M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la scolarisation des enfants en situation de handicap et sur l'état des instituts médico-éducatifs et de « l'école inclusive ». M. le député Loïc Prud'homme souhaite interpeller monsieur le ministre sur les difficultés rencontrées par les établissements médico-sociaux (EMS) accueillant des enfants et adolescents en situation de handicap. En fonction des besoins de l'enfant, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) peuvent suggérer une orientation vers un établissement médico-social proposant une prise en charge globale par des équipes pluridisciplinaires assurant à la fois apprentissage scolaire, soin et rééducation. Cependant, les instituts médico-éducatifs (IME), qui accueillent des enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle, connaissent depuis plusieurs années d'importantes difficultés du fait du manque de moyens qui leurs sont octroyés. Le manque de places disponibles dans ces établissements entraîne de graves conséquences pour la scolarisation d'enfants qui se voient refuser leur demande d'admission malgré la décision d'orientation de la CDAPH. Le ministère de l'éducation nationale estime ainsi que plus de 11 000 enfants se trouveraient dans l'attente d'une prise en charge en IME. Ce manque de places est aggravé par le fait que nombres de jeunes se voient contraints de rester en IME après l'âge réglementaire de 20 ans, faute de solutions adaptées pour la suite de leur prise en charge et de leur parcours d'intégration. Ainsi, selon une étude de la Drees publiée en mai 2022, portant sur des chiffres de 2018, 24 % des personnes accompagnées par les IME ont plus de 18 ans et 7,3 % ont plus de 20 ans. Ces difficultés à la sortie des IME soulignent la nécessité de développer des politiques favorisant l'insertion des jeunes en situation de handicap dans le milieu professionnel et le soutien aux structures d'accueil pour les adultes handicapés. En parallèle de la crise austéritaire affectant les EMS, les Gouvernements successifs ont porté ces dernières décennies diverses mesures en faveur d'une école plus inclusive pour les enfants porteurs de handicap. La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a affirmé le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile et à un parcours scolaire continu et adapté. Cet objectif a été conforté par la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République, du 8 juillet 2013, qui consacre pour la première fois le principe d'inclusion scolaire et la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour un « service public de l'école inclusive » et une école de la confiance. Cette politique d'inclusion scolaire s'est notamment traduite par l'augmentation du nombre de place en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) qui interviennent à domicile et dans les « lieux de vie naturels » des enfants tels que les établissements scolaires en milieu « ordinaire », ainsi que dans la réorganisation et le développement des dispositifs d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Il convient de saluer ces progrès et de réaffirmer que les principes qui fondent l'école inclusive dans le but de permettre une accessibilité réelle de l'école de la République pour tous les enfants constitue un objectif commun. Cependant, le manque de moyens financiers et de personnels entrave le respect de cet objectif. Le développement d'une école pleinement inclusive dépend de la mise en place d'une politique volontariste de formation de ses personnels (en particulier des professeurs pour garantir la mise en place des adaptations pédagogiques), la baisse des effectifs, l'augmentation des ressources disponibles et la coopération accrue avec le secteur médico-social et les autres professionnels extérieurs. Elle repose également sur le respect de la promesse de campagne du candidat Macron concernant l'amélioration du salaire et des conditions de travail des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH), dont la précarité est telle qu'il est impossible d'en recruter en nombre suffisant pour garantir l'accompagnement nécessaire au sein des établissements. L'objectif de réorientation d'une partie des enfants accueillis en IME vers des dispositifs de scolarisation en milieu ordinaire ne peut être atteint sans investir les moyens humains et financiers indispensables pour faire de l'école un lieu réellement inclusif pour tous les enfants du pays. En l'absence de dispositifs bénéficiant de moyens adaptés dans les établissements scolaires ordinaires, la diminution du nombre de places en IME enferme de nombreuses familles dans l'impossibilité de proposer à leur enfant un parcours de scolarisation adapté à ses besoins. Cette situation inquiète également les professionnels du secteur, qui s'alarment de la dégradation de la prise en charge et du fait que les « délais d'attente pour accéder tant aux IME qu'à leur SESSAD sont globalement très longs (18 à 36 mois) » selon un diagnostic établi en 2019 par le CREAI pour l'ARS Nouvelle-Aquitaine. Les familles et les professionnels du secteur attendent beaucoup de « l'acte II de l'école inclusive », annoncé par le ministre de l'éducation nationale, qui doit être dévoilé en présence du Président de la république lors de la 6e Conférence nationale du handicap (CNH) le 26 avril 2023. Dans ce contexte, il l'interroge sur les mesures qu'il entend mettre en œuvre pour pallier le manque de places en IME et pour assurer les moyens humains et financiers nécessaires au développement d'une école inclusive.
