M. Jean-François Coulomme alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de pilules abortives en France. Depuis septembre 2022, des professionnels et professionnelles de terrain tirent la sonnette d'alarme sur le risque de contingentement du misoprostol. Par plusieurs courriers, ils ont fait savoir aux pouvoirs publics que l'accès au misoprostol, molécule utilisée lors des interruptions volontaires de grossesse permettant l'expulsion de l'embryon, risquait de subir un contingentement sur le marché médical français. Or, en 2018, Pfizer retirait du marché français un médicament à base de misoprostol, le Cytotec, utilisé pour le traitement des ulcères et dont le mésusage comprenait des risques pour les patientes. À cette occasion, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rappelé que les seuls médicaments disponibles sur le marché français disposant d'une AMM (autorisation de mise sur le marché) dans le cadre d'IVG étaient le MisoOne et le Gymiso. Plusieurs associations, professionnels et professionnelles de terrain et autres observatoires indépendants sont actuellement très inquiets face au risque prochain de pénurie de ces médicaments sur le marché. En effet, 76 % des IVG en France ont lieu grâce à ces deux pilules, ce qui menace gravement l'accès au droit à l'avortement. Dans un communiqué du 15 avril 2023, l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament alertait le Gouvernement sur les délais dangereux entre la réponse institutionnelle et les réalités de terrains, remontées depuis déjà plusieurs semaines. Le 18 avril 2023, c'est le Haut Conseil à l'égalité qui publiait un communiqué de presse, enjoignant M. le ministre à prendre position sur les risques de pénuries de misoprostol sur le territoire français. Il réclamait une souveraineté française en matière de production de la pilule abortive. Car c'est de ça dont il est question. Le misoprostol étant sous brevets, il n'existe pas de générique ou de produits équivalents vers lesquels les professionnels et professionnelles de terrain pourraient se tourner pour pouvoir continuer de pratiquer des IVG. Nordic Pharma, le laboratoire français à qui appartient le brevet, est en majorité détenu par des capitaux américains. Ainsi, les risques de tensions sur le marché sont accentués par les stocks de pilules abortives que réalisent des états américains, à la vue de la situation dramatique de réduction du droit à l'avortement dans leur pays. Une augmentation considérable du prix de ces pilules est également envisagée. Inscrire des droits dans les textes ne suffit pas. Afin de garantir un accès effectif aux droits, il faut que les moyens nécessaires pour les respecter soient mis en œuvre et pour cela, il est question de volonté politique, la volonté politique de M. le ministre. À l'heure où l'on souhaite entériner le droit à l'avortement comme un droit constitutionnel, ne pas agir dans une telle situation témoigne d'une grande hypocrisie. Aujourd'hui, M. le député alerte M. le ministre. Le site de l'ANSM annonce une disponibilité avant le mois de mai 2023, mais les professionnels et professionnelles alertent sur ces délais régulièrement dépassés en cas de tensions sur le marché des médicaments. Cette pénurie, ne serait-ce que de quelques jours, aura des conséquences dramatiques sur la vie des personnes qui souhaitent avoir recours à une IVG. La situation actuelle témoigne une nouvelle fois que la dépendance sanitaire et médicale de la France est périlleuse pour les citoyens et, une fois de plus, la légèreté de la réponse institutionnelle face à la gravité des faits met en danger toutes les personnes en capacité de procréer. Malgré les nombreuses alertes lancées depuis septembre 2022, on observe qu'aucune mesure n'a été mise en place pour remédier à cette situation gravissime. M. le député ose espérer que M. le ministre a appris des graves fautes de ses prédécesseurs et qu'il n'attendra pas la catastrophe avant de réagir et prendre les dispositions nécessaires. Ainsi, il lui demande comment il compte concrètement remédier à la pénurie de pilules abortives sur le territoire ainsi que rendre sa souveraineté à la France en matière de production pour empêcher qu'une telle situation ne se répète.
L'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse consiste à prendre successivement deux médicaments, le misoprostol et la mifépristone. En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées. Elles sont fabriquées en France ou en Europe et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma. Il s'agit des spécialités GYMISO 200 microgrammes, comprimé (boite de deux comprimés) et MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable (boite de 1 comprimé) disponibles en ville et à l'hôpital. Il existe aussi des boîtes de la spécialité MISOONE contenant 16 comprimés disponibles uniquement à l'hôpital. En fin d'année 2022, l'ANSM a été informée d'un retard de fabrication pour la spécialité GYMISO 200 microgrammes, comprimé. Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins, estimée à hauteur de 20 %, conduisant à un report d'utilisation vers la spécialité MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable. Dans ce contexte, afin de gérer au mieux les stocks disponibles, la distribution des boîtes de 1 comprimé de la spécialité MISOONE a été réservée exclusivement aux pharmacies de ville pour préserver l'accès à l'IVG médicamenteuse, les établissements hospitaliers ayant accès aux boîtes de 16 comprimés. L'ANSM a également autorisé l'importation de la spécialité MISOONE destinée à l'Italie. En outre, la vente et l'exportation vers l'étranger de ces médicaments par les grossistes répartiteurs ont été interdites dès l'identification du risque de tension d'approvisionnement. Cette mesure a été appliquée jusqu'à la remise à disposition normale du médicament afin de permettre de protéger l'approvisionnement continu et approprié du marché national. Depuis la fin avril, la situation est de nouveau revenue à la normale.
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