M. Antoine Léaument interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le coût pour les finances publiques des opérations de police et de gendarmerie effectuées dans le cadre de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites. Depuis le 19 janvier 2023, les mobilisations populaires contre la réforme des retraites d'Emmanuel Macron s'enchaînent. Journées de grève, marches à l'appel de l'intersyndicale, manifestations spontanées, casserolades : le peuple français utilise tous les moyens à sa disposition pour dire son opposition au coup de force antidémocratique du Président de la République. Ces mobilisations sont assorties d'une sur-mobilisation des personnels de police et de gendarmerie. Compte tenu des consignes qui sont celle sde M. le ministre, cette sur-mobilisation s'accompagne d'un emploi massif de matériel répressif : LBD, grenades lacrymogènes, grenades de désencerclement, ces armes sont abondamment utilisées. Par ailleurs, le déploiement des personnels de police et de gendarmerie sur l'ensemble du territoire national exige l'utilisation de véhicules nombreux et consommateurs de carburant. L'ensemble de ces opérations de maintien d'un « ordre » qui n'a désormais plus rien de démocratique a un coût. M. le député demande à M. le ministre s'il est possible d’évaluer le coût des opérations de police et de gendarmerie effectuées dans le cadre des mobilisations contre la réforme des retraites survenues entre le 19 janvier et le 1er mai 2023. Il l’invite en particulier à détailler le coût de la sur-mobilisation des personnels : heures supplémentaires, congés annulés,gènes, grenades de désencerclement et de l'achat de carburant associé à l'utilisation des véhicules. Par ailleurs, il lui demande de chiffrer le coût total de la seule opération de gendarmerie lors de la mobilisation contre les méga-bassines du 25 mars 2023 à Sainte-Soline ; il espère qu'il pourra apporter à ces questions une réponse précise et chiffrée afin d'éclairer, à l'avenir, le débat public sur les opérations de police et de gendarmerie dans le pays, comme l'exigent les articles 12, 13, 14 et 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Corollaire de la liberté d'expression, la liberté de manifestation est un droit fondamental reconnu dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, également garantie par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les services d'ordre mis en place par les forces de sécurité intérieure de l'État ont pour but d'assurer la sécurité des biens et des personnes et donc le libre exercice de ce droit. Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer a ainsi adopté en septembre 2020, au terme d'une concertation avec des représentants de la société civile, un nouveau schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), avec pour objectif de toujours mieux garantir la liberté fondamentale de manifester, dans le respect des lois et de l'ordre public, mais également de renforcer les conditions de la légitimité de l'action de l'État par davantage de communication, de transparence et d'efforts de prévention des tensions. La nouvelle version de ce SNMO, adopté en décembre 2021, est conforme aux exigences formulées par le Conseil d'État. Il constitue donc un cadre rénové, destiné à offrir des garanties supplémentaires pour le bon déroulement des opérations de maintien de l'ordre. Il s'articule autour de 12 objectifs mis en œuvre au sein des forces de sécurité intérieure : Développer l'information des organisateurs et des manifestants en amont et pendant les manifestations, avec la mise en place d'une manœuvre encadrante "liaison-information" (ELI-G) ; Reconnaître la place particulière des journalistes au sein des manifestations ; Mieux intégrer les unités hors Unité de Force Mobile dans les opérations de maintien de l'ordre ; Rendre plus transparente l'action des forces, par le port de l'uniforme avec une mention de l'unité bien visible ; Moderniser les sommations afin de les rendre plus explicites auprès des manifestants ; Renouveler les moyens de dialogue avec le public pour l'informer avant et pendant la manifestation, y compris en s'appuyant sur les réseaux sociaux ; Mettre un terme aux exactions par une réactivité et une mobilité accrues, en recourant notamment à des unités spécialement constituées disposant de capacités de mobilité élevées ; Cadrer les techniques d'encerclement ; Mieux intégrer le dispositif judiciaire, sous l'autorité du procureur de la République, pour améliorer le traitement judiciaire des auteurs de violences ; Confirmer l'intérêt de l'emploi des moyens et armes de force intermédiaire (AFI) au MO et adapter leur emploi : abandon de la grenade GLI-F4 au profit de la GM2L qui ne contient pas d'explosif ; remplacement du modèle de grenade à main de désencerclement (GMD) par un modèle récent moins vulnérant ; hors le cas de la légitime défense, mise en place d'un superviseur auprès des tireurs LBD lors des opérations de MO. Mettre en place un travail continu de solutions moins vulnérantes pour les AFI utilisées au MO ; Mettre en place auprès de chaque préfet un référent chargé de l'appui aux victimes (réparation des dommages subis par des tiers n'ayant pas pris part aux affrontements avec les forces de sécurité de l'État). Dans le cadre de ce schéma, les dispositifs d'ordre public déployés visent prioritairement à garantir les conditions de sécurité nécessaires à l'exercice effectif du droit de manifester pacifiquement. L'emploi de la force doit répondre à l'équilibre nécessaire entre la liberté de manifester et la prévention des troubles à l'ordre public. S'agissant de l'opération menée à Sainte-Soline du 24 au 26 mars, il est difficile de chiffrer de manière exhaustive le coût total de cette manifestation. L'engagement de près de 3 000 gendarmes (gendarmes mobiles, départementaux et unités d'intervention) au titre du dispositif de protection mis en place pour protéger « les réserves de substitution » a engendré des dépenses de fonctionnement (les frais de déplacement et d'alimentation des gendarmes, ainsi que la consommation de munitions de maintien de l'ordre…) s'élevant à 3,4 M€. Les dégâts liés à la destruction par incendie de deux véhicules de maintien de l'ordre de type Irisbus, de deux véhicules légers Peugeot Partner ainsi que la dégradation de différents équipements individuels consécutive aux actes de violences ont été évalués à 0,35 M€. Ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts induits liés aux soins nécessaires et à l'indisponibilité des 47 militaires de la gendarmerie blessés au cours de cette opération de maintien de l'ordre. Au-delà, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer ne comptabilise par le « coût des opérations de police et de gendarmerie effectuées dans le cadre des mobilisations contre la réforme des retraites ». Un tel coût serait d'ailleurs particulièrement complexe à établir. Il conviendrait en effet de déterminer le temps mobilisé en amont des manifestations (gestion des déclarations par les préfectures, échanges avec les organisateurs, préparation des service d'ordre, mise en œuvre de mesures par les villes, etc.), le temps et les moyens mobilisés durant les manifestations, tant par les services de l'État que par les collectivités territoriales, mais également le travail qui se poursuit après les manifestations (nettoyage de la voirie, éventuels recours de plein contentieux, etc.). Il peut aussi être noté que les collectivités territoriales, et en premier lieu les communes, sont les principales concernées par la gestion financière des débordements et de leurs impacts (dégradations d'équipements et de mobiliers urbains, modification du calendrier de certaines missions de services public et de travaux, etc.).
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.