Mme Sophie Panonacle interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les sanctions applicables à un maire, qui n'exercerait pas les missions qui lui sont dévolues pour tenir la liste électorale en application de l'article L 18 du code électoral et la communiquer en application de l'article L 37 du même code. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1 er août 2016, qui a instauré le répertoire électoral unique tenu par l'INSEE, c'est au maire et non plus à une commission de contrôle qu'il incombe de statuer sur les demandes d'inscription. Or il apparaît que certains maires refusent de faire droit aux demandes de communication à laquelle a droit tout électeur même n'appartenant pas à la commune (CADA 27 juillet 2006, commune de Vulbens) ou de fournir une liste actualisée (CE n° 449863 du 9 novembre 2022, Lebon p. 365). Il arrive aussi que les commissions, qui doivent « également » s'assurer de la régularité de la liste, n'en disposent pas au moment où elles statuent. Aussi et surtout, il est possible ( V Rambaud Ajda 2019 p. 2265) que le maire n'exerce pas de manière totalement impartiale ses compétences, en inscrivant des personnes supposées favorables et en excluant des électeurs supposés hostiles. Alors qu'il est désormais jugé qu'il agit seulement en tant qu'agent de l'État (CE n° 465736 du 27 mars 2023), elle lui demande s'il ne convient pas de faire obstacle, autrement que par la mise en œuvre très incertaine d'une manœuvre devant le juge de l'élection, à de telles pratiques.
Le maire dispose de compétences, strictement encadrées par la loi, en matière d'inscription et de radiation des électeurs sur les listes électorales. En premier lieu, s'agissant des inscriptions, le maire détient le pouvoir de statuer sur les demandes d'inscription sur les listes électorales conformément à l'article L. 18 du Code électoral. Il doit, à ce titre, vérifier si la demande de l'électeur répond aux conditions prévues par les dispositions du même code et prendre une décision dans un délai de cinq jours à compter du dépôt de la demande d'inscription. En cas de refus d'inscription, l'électeur peut effectuer un recours administratif auprès de la commission de contrôle, composée de plusieurs membres selon la population de la commune conformément aux dispositions de l'article L. 19 du Code électoral. La commission de contrôle peut procéder directement « à l'inscription ou à la radiation d'un électeur omis ou indûment inscrit ». Sa décision « est notifiée dans un délai de deux jours à l'électeur intéressé, au maire et à l'Institut national de la statistique et des études économiques. » L'électeur peut également effectuer une nouvelle demande d'inscription sur les listes électorales. Dans ce cadre, le maire doit prendre une décision expresse dans un délai de cinq jours à compter du dépôt de la demande d'inscription sur les listes électorales, tel que le prévoit l'article L. 18 du Code électoral. En deuxième lieu, s'agissant des radiations, le maire est dans l'obligation de radier, à l'issue d'une procédure contradictoire, les électeurs qui ne remplissent plus les conditions d'attache communale permettant de demeurer inscrits sur la liste électorale de la commune, qu'il s'agisse d'une liste électorale principale ou d'une liste électorale complémentaire. La circulaire INTA18301120J du 21 novembre 2018 relative à la tenue des listes électorales expose de manière détaillée les règles et la procédure à suivre pour les radiations pour perte d'attache communale. Ainsi, si le maire envisage de radier un électeur, il doit respecter une procédure rigoureuse, en notifiant à l'intéressé un avis précisant les motifs pour lesquels il envisage de prendre une décision de radiation. Les radiations sont examinées par la commission de contrôle qui peut, le cas échéant, décider de réinscrire un électeur radié à tort. En cas de contestation de leur radiation, les électeurs disposent de voies de recours administratifs puis contentieux dans les conditions prévues aux articles L. 18 et L. 20 du code électoral, le juge étant un garant essentiel du respect des libertés fondamentales des citoyens. En troisième lieu, s'agissant de la communication des listes électorales, l'article L. 37 du même code prévoit que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture. » Le Conseil d'État, dans une décision du 9 novembre 2022 (no 449863), a estimé que, dès lors que la liste électorale de la commune présente un caractère permanent et est extraite d'un répertoire électoral unique (REU) et permanent, les électeurs qui sollicitent de l'administration la communication d'une ou plusieurs listes électorales sur le fondement de l'article L. 37 du Code électoral sont en droit d'obtenir une liste électorale à jour de la date à laquelle l'administration leur répond, sous réserve qu'ils s'engagent à ne pas en faire un usage commercial. Au regard de cette jurisprudence, les listes électorales actualisées en temps réel doivent être rendues accessibles à l'ensemble des électeurs. Il appartient aux mairies et aux préfectures de répondre à leurs demandes, quel que soit le lieu dans lequel ils sont inscrits. En cas de carence de l'administration, les électeurs disposent de la possibilité de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), préalablement à tout recours contentieux (article L. 342-1 du Code des relations entre le public et l'administration), afin que leur soient transmis les documents litigieux et les motifs d'un refus. Enfin, le maire est tenu, au titre des articles L. 16 et L. 18 du même code, de transmettre à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) l'ensemble des informations à entrer dans le REU aux fins de gestion du processus électoral. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de sanction pénale à son encontre s'il omet de publier la liste électorale à la suite de la réunion de la commission de contrôle ou de transmettre les informations précitées à l'Insee, à charge pour les électeurs potentiellement lésés d'exercer leur droit au recours devant le juge. Toutefois, les manquements du maire aux fonctions qui lui sont dévolues par la loi en qualité d'agent de l'État peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires dans les conditions précisées à l'article L. 2122 16 du Code général des collectivités territoriales et sous réserve, le cas échéant, du contrôle du juge. S'agissant des sanctions pénales applicables au maire dans les autres cas évoqués, l'article L. 113 du Code électoral prévoit que « le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d'électeurs sur la liste électorale » est puni d'une amende de 15 000 euros et d'un emprisonnement d'un an ou de l'une de ces deux peines seulement. La peine est portée au double « si le coupable est fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, agent ou préposé du Gouvernement ou d'une administration publique, ou chargé d'un ministère de service public ou président d'un bureau de vote ». En tout état de cause, selon les dernières données de l'Insee établies à l'occasion de la préparation de l'élection présidentielle 2022 (publication Insee-Focus 264 du 24 mars 2022), entre mai 2021 et mars 2022, 226 962 électeurs ont été radiés à l'initiative des communes en application du code électoral et notamment de son article L. 18, le REU comptant à date 48,8 millions d'électeurs. Selon l'Insee, (« Processus de radiation des listes électorales », 20 avril 2022), 3 160 décisions de justice ont ordonné une ré-inscription à la suite d'une radiation des listes électorales pour l'élection présidentielle. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement n'envisage pas, à ce stade, de modifier la législation en vigueur.
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