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Thomas Portes
Question N° 8043 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 16 mai 2023

M. Thomas Portes interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'action de la préfecture de Paris à l'encontre de l'extrême-droite et les circonstances de l'assassinat de Federico Martin Aramburu. M. Laurent Nuñez affirmait récemment que les services de la préfecture de Paris surveillent « la mouvance d'ultra droite de très près ». Ces propos interpellent, dans la mesure où la préfecture a autorisé une manifestation qui s'est tenue le 6 mai 2023, à l'appel du « Comité du 9 mai » et au cours de laquelle de nombreux participants ont défilé en portant un masque ou une cagoule noire et des drapeaux arborant la croix celtique, symbole suprémaciste blanc. Cette autorisation interroge d'autant plus, lorsque l'on sait que l'arrêté permettant la captation d'images par drones mentionnait expressément « des risques sérieux que l'appel à commémorer le 29e anniversaire de la mort du militant Sébastien Deyzieu suscite des réactions violentes d'opposants antifascistes souhaitant en découdre avec les manifestants ; [...] des troubles à l'ordre public [qui] sont de nature également à éclater en marge du cortège avec les forces de l'ordre et des journalistes ». Par ailleurs, cette autorisation a provoqué l'indignation lorsque l'on sait qu'au même moment, la préfecture de Paris a interdit tout rassemblement pour la cérémonie du 8 mai à l'Arc de Triomphe. Ce n'est pas la première fois que l'action, ou l'inaction, de la préfecture de Paris à l'encontre de l'extrême-droite suscite l'inquiétude. En effet, le 19 mars 2022, l'ancien joueur international de rugby argentin Federico Martin Aramburu a été assassiné en plein centre de Paris et le principal suspect est Loïk Le Priol, un ancien militaire et membre du mouvement d'ultra droite Groupe union défense (GUD). Ce dernier était déjà connu par la justice et les services de police puisqu'il avait été condamné à deux reprises pour violences volontaires en réunion. Cet ancien commando marine avait alors fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, avant d'être interpellé en mars 2022 en Hongrie, au poste-frontière de Zahony alors qu'il s'apprêtait à se rendre en Ukraine. Comment expliquer qu'il se retrouve inculpé pour « meurtre et détention d'armes » alors qu'il était déjà connu pour sa violence et son ancrage à l'ultra-droite qui lui valait d'être « fiché S » par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ? À l'heure où les violences d'extrême-droite ne cessent de se multiplier, il lui demande d'expliquer les positions de la préfecture de Paris et l'action de cette dernière à l'encontre de l'extrême-droite.

Réponse émise le 15 août 2023

Le 6 mai 2023, le « Comité du 9 mai » a organisé une manifestation ayant pour objet « Marche silencieuse en hommage à Sébastien Deyzieu ». Cette manifestation, qui se tient chaque année, a fait l'objet, comme les années précédentes, d'une déclaration déposée en préfecture le 7 mars 2023, dans le respect des obligations de l'article L. 211-1 du Code de sécurité intérieure. Rappelons que le droit de manifester s'exerce en France dans le cadre d'un régime de déclaration préalable, et non d'autorisation. Le représentant de l'Etat peut, par arrêté, interdire une manifestation en justifiant un risque de troubles à l'ordre public que les forces de sécurité mises à sa disposition ne permettraient pas de prévenir. En l'espèce, les précédentes occurrences de la manifestation du 6 mai 2023 n'avaient occasionné aucun débordement ni troubles, de sorte que le préfet de police ne pouvait démontrer l'existence d'un tel risque et, partant, motiver un arrêté d'interdiction. Le juge administratif exerce un contrôle strict du respect de la proportionnalité et de la nécessité des mesures d'interdiction de manifestation prises par le représentant de l'Etat. A titre d'illustration, l'arrêté pris par le préfet de police le 4 janvier 2023 portant interdiction de la « Marche aux flambeaux en hommage à Sainte-Geneviève » avait été suspendu par le juge, au motif que les antécédents argués de troubles en marge des rassemblements organisés par ce même collectif les années précédentes « ne permettaient pas à eux seuls d'établir un risque de trouble à l'ordre public suffisant pour justifier l'interdiction de manifester, quand bien même diverses organisations et groupuscules de la mouvance identitaire (…) seraient susceptibles de participer à cette manifestation.  ». Lors de la manifestation du 6 mai 2023, des individus radicaux ont néanmoins défilé masqués ou cagoulés, dissimulant leur visage en violation des lois et règlements, conduisant le préfet de police à saisir la procureure de la République de Paris, au titre de l'article 40 du Code de procédure pénale.  Le 10 mai dernier, tenant compte des événements précités, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a demandé aux préfets d'interdire les manifestations et rassemblements à l'initiative d'individus évoluant dans la sphère d'ultra-droite, appelant à la haine ou à l'action violente. En application de ces instructions, le préfet de police a, dès le weekend suivant, interdit cinq manifestations et rassemblements. Trois des arrêtés d'interdiction ont suscité un recours devant le tribunal administratif, dont deux ont donné lieu à leur suspension, démontrant là encore le strict contrôle exercé par le juge administratif. S'agissant des faits du 19 mars 2022 au cours desquels le joueur de rugby argentin Federico MARTIN ARAMBURU a été tué à Paris, ils font actuellement l'objet d'une information judiciaire sous l'autorité du parquet, qu'il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur et des Outre-mer de commenter. En tout état de cause, la préfecture de police, par l'action de sa Direction du renseignement (DRPP), est activement impliquée dans la lutte contre les extrémismes violents et la prévention du terrorisme lié aux mouvances ultra, au côté des autres services de la communauté française du renseignement dont elle fait pleinement partie. Depuis 2017, une dizaine d'attentats portés par des groupuscules ou des individus issus de ces mouvances, essentiellement d'ultra-droite, ont ainsi été déjoués. La Direction du renseignement de la préfecture de police est également pleinement engagée dans la lutte contre les subversions violentes, notamment d'ultra-droite, sa mobilisation ayant permis, par exemple, la dissolution par décret pris en conseil des ministres du 5 janvier 2022 du groupement de fait ultranationaliste violent « Les Zouaves Paris  ».

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