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Nadège Abomangoli
Question N° 7588 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 25 avril 2023

Mme Nadège Abomangoli alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la prolifération des écussons, insignes et slogans inadéquats sur les uniformes des agents de la police nationale. En effet, depuis plusieurs années et régulièrement, des citoyens, associations et journalistes alertent à ce sujet. Un nombre croissant d'unités arborent des écussons et insignes aux connotations agressives et au graphisme loin de la dignité que requiert l'exercice du métier de policier. Récemment, plusieurs policiers français ont ainsi été aperçus arborant un insigne « Thin Blue Line », insigne observé notamment lors des rassemblements néo-nazis de Charlottesville aux États-Unis d'Amérique en 2017. Le déontologue de la Gendarmerie Nationale a d'ailleurs indiqué en 2021 que le port de cet insigne pourrait constituer un manquement à l'obligation de réserve. Certains de ces écussons pourraient même tomber sous le coup de la loi, tel que le modèle de sous-marin de la marine nazie arboré par la brigade anti-criminalité (BAC) de Lorient en 2019. Interrogé à l'occasion d'un débat sur la lutte contre le terrorisme d'extrême droite par divers parlementaires, M. le ministre s'était refusé à indiquer les mesures prises pour endiguer les prises de positions d'extrême droite et racistes de certains policiers qui viennent entacher le métier de gardien de la paix. Le port de ces emblèmes, loin de créer un esprit de corps, participe d'une défiance ou d'un mépris des agents à l'égard du public et accroît le fossé entre population et gardiens de la paix. Mme la députée demande par quels moyens ces fonctionnaires de police peuvent-ils continuer à arborer de tels insignes alors qu'ils sont contraires à l'obligation de réserve de leurs fonctions. Mme la députée demande quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour s'assurer que les emblèmes et écussons arborés par les policiers soient conformes à la déontologie de leur métier.

