libéraux et pas seulement sur les anomalies relevées lors des contrôles, cette méthode de présomption de fraude porte ainsi préjudice à l'honneur professionnel des infirmiers libéraux. Si on doit intensifier les efforts de lutte contre la fraude à la sécurité sociale, l'extrapolation des indus à la totalité de l'activité des infirmiers pourrait atteindre des montants bien supérieurs à la réalité des actes effectivement surfacturés. Bien que la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) indique, pour le moment, qu'aucun remboursement d'indus calculés selon ces nouvelles modalités d'extrapolation n'a été réclamé à des infirmiers libéraux, M. le député souhaite s'assurer que les instructions à venir sur la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure permettront de garantir un principe de justice dans les réclamations. Pour toutes ces raisons, il est urgent de renforcer l'attractivité de l'exercice libéral de la profession d'infirmier car ces professionnels sont essentiels au bon fonctionnement du système de santé français. Les réponses de M. le ministre lors des questions au Gouvernement du mardi 2 mai 2023 ont été décevantes pour toute cette profession. C'est pourquoi il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour revaloriser les conditions d'exercice des infirmiers libéraux, afin de leur permettre une rémunération décente et une meilleure considération.
Les infirmiers jouent effectivement un rôle essentiel dans notre système de soins notamment auprès des populations fragiles comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Afin de valoriser ce rôle, l'avenant n° 6 signé en 2019 prévoit de nombreuses mesures de revalorisation des missions des infirmiers, dont la création du bilan de soins infirmiers (BSI). Le bilan de soins infirmiers permet une prise en charge forfaitaire des patients dépendants dans l'objectif d'améliorer la qualité des soins. Trois montants forfaitaires sont prévus en fonction de l'état de dépendance du patient (13 euros, 18,2 euros et 28,7 euros). Cet outil a rapidement été intégré dans la pratique des infirmiers et a connu un engouement important. De fait, un nouvel accord financier a été conclu avec l'Assurance maladie : l'avenant n° 8 signé en novembre 2021 a permis un doublement de l'investissement sur le BSI sur la période 2020 à 2024 avec un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions prévus dans l'avenant n° 6. Concernant les indemnités kilométriques, l'Assurance maladie a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter les modalités de facturation en fonction des spécificités locales notamment en termes d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, annexé à l'avenant n° 8 signé le 9 novembre 2021, prévoyant la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. Le ministère de la santé et de la prévention a demandé fin mai 2023 à l'Assurance maladie d'ouvrir des négociations rapides et ciblées avec les infirmiers accompagnant des revalorisations portant sur des actes du quotidien. Celles-ci ont abouti le 16 juin 2023 à la signature d'un accord qui revalorise la prise en charge des patients à domicile. Ce texte acte des revalorisations importantes concernant l'activité des infirmières et infirmiers libéraux intervenant au domicile des patients : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement ; généralisation, à partir d'octobre 2023, du déploiement du bilan de soins infirmiers (BSI) pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit ainsi de la dernière étape du déploiement du BSI, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile et reconnaît le rôle essentiel des infirmiers libéraux dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Par ailleurs, en tant qu'acteurs majeurs de l'organisation des soins sur le territoire en raison de leur effectif et de leur polyvalence d'exercice, les infirmiers représentent un groupe professionnel sur lequel le ministère chargé de la santé souhaite s'appuyer pour poursuivre les transformations du système de santé en profondeur. La question de l'exercice et des compétences est ainsi centrale dans l'attractivité et la reconnaissance du métier. Si l'évolution de la profession infirmière a fait l'objet d'un parcours long et progressif de reconnaissance, c'est bien la pratique infirmière et sa construction juridique qui sont à reconsidérer pour lui apporter l'agilité indispensable au contexte sanitaire mouvant et exigeant actuel. C'est dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé le 26 mai 2023 la refonte du métier infirmier en 3 axes : les compétences : les activités réalisées par les infirmiers et les infirmières étant de plus en plus techniques et diversifiées et les prises en charge de plus en plus complexes, il est désormais nécessaire de passer d'un encadrement strict des actes autorisés à une approche plus agile par grandes missions ; la formation : pour répondre aux besoins de santé de la population, renforcer des disciplines peu enseignées alors qu'essentielles (comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie) et aux aspirations légitimes de la communauté étudiante, il est nécessaire de repenser les cursus de formation pour les adapter aux besoins locaux, attirer toujours plus de jeunes et renforcer leur accompagnement jusqu'au diplôme ; les carrières : parce que le métier d'infirmier est un métier d'avenir, il nous faut rénover et renforcer les collectifs de travail au sein desquels ils exerceront des compétences élargies, en équipe, et verront leurs expertises reconnues dans une perspective de progression et d'évolution professionnelle.
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