L'accompagnement des enfants et des jeunes en situation de handicap constitue une préoccupation forte du Gouvernement. Ainsi, l'école inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle à l'université. Un profond mouvement d'évolution est engagé afin que l'offre médico-sociale ne représente pas la seule réponse aux besoins des personnes en situation de handicap mais qu'elle vienne en soutien de leurs parcours. Le Gouvernement s'attache donc à construire une palette de solutions complète, dans une logique de parcours encore plus que de place. Il en va ainsi des possibilités de scolarisation de l'élève en situation de handicap, avec le renforcement croissant de la coopération entre le secteur médico-social et l'Education nationale : scolarisation en milieu ordinaire avec un appui par un accompagnant d'élève en situation de handicap ou l'appui de compétences médico-sociales (équipe mobile d'appui à la scolarisation), scolarisation collective dans les établissements scolaires dans des dispositifs adaptés (unités localisées pour l'inclusion scolaire ; unités d'enseignement externalisées, unités d'enseignement maternelles ou élémentaires autisme ; dispositifs d'autorégulation), scolarisation dans les unités d'enseignement des établissements pour enfants et notamment les instituts médico-éducatifs, voire scolarisation partagée entre école et les établissements et service médico-sociaux (ESMS). Pour répondre à l'enjeu d'un accompagnement adapté, plus de 21 800 places d'ESMS pour enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap (soit + 5 %) ont été créées entre 2011 et 2021, les places de services d'accompagnement des enfants en situation de handicap représentant 33,8 % du total des quelque 168 000 places totales en 2021 d'ESMS pour enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap. Concernant les solutions pour adultes, près de 50 000 places ont été créées sur la même période, avec une augmentation de 48% du nombre de places en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisés (+ 20 000 places). De plus, le Gouvernement a souhaité faire de l'habitat inclusif un des piliers de sa politique du logement à destination des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Alternative à la vie au domicile « classique » et à l'entrée en établissement, l'habitat inclusif constitue une offre de logement adaptée aux besoins de ses habitants. Depuis 2021, 96 départements se sont engagés dans le déploiement de l'habitat inclusif. En application de l'ambition de l'Etat, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie apporte un soutien financier conséquent aux départements qui s'engagent. La Conférence nationale du handicap qui s'est tenue le 26 avril 2023 a été l'occasion d'enclencher l'acte II de l'école inclusive, afin de proposer des perspectives complémentaires et répondre pleinement aux besoins de chaque enfant ou jeune adulte en situation de handicap. Le Président de la République a ainsi annoncé la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés en pôles d'appui à la scolarité renforcés d'un professeur spécialisé, qui pourront intervenir de façon réactive : soutien pédagogique, matériel adapté, appui ponctuel de professionnels du soin et de l'accompagnement. Pour disposer le plus rapidement des outils indispensables à la scolarisation, un fonds matériel pédagogique adapté sera créé. Par ailleurs, afin d'accompagner l'éducation nationale dans la démarche d'accueil et de scolarisation des élèves, des plateformes d'équipes mobiles médico-sociales seront déployées et pourront intervenir directement dans l'école. Afin de proposer à chacun une solution adaptée, la création de 50 000 nouvelles solutions pour les enfants et adultes en situation de handicap a été annoncée. Ce plan permettra d'apporter une réponse aux territoires les plus en tension tout en renforçant l'offre pour des publics sans solution satisfaisante à ce jour : enfants et adultes nécessitant un accompagnement renforcé (personnes polyhandicapées, avec trouble du spectre de l'autisme…), enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance, personnes handicapées vieillissantes, personnes présentant un handicap psychique ou cognitif nécessitant notamment un accompagnement à domicile. Des moyens importants prévus (appui médico-social et moyens pour Education nationale) et une montée en charge (programmation progressive dès 2024 jusqu'en 2027) : enseignants spécialisés pour renforcer les PIAL, enseignants référents handicap et accessibilité pédagogique dans chaque établissement, fonds matériel pédagogique, plan de formation dès la rentrée 2024 pour former les équipes pédagogiques, déploiement d'équipes mobiles médico-sociales qui pourront être sollicités à la demande des PIAL, déploiement de 100 projet pilotes pour permettre l'intégration d'IME dans les murs de l'école d'ici 2027, afin de construire les passerelles indispensables aux parcours. Enfin, afin de mieux répondre au défi de l'école pour tous, il est demandé aux établissements médico-sociaux pour enfants de se transformer pour devenir des plateformes, en partenariat avec les écoles, les collèges et les lycées. L'ambition que nous portons est une transformation majeure : celle de l'Ecole pour tous, qui accueille tous les élèves en situation de handicap, en leur apportant les aménagements et les accompagnements nécessaires.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.