Mme Sylvie Ferrer alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le projet de réformes des lycées professionnels. La réduction ou la suppression des heures de cours en lycée professionnel pour augmenter le temps de présence des élèves dans les entreprises fait partie intégrante de cette réforme. De même, il est à craindre une augmentation des périodes de formation en milieu professionnel qui aurait pour conséquence de diminuer d'autant ces heures d'enseignement général. Cette diminution drastique compromettrait gravement les possibilités de réussite des élèves aux examens ainsi que leur poursuite d'études. Si l'école doit prévaloir sur le temps en entreprise, les stages proposés aux élèves doivent être qualitatifs. Chaque jeune a besoin d'un enseignement général ambitieux. Ce projet de réforme aura comme conséquence d'accentuer davantage les inégalités sociales entre les jeunes les plus fragiles venant de milieux défavorisés et des jeunes plus favorisés. Ce projet de réforme constitue donc un danger pour les élèves et remet en cause l'un des piliers fondamentaux de l'école républicaine : l'égalité entre les jeunes. De plus, les heures d'enseignements en classe sont elles-mêmes menacées par le manque de personnels suffisants pour assurer les cours dans des classes déjà surchargées. Par ailleurs, on note un glissement des formations professionnelles vers l'apprentissage, alors même que les conditions d'apprentissage se dégradent. Les chiffres de la DARES le prouvent. Un apprenti sur quatre ne finit pas sa formation en France (rupture de contrat, cessation d'activité, accident du travail...). Le taux de poursuite d'études pour les apprentis est de 9,4 % contre 46 % des élèves des lycées professionnels. Les conditions d'apprentissage ne sont donc pas favorables aux élèves. Pour rappel, lors de l'apprentissage, les jeunes sont à peine âgés de seize ans et sont encore en formation. Pourtant, certaines entreprises les emploient comme des salariés. Le projet de réforme des lycées professionnels proposerait, dans le cadre de l'apprentissage, que l'État verse des indemnisations financières à destination des entreprises, l'État proposant ainsi de financer en quasi-totalité l'apprentissage des jeunes. Ces indemnités s'ajouteraient aux salaires versés par les entreprises qui paient actuellement entre 10 et 25 euros par jour pour un jeune en apprentissage alors que le SMIC horaire brut est de 11,07 euros. Cela s'ajouterait aux exonérations de cotisations patronales et aux incitations fiscales qui existent lors d'un contrat d'apprentissage. Il faut rappeler que la vocation des lycées professionnels est d'être au service des élèves et non de fournir des salariés ou de la main-d'œuvre à bas coût aux entreprises. Aussi, les fermetures et ouvertures de filières dans les établissements seraient décidées uniquement au prisme des besoins locaux de proximité, ce qui réduirait considérablement le choix de formation des élèves. Les enseignants seraient, quant à eux sommés de se reconvertir. Ces « expérimentations locales » qui pourraient être menées permettraient de ne pas respecter les horaires hebdomadaires disciplinaires nationaux. Aussi, le cadre national des grilles horaires doit être maintenu pour garantir des diplômes nationaux assurant une qualification reconnue. Enfin, renforcer l'autonomie des établissements aggraverait sans conteste les inégalités territoriales. Il convient de noter également que l'apprentissage accueille peu de filles, seulement 30 %, et peu de jeunes issus de l'immigration. Les discriminations à l'embauche se retrouvent donc dès l'entrée en apprentissage. Ainsi, Mme la députée demande à M. le ministre la suspension de la réforme des lycées professionnels, l'abrogation de la réforme de la transformation de la voie professionnelle et la restitution des heures disciplinaires. Elle lui demande également la réduction des effectifs dans les classes de bac pro et de CAP et le renforcement de la voie professionnelle sous statut scolaire, et souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
Le Président de la République a présenté, le jeudi 4 mai 2023, la réforme des lycées professionnels qui se déploiera progressivement à partir de la rentrée scolaire 2023. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels s'engagent à réformer la voie professionnelle pour qu'elle assure l'avenir de tous les élèves, au plus près de leurs besoins et de leurs aspirations, et réponde à la promesse républicaine d'égalité des chances. Un large travail de concertation a été mené en amont de la présentation de cette réforme. Ainsi, d'octobre 2022 à janvier 2023, plus de 160 acteurs de l'enseignement professionnel et de l'emploi ont participé aux quatre groupes de travail instaurés par la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Ces groupes ont notamment réuni des professeurs, des lycéens, des parents d'élèves, des chefs d'établissement, des partenaires sociaux, des entrepreneurs, des associations, et des représentants des Régions volontaires. Les organisations syndicales de personnels et de chefs d'établissement, branches interprofessionnelles, représentants des Régions, représentants d'élèves et de parents d'élèves ont été reçus au ministère délégué chargé de