M. François Ruffin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour savoir s'il fera tenir sa parole à Orange. Devant la justice, devant les juges-commissaires, Orange vient de se dédire. Orange met en péril la première Scop de France et des milliers d'emplois chez Scopelec. Orange dont l'État, M. le ministre, est le principal actionnaire, à hauteur de 23 %. Cette volte-face réclame, bien sûr, un flashback : depuis cinquante ans, Scopelec, la première coopérative de France, travaille pour les PTT, puis France Télécom, puis Orange. Ses salariés ont posé le cuivre du téléphone, les câbles d'internet, la fibre optique et maintenant la 5G (et le débat n'est pas ici de son utilité). Mais, le 16 novembre 2021, malgré des décennies de partenariat, Orange annonce, d'un coup, sans prévenir, que le contrat sera rompu au 1er avril 2022. Pourquoi ? Pour cause de prix : la firme peut trouver moins cher ailleurs et notamment par des auto-entrepreneurs. Avec cette rupture, brutale, Scopelec est placée en « procédure de sauvegarde ». 3 600 employés, techniciens, sont plongés dans l'incertitude : leur entreprise n'aura même pas les moyens de payer un gigantesque plan social. À quelle sauce seront-ils mangés ? Seront-ils repris par la concurrence ? Avec quel salaire, quelle ancienneté, quels acquis ? Ou devront-ils monter leur micro-entreprise ? Pendant des mois, l'État, c'est-à-dire M. le ministre, ne bouge pas, indifférent. Puis la présidentielle approche, cette affaire remue un peu et l'État, enfin, intervient. Le Ciri, le Comité interministériel de restructuration industrielle, s'en mêle : les dettes de Scopolec et notamment liées au PGE (prêt garanti par l'État), seront apurées. Et Orange s'engage, d'une part, sur 43 millions d'euros de chiffre d'affaires sur les deux prochaines années et d'autre part, sur 20 millions d'euros de cash (correspondant aux dettes contractées auprès des sous-traitants, durant la période de sauvegarde). C'est un ouf de soulagement, au moins temporaire. Mais voilà que, ce 22 juillet 2022, devant les juges-commissaires, Orange reprend sa parole ! Par la voix de Mme Fabienne Dulac, le donneur d'ordre ne garantit plus les 43 millions de chiffres d'affaires. Et n'apporterait plus, au mieux, que 10 millions de cash. Ceci, en prétextant une dégradation de la qualité : c'est une réalité, en effet, mais quelle entreprise, ainsi secouée, en sortirait intacte ? Alors que des collaborateurs et jusqu'au sommet, sont bien sûr partis ? Le compte-rendu de l'audience marque la stupéfaction des parties présentes : « Mme Delphine Maurin, juge-commissaire, invite les représentants d'Orange à apprécier sérieusement les conséquences opérationnelles et financières que génèrerait la conversion des procédures de sauvegarde en redressement judiciaire. Maître Éric Étienne-Martin rejoint ces observations et invite Mme Fabienne Dulac à reconsidérer la proposition initialement formulée tenant notamment en l'obtention de volumes complémentaires pour 40 millions d'euros sur 2022 et 2023, ainsi que sur le soutien financier à hauteur de 20 millions d'euros. Mme Fabienne Dulac confirme que cette proposition n'est plus tenable en l'état ». C'est bien sûr M. le ministre, l'État, premier actionnaire de Orange, qui tranche en dernier ressort : il lui demande s'il contraindra la firme à tenir parole ou s'il les laissera détruire leur sous-traitant.
Le Gouvernement suit ce dossier avec beaucoup d'attention et de vigilance. Ainsi, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est en relation avec la direction de Scopelec et celle d'Orange depuis décembre 2021. Depuis le début, la préoccupation constante a été de réduire autant que possible l'impact social de la non-reconduction d'une partie des contrats liant les deux entreprises. En particulier, l'État était prêt à consentir un abandon de tout le passif public (14M€ de dettes fiscales et sociales et 40M€ de PGE) dans le cadre du plan de continuation porté par Scopelec, ce qui était un effort très significatif. Malheureusement, Scopelec et Orange n'ont pas pu se mettre d'accord sur la partie opérationnelle du plan de continuation, ce qui était un point absolument crucial pour qu'il soit viable. Par conséquent, le tribunal de commerce de Lyon a placé l'entreprise en redressement judiciaire le 26 septembre 2022. Cette procédure va permettre d'élargir les solutions de reprise des activités et des emplois. Les offres de reprises devront être déposées au tribunal avant le 2 novembre en vue de mettre en œuvre un plan de cession d'ici fin 2022. L'État va continuer à suivre de très près le dossier en lien avec la direction de Scopelec, des administrateurs judiciaires ainsi qu'avec Orange. L'objectif est d'œuvrer à l'émergence d'offres de reprise qui préserveront au mieux les emplois et assureront le déploiement, sur les territoires, des infrastructures numériques.
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