M. Philippe Juvin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la concurrence déloyale des ventes en ligne et particulièrement des vendeurs effectuant des remises importantes, vis-à-vis du commerce de proximité. Un exemple est plus parlant qu'une longue démonstration. Un pull d'une marque britannique est vendu en magasin de commerce de proximité à 78,90 euros. Ce pull a été acheté par le commerçant à 30,30 euros. De façon surprenante, si l'on trouve le pull en vente sur le site du fabricant à 80 euros, ne causant donc pas de concurrence déloyale, on le trouve à 29,99 euros sur un site (Veepee) de vente de marques en grande masse. Les commerçants de centre-ville ne peuvent donc pas lutter contre la concurrence déloyale, non pas de tout le commerce en ligne en général, mais des commerces en ligne qui cassent les prix et qui sont de plus en plus nombreux. À cet effet, M. le député souhaiterait connaître les éléments que M. le ministre pourrait envisager de mettre en œuvre. Une piste serait de mettre en place une taxe sur les sites marchands, mais elle aurait pour effet d'accélérer l'inflation et de diminuer le pouvoir d'achat des Français. Une seconde piste, plus vertueuse, consisterait à diminuer les taxes qui pèsent sur le commerce de proximité (TVA, CVAE, taxe d'apprentissage) afin de combler tout ou partie de la différence de prix entre le prix en commerce de proximité et le prix sur les sites marchands qualifiés de « prédateurs », qui, souvent, ne payent pas les mêmes impôts que les commerçants traditionnels. En l'absence d'une véritable stratégie nationale, le risque est de voir disparaître purement et simplement les commerces de proximité déjà affectés par l'inflation, les hausses du coût de l'énergie et la frilosité des consommateurs dans une période de crise. Il souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Le Gouvernement, conscient des enjeux liés à la protection des commerçants de centre-ville, a fortiori dans un contexte économique notamment marqué par l'inflation, a renforcé les dispositifs d'accompagnement ciblés visant à préserver notre économie de proximité. Dès décembre 2021, les Assises du commerce ont été l'occasion d'établir un diagnostic précis et à préfigurer un plan d'action. Le Conseil national du commerce, instauré en avril 2023, est depuis chargé de travailler à l'élaboration de mesures et propositions concrètes en faveur de ce secteur. La mise en place d'une taxe sur les sites marchands ne paraît pas être une mesure adaptée au soutien à l'économie de proximité et aurait des effets paradoxalement contraires aux objectifs visés. En effet, elle n'améliorerait pas la situation du commerce physique, présenterait le risque d'être in fine répercutée sur le consommateur final, qui verrait son pouvoir d'achat baisser, et pénaliserait les nombreux commerçants qui pratiquent la vente en ligne en parallèle de leur activité de commerce physique afin de diversifier leurs canaux de vente. Le commerce en ligne et le commerce physique sont en effet deux domaines d'activité liés, et de plus en plus interdépendants, qu'il ne paraît pas opportun d'opposer. L'abaissement du taux de TVA pour le seul commerce physique, qui contreviendrait à l'encadrement strict de l'application des taux réduits par le droit de l'Union européenne (directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, dite « directive TVA »), ne paraît pas davantage opportun. En effet, les États membres n'ont la possibilité de mettre en œuvre un taux réduit de la TVA que pour certains biens et services limitativement énumérés par l'annexe III à cette directive et doivent par ailleurs respecter le principe de neutralité de la TVA, qui s'oppose à ce que soit appliqué à un produit donné un taux de TVA différent selon son mode de production ou de commercialisation. Au-delà de ces contraintes juridiques dirimantes, le coût budgétaire élevé d'une baisse de TVA est à mettre en regard de son effet sur les prix, qui reste très incertain. S'agissant des autres impôts et taxes dont sont redevables les entreprises du secteur du commerce, il convient de rappeler que ce secteur représente, après l'industrie, le deuxième plus important bénéficiaire de la baisse de la CVAE initiée en 2021 (baisse de moitié de son taux) et poursuivie en loi de finances pour 2023 (nouvelle baisse de moitié de son taux), et bénéficiera également de la suppression totale de cette taxe en 2024. Le Gouvernement s'attache par ailleurs à restaurer les conditions nécessaires de concurrence entre commerce en ligne et commerce physique. Ainsi, depuis 2020, la taxe sur les services numériques (TSN), codifiée aux articles 299 et suivants du code général des impôts, permet d'appréhender les nouveaux modèles d'affaires développés dans le sillage de la numérisation de l'économie, en taxant l'activité des places de marché (ou "marketplaces") des plus grandes entreprises du secteur numérique. Cette taxe est due à raison des sommes encaissées par les grandes entreprises du secteur numérique en contrepartie de la fourniture en France des services d'intermédiation numérique.
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