Réponse émise le 31 octobre 2023

Au-delà de l'écussonnage uniformisé des insignes des grades et emplois des fonctionnaires actifs de la police nationale, dont la description est fixée par arrêté, il existe des insignes de spécialité ou d'appartenance à un service, qui visent à symboliser l'identité et les mérites de celui-ci. Fréquemment ancrés dans le temps long, voire dans l'Histoire, dotés de savoir-faire spécifiques et d'une identité propre, les différents services qui composent la police nationale disposent ainsi d'insignes d'appartenance, expressions de fierté et de cohésion. Ils sont aussi des signes de reconnaissance entre les fonctionnaires et peuvent faciliter, sur le terrain, l'identification des policiers en intervention. Ils peuvent aussi revêtir une dimension de commémoration ou de collection. Le règlement général d'emploi de la police nationale dispose clairement qu'est « prohibé le port, sur la tenue d'uniforme, de tout élément, signe ou insigne en rapport avec l'appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative » (art. 113-18). En vertu du même texte, cette interdiction s'applique également à la tenue civile durant le temps de service. Est également interdit tout élément, signe ou insigne ostentatoire de même nature qui serait porté à même la personne, également durant le temps de service. Le guide "Police nationale, protocole et usages » de 2012, en cours de mise à jour, prévoit que le dessin de tout insigne visant à représenter une unité, quelle qu'en soit l'importance, réponde à une certaine symbolique et se doit de faire appel à des éléments ayant un sens, reconnus de tous et faisant, si possible, référence au passé voire à l'Histoire. Les insignes d'unité doivent, naturellement, s'inscrire dans un cadre plus large représentant l'institution qu'est la police nationale. Les symboles, logos et textes de ces écussons doivent strictement respecter l'exemplarité, l'éthique et la dignité qui s'attachent à la fonction et les prescriptions du code de déontologie de la police nationale (réserve, probité, neutralité, etc.), inscrites dans le Code de la sécurité intérieure (art. R. 434-1 et suivants). Il arrive que ces prescriptions ne soient pas pleinement respectées et que des dysfonctionnements soient constatés. L'administration est attentive à cet enjeu, qui concerne aussi la relation entre la police nationale et la population. Il est donc régulièrement procédé à des rappels. Il en est ainsi dans les deux plus grandes directions de la police nationale, la Direction nationale de la sécurité publique (DNSP) de la Direction générale de la police nationale et la Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) de la préfecture de police (instruction de commandement DCSP du 8 décembre 2016 et rappels d'instruction des 9 juin 2020 et 5 décembre 2022). Il en a encore été ainsi, récemment, à la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS), qui a adressé le 20 avril 2023 à tous ses services un rappel relatif à la tenue d'uniforme. Les policiers des CRS font l'objet de contrôles réguliers de l'autorité hiérarchique pour s'assurer de la conformité de leurs effets vestimentaires et, au-delà, de tous les matériels et accessoires, dont les insignes et écussons. Seul est autorisé pour les policiers des CRS le port d'écussons distinctifs de corps et de qualification. En cas de faits susceptibles de constituer un manquement, par exemple le port d'un insigne non conforme, le chef de service, au titre du contrôle interne et du devoir de réaction de l'administration, diligente une enquête administrative pré-disciplinaire visant à établir les faits puis à les qualifier juridiquement (manquement professionnel ou déontologique). À l'issue, des poursuites disciplinaires peuvent être engagées et aboutir à des sanctions. Une enquête administrative pré-disciplinaire avait par exemple été diligentée en 2019 par la Direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône pour le port par un fonctionnaire d'un écusson non conforme (inspiré d'un écusson de police brésilien). L'agent concerné a été sanctionné d'un avertissement. S'agissant de l'écusson litigieux porté en 2019 par des policiers de la brigade anti-criminalité de Lorient, évoqué dans la question écrite, les faits avaient également donné lieu à une enquête administrative pré-disciplinaire et les 3 agents concernés avaient fait l'objet d'un rappel à la règle. Il s'avère qu'il s'était essentiellement agi d'une maladresse des policiers, soucieux avant tout de faire référence à la discrétion nécessaire à l'exercice de leurs missions et à la culture sous-marinière de Lorient. La Direction départementale de la sécurité publique du Morbihan avait malgré tout rappelé à tous ses personnels les règles applicables en la matière. La plateforme de signalement de l'Inspection générale de la police nationale permet à tout citoyen s'estimant victime ou témoin d'un comportement susceptible de mettre en cause des agents de la police nationale de le dénoncer à l'administration. À ce jour, cette plateforme n'a recueilli aucun signalement dénonçant le port d'un écusson « Thin Blue Line », qui est un symbole de soutien aux forces de l'ordre aux Etats-Unis notamment utilisé par des courants politiques. Par ailleurs, en l'état des connaissances dont dispose l'administration centrale, aucune enquête administrative pré-disciplinaire n'est actuellement en cours dans un service de police pour le port d'un écusson lié au mouvement « Thin Blue Line ». Au sein de la gendarmerie nationale, une circulaire relative au patrimoine de tradition des unités de la gendarmerie nationale réglemente les différents insignes pouvant être portés par les militaires. Ces insignes participent à la cohésion du personnel servant au sein de ces unités tout en facilitant l'identification de certaines fonctions exercées par les militaires. Ils jouent un rôle fédérateur et identificateur et ne doivent pas être un facteur de morcellement ou de division interne. Elles doivent être conformes aux valeurs de l'institution et au respect de la neutralité. Une procédure de validation est prévue pour tous les insignes portés. Le port effectif de rondaches est soumis, d'une part, à une autorisation écrite préalable du commandant de la formation administrative et, d'autre part, à un contrôle a posteriori de la Délégation du patrimoine de la gendarmerie nationale. Ce contrôle s'exerce sur les autorisations écrites délivrées par l'autorité hiérarchique et le descriptif des rondaches. À l'instar des rondaches, le port de tout insigne non homologué ou non autorisé est donc proscrit. Tel que rappelé dans l'avis du 8 février 2021 du référent déontologue de la gendarmerie nationale, les marquages relatifs à la « Thin Blue Line » ne sont ni agréés, ni réglementaires. Ceux-ci sont contraires au devoir de réserve et au principe de neutralité auxquels sont astreints les militaires, considérant que cet insigne peut être assimilé à un mouvement politique. La diffusion de l'avis du référent déontologue s'est inscrite dans le cadre d'une action de sensibilisation et de prévention des militaires de la gendarmerie nationale. Enfin, en février 2023, le chef de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a renouvelé cette sensibilisation et rappelé le caractère actuel de son avis de 2021 ainsi que la nécessité de relever les manquements éventuels consécutifs au port d'un insigne non réglementaire sur la tenue. Toutefois, à ce jour, aucune saisine ou réclamation à la suite du port de cet équipement non réglementaire n'a été portée à la connaissance de l'IGGN.

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