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Charlotte Leduc
Question N° 7535 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 25 avril 2023

Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude. En effet, le plan fraude qui doit être présenté début mai 2023 a été précédé de réunions de concertation qui ont permis d'évoquer les différents types de fraude. Il en ressort, en s'appuyant sur l'ensemble des études existant sur le sujet, que l'évasion fiscale et la fraude aux cotisations sociales représentent des volumes infiniment supérieurs à ceux de la fraude aux prestations sociales. Pourtant, le 18 avril 2023, M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, s'exprimant en direct sur RMC et BFMTV, déclarait : « Nos compatriotes, légitimement, en ont ras-le-bol de la fraude. Ils en ont ras-le-bol de voir des gens qui peuvent toucher des aides [et] le[s] renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu'ils n'y ont pas le droit ». Cette affirmation est révoltante à bien des égards. Aucune étude n'existe à ce jour permettant de soutenir que les résidents originaires du Maghreb renverraient davantage d'argent dans leurs pays d'origine que les autres immigrés ou qu'ils participeraient plus à la fraude aux prestations sociales que d'autres catégories de population. Cette déclaration n'est donc qu'un condensé de préjugés racistes et xénophobes sans aucun fondement empirique. Il est légitime de se demander pourquoi M. le ministre profère de telles contrevérités. Est-ce pour désigner un bouc émissaire pratique à la vindicte populaire ? Pour détourner l'attention des vrais sujets du moment comme la mobilisation contre la réforme des retraites, le contexte de crise inflationniste ou les scandales d'évasion fiscale à répétition ? N'y a-t-il pas également là une pure stratégie politicienne visant à nourrir les préjugés d'une partie de l'électorat acquis aux idées de l'extrême-droite, avec laquelle le Gouvernement semble prêt au compromis ? De plus, cette déclaration pose la question de la qualité de la coordination gouvernementale. M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, n'est-il pas censé faire remonter les résultats des concertations sur le plan fraude à son ministre de tutelle ? Comment ce dernier peut-il à ce point méconnaître les ordres de grandeur en la matière ? La fraude aux prestations sociales représente entre 1 et 2 milliards d'euros par an de dépenses indues pour les finances publiques, quand l'évasion fiscale est responsable d'un manque à gagner de 80 à 120 milliards pour les caisses de l'État et la fraude aux cotisations sociales d'une perte de 9 à 11 milliards pour celles de la sécurité sociale. La fraude aux prestations sociales est, de plus, la mieux réprimée, avec environ 50 % de son volume qui est détecté et donc récupéré. Si la lutte contre l'évasion fiscale et contre la fraude aux cotisations sociales étaient aussi efficaces, les finances publiques récupéreraient entre 30 et 50 milliards d'euros supplémentaires chaque année. C'est donc dans ces domaines qu'il faut avancer plutôt que de jeter l'anathème sur des fraudeurs immigrés fantasmés. Face à un tel mépris des faits exprimé par M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il est légitime de douter de la sincérité Gouvernementale en matière de lutte contre la fraude. Le plan fraude ne sera-t-il qu'une vaste opération de stigmatisation des compatriotes les plus démunis et des immigrés ou au contraire s'agira-t-il enfin de mettre à l'agenda les mesures ambitieuses contenues dans les multiples rapports parlementaires sur le sujet afin de mettre un terme aux scandales de l'évasion fiscale et du travail dissimulé ? Elle lui demande des précisions à ce sujet.

Réponse émise le 18 juillet 2023

En mai 2023, le ministre délégué chargé des Comptes publics a annoncé un plan pour renforcer la lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, qu'elles soient fiscales, douanières, sociales ou qu'elles visent à recevoir indûment des aides publiques. La lutte contre la fraude est un enjeu de confiance, de justice et de solidarité, et c'est pourquoi le Gouvernement réaffirme son engagement résolu à garantir son efficacité, par des moyens humains, matériels et légaux adaptés. Aussi, dans les cinq prochaines années, 1 500 agents supplémentaires (+ 15%) renforceront le contrôle fiscal, et 1 000 la lutte contre la fraude au sein des caisses de sécurité sociale. Des moyens financiers nouveaux sont également mobilisés : 1 milliard d'euros va notamment abonder un grand plan de modernisation des systèmes d'information de ces caisses. Les contrôles conduits auprès des entreprises par les Urssaf pour lutter contre le travail non déclaré seront doublés et auront pour effet de rétablir les droits des travailleurs qui en sont victimes. L'assurance maladie va quant à elle renforcer ses contrôles sur les gros fraudeurs et les prescripteurs hors normes. Dans le même temps, le nombre de contrôles fiscaux des particuliers, visant particulièrement les plus gros patrimoines, augmentera de 25 % d'ici 2027, tandis que les obligations des sociétés en matière de prix de transfert seront étendues. En matière douanière également les contrôles vont se renforcer et s'adapter ; une cartographie des entrepôts de stockage des marchandises sera ainsi établie pour mieux contrôler les flux du e-commerce. Le renforcement des services de contrôle se traduit aussi par une adaptation de notre arsenal législatif, pour mieux détecter et réprimer une fraude qui se complexifie, s'internationalise et s'étend dans le secteur numérique. À titre d'exemple, le cadre d'utilisation de la transmission universelle de patrimoine va être révisé, pour éviter qu'il puisse être utilisé à des fins frauduleuses. De même, les moyens dédiés à la recherche de la fraude seront développés. Pour apporter une réponse proportionnée et dissuasive à la fraude aggravée, les moyens d'enquête judiciaire et la réponse pénale contre la fraude seront placés au cœur du dispositif avec des moyens amplifiés. Le nombre des officiers fiscaux judiciaires du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF) va doubler (+ 40), tandis que le SEJF va être transformé en office national de lutte anti-fraude (ONAF). Ce repositionnement s'appuie sur les résultats très positifs du service créé en 2019, qui allie la technicité des praticiens de l'administration et les pouvoirs d'investigation de la police judiciaire. L'ONAF sera l'interlocuteur de référence pour toutes les infractions portant atteinte aux finances publiques, et aura la possibilité de se saisir d'office d'une enquête dans toutes ses matières d'attribution autres que la matière douanière ou fiscale. L'efficacité de ces mesures ambitieuses pourra être mesurée grâce à la création d'un Conseil d'évaluation des fraudes. Présidé par le ministre des Comptes publics, il rassemblera les administrations compétentes, des personnalités qualifiées, des experts indépendants et des parlementaires.

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