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Sébastien Chenu
Question N° 7768 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 9 mai 2023

M. Sébastien Chenu alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les dangers pour l'économie française provoqués par l'interdiction unilatérale de la fumigation des cales de bateaux céréaliers en France qui rendra les cargaisons de blé irrecevables pour les clients extra-européens, notamment africains. 11,5 millions de tonnes d'exportations de céréales sont concernées. Pour rappel, l'Anses a décidé, le 26 octobre 2022, de ne plus permettre l'usage d'un insecticide en contact direct avec les céréales : la phosphine, dit le PH3. La phosphine est utilisée pour traiter les cargaisons de céréales dans les cales des bateaux et est pourtant homologuée. Depuis le 25 avril 2023, il n'est plus possible, pour la France, d'exporter des céréales hors de l'Union européenne. La moitié au moins des exportations de cette filière d'excellence est compromise. On ne parle pas d'une peccadille. Au regard des chiffres 2022, l'équivalent en année pleine de 11,5 millions de tonnes de grains divers est concerné. Celles-ci ne pourront plus prendre la mer pour le Maghreb et l'Afrique sub-saharienne, le Moyen-Orient ou l'Asie. Poids sur la balance commerciale céréalière de ces destinations: 3,8 milliards d'euros. L'utilisation de la phosphine répond à plusieurs exigences. En tablettes, il s'agit d'une obligation sanitaire, pour éviter les contaminations des écosystèmes des pays de destination par des insectes qui pourraient voyager avec les grains. Un certificat de traitement est exigé quand les cargaisons de céréales arrivent à destination. Deuxièmement, pour des raisons de santé publique, consommer des céréales qui contiendraient des insectes n'est pas sain. Il faut limiter au maximum leur prolifération en cale. À l'exportation, il s'agit d'un critère sine qua non, inscrit dans les cahiers des charges de l'Algérie, premier client du blé français, ou de la Tunisie, au Maroc, en Afrique de l'Ouest, explicitement sous la forme de fumigation par des tablettes. La décision de l'Anses reste par ailleurs un mystère. La phosphine est homologuée au niveau européen, sans échéance aux autorisations données jusque-là en France. L'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Roumanie, l'Espagne, l'Italie, la Pologne et la Belgique ont, ces derniers mois, renouvelé l'autorisation. Contactée par le journal L'Opinion, l'Anses n'avait pas, le vendredi 7 avril 2023, fourni d'explication quant à la nécessité de se saisir du dossier phosphine. Elle s'est saisie de la question, selon plusieurs sources, a priori sans dialogue avec les ministères concernés (agriculture, affaires étrangères pour le volet commerce extérieur et santé), à la grande surprise des cabinets ministériels. Comme le formule un article avec pertinence : « Plus étrange, l'Anses ne semble pas vouloir porter la responsabilité de la décision qu'elle a prise ». Lors d'une audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée du 29 mars 2023, répondant aux questions des députés Guillaume Kasbarian, Dive et Descrozailles, la position de la directrice générale adjointe de l'Anses est tout aussi trouble car, selon elle, ce serait le « demandeur » en charge de la mise sur le marché qui aurait lui-même précisé au fabricant du produit qu'il ne souhaitait pas ce retrait. Or ce dernier dément. Selon lui, M. le député cite : « L'agence sanitaire lui a dit, dans un premier temps, n'attendre de lui qu'un complément d'information, sur des éléments qu'elle ne lui avait jamais demandé auparavant. Il les a fournis. ». Mais, à la surprise générale, raconte un acteur important du secteur, l'Anses a finalement demandé, non plus un complément d'informations, mais un dossier complet pour une autorisation de mise sur le marché du produit. Il y en a pour des mois, peut-être plus d'un an. Dans l'intervalle, tout le monde est démuni. L'Anses, sollicitée pour savoir s'il y avait des voies de sortie (dérogations, etc.), n'a pas non plus répondu. On parle d'un « imbroglio juridico-administratif » total. Au cours d'une réunion, le 21 mars 2023, le ministère de l'agriculture et le ministère des affaires étrangères ont défendu que seul le droit local doit s'appliquer. L'Anses estime de son côté qu'elle a autorité sur le territoire, c'est-à-dire les ports français. Au sein des ministères concernés, on rétorque qu'être une autorité indépendante ne dédouane pas de respecter le droit. Le bras de fer en est là. La contradiction même de la décision laisse sans voix : les céréales traitées à la phosphine et importées en France ne sont absolument pas concernées par les décisions de l'Anses. La conséquence scandaleuse de cette décision est double : conduire les céréales françaises vers le port d'Anvers ; et donc accroître les coûts de perte et de transports sur un produit élémentaire, vers des pays en développement dont l'économie a été fortement touchée par l'inflation et qui sont les premiers exposés au risque de famine en raison de leur grande dépendance sur le blé russo-ukrainien et qui se tournaient vers la France depuis le début de la guerre. En somme, M. le député demande à M. le ministre d'abord de faire lumière sur cette décision absurde à tout niveau et sur les raisons obscures que l'Anses a avancées. Il lui demande ensuite quelles mesures légales ou constitutionnelles il est possible de mobiliser pour revenir sur cette décision. Enfin, il souhaite savoir comment il est possible que les institutions indépendantes puissent prendre des décisions à fort impact sur des domaines économiques singuliers tels que les marchés agricoles, sans concertation, sans procédures de recours - pourtant, nécessité juridique de la démocratie française.

Réponse émise le 6 juin 2023

Dans le respect de la procédure de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et de la réglementation de l'Union européenne, le traitement exigé par les pays tiers pourra continuer à être effectué. L'Anses l'a confirmé le 20 avril 2023. L'objectif du Gouvernement est de pouvoir continuer à exporter des céréales françaises, vers les pays tiers et notamment du Maghreb. C'est une question de sécurité alimentaire mondiale mais aussi de géopolitique dans le contexte de la guerre en Ukraine. À cet égard, le droit européen est clair : il existe un régime juridique spécifique qui permet l'application de phytosanitaires sur les produits agricoles exportés, quand c'est une exigence du pays d'accueil, à partir du moment où la molécule n'est pas interdite au niveau européen. Or la phosphine n'est pas interdite au niveau européen. Ce cadre juridique permettant l'export des céréales s'applique donc pleinement. Les autres pays européens exportateurs appliquent ce procédé : l'Allemagne à destination par exemple de l'Algérie et du Maroc ; la Bulgarie vers l'Algérie, ou encore la Roumanie vers la Côte d'Ivoire. L'Anses a procédé à cette clarification juridique le 20 avril 2023, à l'occasion du renouvellement des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires contenant la substance phosphure d'aluminium permettant la fumigation de phosphine. L'export de céréales peut donc se poursuivre normalement.

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