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Ségolène Amiot
Question N° 7906 au Ministère des armées


Question soumise le 16 mai 2023

Mme Ségolène Amiot rappelle à M. le ministre des armées que la France manque de transparence dans la vente d'armes, notamment aux pays soupçonnés de commettre des crimes de guerre. La vente de matériel de guerre par la France est soumise à la délivrance d'une licence d'exportation d'équipements militaires, régie par la position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008. Malheureusement en France, le processus d'évaluation précédant la délivrance de licences d'exportation est totalement confidentiel, tout comme le détail des licences accordées, leurs contenus et leurs dates de délivrance. En raison de cette confidentialité, il est impossible de connaître l'évaluation que font les autorités françaises face au risque que ces armes puissent servir à commettre des violations graves du droit international. Certes, des conditions ou des restrictions peuvent être assorties à la délivrance d'une licence, mais elles restent également confidentielles. Le ministre des armées français doit remettre chaque année au Parlement un rapport annuel sur l'exportation d'armement de la France. Mais ce document ne donne aucune information utile permettant de s'assurer que la France respecte ses engagements internationaux et arrive souvent au parlement avec plusieurs mois de retard. La France a ratifié le Traité sur le commerce des armes classiques (TCA), adopté par les Nations unies en avril 2013. Elle a donc le devoir d'appliquer notamment l'article 3 : « Un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d'armes classiques (...) s'il a connaissance, lors de l'autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ». Selon le dernier rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France pour 2022, la France a livré en 2021 pour près de 780 millions d'euros de matériels de guerre à l'Arabie saoudite et pour près de 230 millions d'euros de matériels de guerre aux Émirats Arabes Unis. Ces deux États étant tous deux en conflit avec le Yémen dont des crimes de guerre auraient été commis selon les Nations unies, il est fort à parier que des armes françaises se soient retrouvées mêlées à cette horreur. Alors que la France est le troisième pays exportateur d'armes au monde et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, comment prouver au parlement, aux citoyens et aux ONG la prise en compte par la France des comportements criminels des États acquéreurs, quand des armes sont toujours vendues malgré les alertes des institutions internationales. Dans ces conditions, Mme la députée demande à M. le ministre , d'une part, de respecter le Parlement en remettant dans les temps le rapport annuel qui lui est destiné et d'autre part, de rajouter des informations à fournir dans le rapport au Parlement : ce qui est vendu (quantités, types de matériels, dates des prises de commande et des livraisons), à qui, pour quelle utilisation finale et avec quelles garanties liées à cette dernière.

Réponse émise le 3 octobre 2023

La politique menée par la France en matière d'exportation d'armement repose sur un principe de prohibition, énoncé à l'article L. 2335-2 du code de la défense, en vertu duquel toute demande d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés est soumise à autorisation ou licence signée par la Première ministre après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). La délivrance de ces licences repose sur un ensemble de considérations liées, d'une part, au respect de la position commune 2008/944/PESC, et, d'autre part, à des critères d'appréciation nationaux comme la protection de nos forces et de celles de nos alliés, ou encore les enjeux de renforcement de notre base industrielle et technologique de défense qui sont une condition nécessaire à notre autonomie stratégique et à notre souveraineté. Dans un souci de transparence à l'égard de la représentation nationale, le Rapport au Parlement sur les exportations d'armement fournit toutes les informations nécessaires à la compréhension du volume et de la nature des flux d'exportations de matériel de guerre français vers les différentes destinations. Outre l'annexe 9 qui indique les montants des livraisons, l'annexe 8 permet d'avoir une vision qualitative par typologie de matériel des autorisations délivrées, et l'annexe 11 donne le détail, pays par pays, des livraisons d'armes par catégorie, en cohérence avec les classifications établies par le Registre des Nations unies et le Traité sur le commerce des armes. En application de la position commune 2008/944/PESC et en particulier du critère n° 2 relatif aux droits de l'Homme, la CIEEMG fait preuve d'une prudence toute particulière en ce qui concerne la délivrance d'autorisations vers les Emirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite, en tenant compte des constatations qui ont pu être faites dans le conflit au Yémen par des organismes compétents des Nations Unies, de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe. Il est également tenu compte du fait que les pays précités ont subi des attaques sur leur propre territoire et peuvent légitimement acquérir des armements pour assurer leur défense, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations unies. S'agissant de la date de publication du rapport, celle-ci peut être ajustée en fonction des circonstances. Ainsi, en 2022, il a été décidé, en accord avec l'Assemblée nationale, de décaler la publication au mois de juillet afin de pouvoir le présenter à la représentation parlementaire issue des élections législatives du mois de juin. Enfin, la loi de programmation militaire pour 2024-2030 a créé une commission parlementaire d'évaluation de la politique du Gouvernement d'exportation de matériels de guerre, qui peut entendre le ministre de la défense, le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de l'économie.

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