Mme Géraldine Grangier alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, au sujet des aides de l'État à destination des secteurs considérés comme exposés à un risque réel de fuite de carbone en raison des coûts des émissions indirectes. À l'origine, la directive n° 2003/87/CE complétée par la décision n° 2011/278/UE de la Commission européenne avait pour but d'allouer transitoirement des quotas à titre gratuit aux installations des secteurs et sous-secteurs exposés à un risque de fuites carbone. Le but étant de préserver l'avantage environnemental des réductions d'émissions dans l'Union alors que les mesures prises par des pays tiers n'incitent pas de manière comparable les entreprises à réduire leurs émissions. Le secteur d'activité de la production de fonte d'acier, à l'origine intégré dans cette liste, n'a pas été traduit en code NACE alors que la sidérurgie et les autres secteurs de la transformation des métaux y apparaissent. En effet, le secteur de la fonderie de fonte apparaît comme secteur exposé à un risque réel de fuite de carbone en raison des coûts des émissions indirectes, contrairement au secteur de la fonderie d'acier, alors même que les procédés et donc les expositions au risque de fuite de carbone sont identiques. Cet oubli, déjà préjudiciable pour le gaz, pénalise encore davantage ce secteur en s'étendant à l'électricité mais aussi aux aides récentes de l'État pour les ETI en raison de l'envolée des prix de l'énergie, créant ainsi une concurrence déloyale à la fois avec les fonderies de fonte sur certains produits. Les trois fonderies françaises Safe Metal, dont deux sont dans le Doubs et qui emploient environ 600 personnes, ne peuvent donc bénéficier de ces aides alors même qu'elles sont soumises à la concurrence internationale. Aussi, elle lui demande si le secteur de la fonderie d'acier française sera intégré à la liste des secteurs exposés à un risque réel de fuite de carbone et si une circulaire sera établie permettant le recouvrement de ces sommes avec rétroactivité dans un but d'égalité et de justice, afin que l'avenir de ce secteur primordial à l'industrie française soit maintenu.
Le secteur de fonderie d'acier (code NACE 2452) n'est effectivement plus sur la liste des secteurs à risque de fuites de carbone depuis 2021. Il avait été inclus dans cette liste en 2013 et maintenu dans sa mise à jour pour 2015-2020 sur la base de critères qualitatifs. Le critère d'intensité de risque de fuite de carbone pour ce secteur, à 0,02 (4% d'intensité du commerce international multiplié par 0,4 kgCO2/€ de valeur ajoutée VA), est très éloigné du seuil de 0,2 qui aurait rendu son inclusion dans la liste automatique, mais aussi de 0,15 qui aurait permis de faire une demande d'inclusion basé sur des critères qualitatifs (critères et seuils ayant été définis lors de la réforme du marché ETS précédente, en 2018, pour la période 2021-2030, et non modifiés par la réforme Fit for 55). De même, les secteurs éligibles à la compensation des coûts indirects des prix du CO2 prévue par la communication 2020/C 317/04 de la Commission européenne doivent également présenter un critère d'intensité de risque de fuite de carbone en raison des émissions indirectes supérieur à 0,2, alors qu'il n'est que de 0,017 pour le secteur de la fonderie d'acier. A titre de comparaison, le critère d'intensité de risque de fuite de carbone pour le secteur de la fonderie de fonte (code NACE 2451) est à 0,49 (41% d'intensité du commerce international multiplié par 1,19 kgCO2/€VA), et à 0,295 pour les émissions indirectes. Le marché carbone européen EU ETS a été récemment révisé dans le cadre du paquet « Fit for 55 », grâce notamment au travail de la Présidence Française du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. Cette révision implique en particulier un objectif 2030 à -62% de réductions d'émission (contre -43% précédemment), l'inclusion du transport maritime, et la baisse progressive des quotas gratuits pour les secteurs soumis au Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF). Les critères déterminant si un secteur est à risque de fuites de carbone n'ont en pas été modifiés, ce qui implique que la liste des secteurs à risque de fuites de carbone ne sera pas amendée suite à la réforme et ne pourra pas réintégrer le secteur de la fonderie d'acier. En revanche, les marchandises de fonte relèveront du MACF (code NC 72 sauf quelques ferro-alliages ; et codes NC 73 pour des produits de l'aval comme les tubes en fonte) qui entrera pleinement en vigueur en 2026 après une période de transition. Cela signifiera que les marchandises en fonte entrant dans l'UE seront soumises à un prix du carbone équivalent à celui payé par les producteurs européens. Ce mécanisme montera progressivement en puissance avec l'extinction progressive des quotas gratuits, et permettra une protection contre les fuites de carbone plus efficace. S'agissant de la TICGN, les entreprises qui exercent dans ces secteurs peuvent certes bénéficier d'un taux réduit de TICGN, mais toute entreprise qui est soumise au système ETS peut bénéficier de taux réduits de TICGN même si elle n'est pas soumise à la concurrence internationale (art. L312-75 du CIBS). Le taux réduit applicable pour une entreprise qui n'est pas exposée à la concurrence internationale mais qui est soumise à l'ETS est plus avantageux (1,52 €/MWh), que pour une entreprise qui est exposée à la concurrence internationale mais qui n'est pas soumise à l'ETS (1,60 €/MWh). De plus, les services de l'Etat sont pleinement mobilisés pour soutenir le tissu industriel français et préserver sa compétitivité. Ainsi, des dispositifs ont été mis en place afin de soutenir les entreprises sur les surcoûts liés à l'énergie auxquels peuvent prétendre les fonderies d'acier. L'aide gaz électricité mise en place par le décret °2022-967 du 1er juillet 2022 permet de compenser la hausse des coûts d'approvisionnement de gaz naturel pour les entreprises grandes consommatrices d'énergie. Elle présente plusieurs volets. Les secteurs qui exercent leur activité principale dans un secteur à risque de fuite de carbone peuvent bénéficier, dans le cadre de ce dispositif, d'une aide d'une intensité de 80% des coûts éligibles, et plafonnés à 150 M€ au niveau du groupe. Pour les autres, l'intensité de l'aide est de 65% des coûts éligibles et le plafond est de 50 M€ au niveau du groupe. Dans un cas comme dans l'autre, les entreprises prétendant à ces deux volets de l'aide doivent justifier d'une baisse d'EBIDTA par rapport à 2021 ou d'un EBIDTA négatif. Sinon, les entreprises qui ne remplissent pas au moins l'une de ces deux conditions peuvent demander l'aide plafonnée à 4M€, d'une intensité de 50%, indépendamment de la catégorie d'activité de l'entreprise. Ces critères sont fixés par la Commission et ne sont spécifiques à la France.
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