l'enseignement et de la formation professionnels après la clôture des quatre groupes de travail pour échanger autour des premières pistes. En outre, de nombreuses discussions ont été engagées lors de déplacements de la ministre dans des lycées professionnels, ainsi qu'à l'occasion des débats organisés sur tout le territoire dans le cadre du Conseil national de la refondation. L'ensemble des concertations a permis de partager le diagnostic de la voie professionnelle et les premiers éléments de bilan de la « transformation de la voie professionnelle » en vue de construire la réforme. L'objectif poursuivi par celle-ci est de faire du lycée professionnel une voie de réussite, choisie par les élèves et leurs familles, reconnue par la société et les entreprises et qui offre de meilleures conditions d'exercice du métier aux enseignants. Trois grandes finalités sont recherchées : mieux accompagner chaque lycéen professionnel et lutter contre le décrochage ; faire du lycée professionnel un choix d'avenir pour toute notre économie ; donner à l'équipe éducative des moyens pour agir. Plusieurs mesures vont être mises en place : les périodes de stage des élèves de la voie professionnelle seront gratifiées dès la rentrée 2023, conformément à l'engagement du Président de la République. Cette gratification sera à la charge de l'État et non des entreprises et sera versée à tous les élèves de la voie professionnelle scolaire. La gratification est une modalité de valorisation de la voie professionnelle et souligne l'importance accordée aux temps en entreprise considérés comme temps de formation. Cette mesure soutient aussi l'égalité des chances, ce alors qu'aujourd'hui un lycéen professionnel peut effectuer jusqu'à cinq mois de stage dans son cursus sans aucune gratification (entre 12 et 14 semaines de stage pour un CAP en deux ans et entre 18 et 22 semaines pour un baccalauréat professionnel). Quatre lycéens professionnels sur dix sont boursiers. La réforme permettra à un lycéen professionnel de recevoir jusqu'à 2 100 euros de gratification sur son cursus de 3 ans de préparation du baccalauréat professionnel ; pour corriger les fragilités des élèves révélées par les tests de positionnement effectués à l'entrée au lycée, les heures de mathématiques et de français se feront en groupes à effectifs réduits en seconde professionnelle. Ces groupes seront organisés sur la base des résultats à ces tests et en fonction de la progression de chaque élève ; l'année de terminale professionnelle sera organisée en lien avec le projet de l'élève : obtenir un diplôme puis, soit accéder à l'emploi, soit poursuivre ses études. Elle permettra au lycéen de passer certaines épreuves plus tôt dans l'année scolaire, de disposer d'un accompagnement personnalisé pour mieux comprendre le marché du travail, les attentes des employeurs et connaître les outils et services à sa disposition, de choisir le parcours qui lui correspond compte tenu de son projet professionnel. Enfin cette nouvelle terminale permettra aux élèves qui souhaitent poursuivre des études d'être mieux préparés pour leur entrée dans l'enseignement supérieur par une fin d'année scolaire adaptée à leur projet ; un travail sera également engagé en vue d'adapter les cartes des formations en régions et donc l'offre de formation sur les territoires en fixant l'objectif ambitieux de démultiplier le nombre annuel d'ouvertures et de fermetures de formation. Aujourd'hui, de nombreuses filières ne garantissent pas aux élèves une poursuite d'études ou une insertion dans l'emploi, alors que de nombreuses entreprises peinent à recruter dans d'autres secteurs d'activités. Il s'agira donc d'assurer d'une part la fermeture de toutes les formations qui mènent insuffisamment à l'emploi ou à la poursuite d'études, d'autre part l'ouverture de nouvelles formations dans les secteurs plus porteurs (industrie, services à la personne, numérique, énergie, bâtiment durable, mobilités douces ...). L'État accompagnera financièrement, aux côtés des Régions, ces transformations, par le financement de plateaux techniques et de la formation des professeurs via le programme France 2030 ; il s'agit également de renforcer les relations partenariales des lycées avec les milieux économiques. Dès la rentrée 2023, la création d'un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel permettra d'ouvrir un réseau professionnel aux jeunes qui n'en ont pas et de créer un point d'entrée pour chaque entreprise du territoire ; enfin, des mesures visant à mieux valoriser le travail des enseignants et à mieux former les équipes seront mises en place. Un enseignant de lycée professionnel pourra recevoir un complément de salaire allant jusqu'à 7 500 euros brut par an pour exercer des missions au service de la réussite des élèves. La réforme des lycées professionnels qui s'installera progressivement à compter de la rentrée prochaine permettra à chaque lycée professionnel de devenir un tremplin vers les métiers d'avenir, en permettant à chaque élève de réussir dans son projet d'insertion professionnelle à court terme ou de poursuite d'études, en apportant des marges de manœuvre aux équipes éducatives, tout en conservant le caractère national des diplômes.
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