Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de pilules abortives telles que le mifépristone et le misoprostol. Ces difficultés d'approvisionnement affectent grandement le droit effectif à l'interruption volontaire de grossesse, un droit fondamental que la France s'apprête à faire entrer dans sa Constitution. Depuis des semaines, l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament et le Planning familial tirent le signal d'alarme à ce sujet, sans réponse de la part du Gouvernement. Malgré cette réalité de terrain, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé indiquait le 5 mars 2023 sur son site internet une remise à disposition de ce médicament à partir du vendredi 23 septembre 2022. Cependant, le jeudi 13 avril 2023, l'agence a effectué une modification sur son site indiquant la date « prévue de remise à disposition » fin avril 2023. Ainsi, une fois encore, les mises en garde des acteurs de terrain, associations luttant pour le droit à l'IVG, médecins libéraux et sages-femmes ont été ignorées, au risque de laisser des personnes dans l'incapacité d'exercer une IVG. Le fait que, en France, des pénuries soient constatées sur le terrain avant même les agences et le Gouvernement est un précédent dangereux. Ces ruptures sont d'autant plus préoccupantes que 76 % des IVG ont été réalisées par méthode médicamenteuse en 2021, selon les dernières données de la DREES. Ainsi, Mme la députée s'interroge sur l'attentisme du ministre de la santé. Non seulement cette pénurie constitue, comme évoqué précédemment, un manquement grave au droit à l'IVG, mais elle met également en lumière la nécessité de relocaliser la production des médicaments dont la France a besoin. En effet, le misoprostol est un médicament sous brevet et sa production est concentrée sur un unique site. En cas de problème industriel, comme une impureté par exemple, qui ralentit ou arrête la fabrication, il n'y a aucune solution de repli. Le monopole lié au statut de propriété intellectuelle prive les praticiens et les patients de solutions alternatives. Or le droit à l'IVG doit aussi passer par la possibilité de choisir la technique d'avortement. Enfin, la concentration rend vulnérable la production face aux actions des lobbies anti-IVG, à l'instar des récentes menaces sur la production de RU 486 (ou mifépristone) par le laboratoire Nordic Pharma aux États-Unis d'Amérique. L'externalisation de la fabrication des médicaments et la production monopolistique favorisent l'émergence des facteurs de pénuries. Il y a donc urgence à penser un système industriel alternatif, via la création d'un pôle public du médicament, extrait des logiques de marché de l'offre et la demande, comme le propose La France Insoumise. Mercredi 19 avril 2023, sur RMC, M. le ministre est enfin sorti de son silence pour concéder des « tensions » sur le misoprostol. Non seulement il minimise la réalité mais, de plus, il s'assoit sur les témoignages des professionnels, qui déplorent être dans l'obligation de décaler des avortements, faute de médicaments. Mme la députée rappelle à M. le ministre qu'une pénurie ne signifie pas nécessairement une absence totale et définitive d'un produit de santé sur l'ensemble du territoire, mais soit son contingentement, soit une indisponibilité de fait sur un territoire donné. Comme le souligne l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament dans son communiqué de presse du 19 avril 2023, il est inacceptable qu'un médicament aussi important soit indisponible, ne serait-ce qu'une semaine. Enfin, lors de cet interview, le ministre a promis un « retour à la normale rapide » tout en annonçant que l'Italie serait le nouveau fournisseur de misoprostol. Tant pis pour la relocalisation des productions en France. Et tant pis si les promesses, comme lors de la pénurie de paracétamol et d'amoxicilline en octobre 2022, ne sont pas tenues. Ce n'est pas la première fois que le ministère de la santé est appelé à réagir. Déjà en mai 2020, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes avertissait sur les problèmes de disponibilité de plusieurs contraceptifs, dont le misoprostol. En septembre de la même année, M. le député Bastien Lachaud interrogeait M. Olivier Véran, à l'époque ministre de la santé : « Les médicaments abortifs RU 486, mifégyne, ou encore misoprostol sont détenus par un seul groupe pharmaceutique, Nordic Pharma, avec des risques de rupture de production et d'approvisionnement. Leur production a été menacée par les actes militants anti-IVG et leurs prix ont été augmentés par 10 », décrivait-il. En juillet 2022, c'était au tour des associations féministes d'alerter : Le Planning familial, ONU Femmes France, La Clef ou encore Avortement en Europe : les femmes décident. Mme la députée demande à ce que les acteurs de terrain, les parlementaires et les organisations internationales soient entendus pour qu'enfin la relocalisation de l'industrie des médicaments devienne une priorité pour le Gouvernement. Une production publique diversifiée sur plusieurs sites européens devrait par exemple permettre de mieux faire face à la pression des lobbies anti-IVG. La France, à l'aube de la constitutionnalisation du droit à l'IVG, ne peut continuer de confier quasi exclusivement la production de ses médicaments - dans ce cas essentiel pour le droit des femmes à disposer de leur corps - à des groupes dont l'objectif poursuivi n'est pas celui de la santé publique. Elle lui demande quelles sont les perspectives à ce sujet.
L'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse consiste à prendre successivement deux médicaments, le misoprostol et la mifépristone. En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées. Elles sont fabriquées en France ou en Europe et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma. Il s'agit des spécialités GYMISO 200 microgrammes, comprimé (boite de deux comprimés) et MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable (boite de 1 comprimé) disponibles en ville et à l'hôpital. Il existe aussi des boîtes de la spécialité MISOONE contenant 16 comprimés disponibles uniquement à l'hôpital. En fin d'année 2022, l'ANSM a été informée d'un retard de fabrication pour la spécialité GYMISO 200 microgrammes, comprimé. Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins, estimée à hauteur de 20 %, conduisant à un report d'utilisation vers la spécialité MISOONE 400 microgrammes, comprimé sécable. Dans ce contexte, afin de gérer au mieux les stocks disponibles, la distribution des boîtes de 1 comprimé de la spécialité MISOONE a été réservée exclusivement aux pharmacies de ville pour préserver l'accès à l'IVG médicamenteuse, les établissements hospitaliers ayant accès aux boîtes de 16 comprimés. L'ANSM a également autorisé l'importation de la spécialité MISOONE destinée à l'Italie. En outre, la vente et l'exportation vers l'étranger de ces médicaments par les grossistes répartiteurs ont été interdites dès l'identification du risque de tension d'approvisionnement. Cette mesure a été appliquée jusqu'à la remise à disposition normale du médicament afin de permettre de protéger l'approvisionnement continu et approprié du marché national. Depuis la fin avril, la situation est de nouveau revenue à la normale.
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