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Élise Leboucher
Question N° 7704 au Ministère de la santé


Question soumise le 2 mai 2023

Mme Élise Leboucher interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur les pénuries de pilules abortives qui mettent en danger le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Depuis des semaines, l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, les associations féministes comme le Planning Familial et les professionnels de santé alertent sur les pénuries de misoprostol. Le misoprostol est l'une des deux pilules indispensables pour procéder aux avortements médicamenteux, qui représentent 76 % des IVG en France. En France, la production de misoprostol, médicament sous brevet et exclusivement produit par le laboratoire américain Nordic Pharma, est concentrée sur un unique site. En cas de souci industriel, c'est toute la production qui est ralentie voire arrêtée. Le 19 avril 2023, M. Braun a minimisé les pénuries en cours, évoquant de simples « tensions », annonçant un « retour à la normale » à la fin avril, tout en indiquant que la France importerait des pilules de misoprostol d'Italie pour faire face à la pénurie. Pourtant, plusieurs articles évoquent les pénuries particulièrement graves en Île-de-France et dans les Hauts-de-France. Dans un article du Parisien en date du 19 avril, une sage-femme indique avoir dû décaler de plusieurs jours des avortements. Le résultat : des difficultés pour les patientes qui doivent s'organiser pour poser un autre jour de congé, se faire accompagner à domicile, mais aussi se préparer psychologiquement. Pire encore, le fait de repousser les rendez-vous allonge les délais, renvoyant les patientes vers les structures hospitalières ou les forçant à recourir à des procédures chirurgicales. À l'heure où le pays s'apprête à constitutionnaliser le droit à recourir à l'IVG, ces évolutions sont une remise en cause directe de ce droit fondamental, qui inclut aussi le choix de la méthode d'avortement. Les pénuries de médicaments s'ajoutent ainsi à la liste des menaces qui pèsent sur le droit à l'IVG, avec la désertification médicale et l'appauvrissement des services publics de santé ou encore les mouvements anti-choix et anti-droits. Le fait que le brevet de production du misoprostol soit détenu par un groupe basé aux États-Unis d'Amérique, où l'accès à l'IVG est plus que jamais menacé, est d'autant plus alarmant. La situation actuelle n'est cependant pas une surprise. En mai 2020 déjà, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) avertissait sur les problèmes de disponibilité de plusieurs contraceptifs, dont le misoprostol. En juillet 2022, les collectifs féministes alertaient également sur les pénuries de contraceptifs. Au-delà du misoprostol, c'est toute la politique du médicament qui doit être repensée, comme le démontrent également les pénuries de paracétamol et d'amoxicilline en hiver 2022. Depuis des années, les associations et les professionnels du secteur alertent sur l'opacité du système institutionnel d'alerte sur les pénuries de médicament, qui entrave les capacités de réaction et d'anticipation. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dépend en effet des signalements des industriels, souvent en décalage avec la veille effectuée par les professionnels de terrain et les acteurs institutionnels. Il est urgent de repenser le système d'alerte, afin d'en améliorer la transparence, de permettre une meilleure prise en compte des réalités du terrain et de garantir un accès égal à la santé sur tout le territoire. De nombreux acteurs, tels que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, les associations féministes et l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, insistent sur la nécessité de retrouver notre souveraineté en matière de production de la pilule abortive. Plus généralement, c'est toute une réflexion qui doit être engagée sur la relocalisation publique des médicaments, impliquant une coordination avec les autorités compétentes chez nos voisins européens. Mme la députée demande ainsi à M. le ministre de lui exposer les mesures envisagées pour remédier à cette problématique. Quelles mesures sont envisagées pour améliorer les systèmes d'alertes sur les pénuries de médicaments et mieux prendre en compte les réalités locales ? Concernant le 'Comité de pilotage Médicaments', lancé en février 2023 afin de travailler à une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries, quelles mesures ont été prises afin de garantir que ce dernier prenne en compte les impératifs liés à la santé sexuelle et reproductive et de manière générale à la santé des femmes ? Enfin, quel est le positionnement de M. le ministre sur la relocalisation de la production de médicaments et la création d'un pôle public du médicament ?

Réponse émise le 18 juillet 2023

L'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse consiste à prendre successivement deux médicaments, le misoprostol et la mifépristone. En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées. Elles sont fabriquées en France ou en Europe et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma. Il s'agit des spécialités GYMISO 200 microgrammes, comprimé (boite de deux comprimés) et MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable (boite de 1 comprimé) disponibles en ville et à l'hôpital. Il existe aussi des boîtes de la spécialité MISOONE contenant 16 comprimés disponibles uniquement à l'hôpital. En fin d'année 2022, l'ANSM a été informée d'un retard de fabrication pour la spécialité GYMISO 200 microgrammes, comprimé. Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins, estimée à hauteur de 20 %, conduisant à un report d'utilisation vers la spécialité MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable. Dans ce contexte, afin de gérer au mieux les stocks disponibles, la distribution des boîtes de 1 comprimé de la spécialité MISOONE a été réservée exclusivement aux pharmacies de ville pour préserver l'accès à l'IVG médicamenteuse, les établissements hospitaliers ayant accès aux boîtes de 16 comprimés. L'ANSM a également autorisé l'importation de la spécialité MISOONE destinée à l'Italie. En outre, la vente et l'exportation vers l'étranger de ces médicaments par les grossistes répartiteurs ont été interdites dès l'identification du risque de tension d'approvisionnement. Cette mesure a été appliquée jusqu'à la remise à disposition normale du médicament afin de permettre de protéger l'approvisionnement continu et approprié du marché national. Depuis la fin avril, la situation est de nouveau revenue à la normale.

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