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Louise Morel
Question N° 7482 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 25 avril 2023

Mme Louise Morel attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation de concurrence déloyale à laquelle sont confrontés les buralistes frontaliers. En effet, la France est, avec l'Irlande, le pays de l'Union européenne avec les prix du tabac le plus élevés, situation encore renforcée avec la dernière augmentation au 1er mars 2023. Ce niveau élevé de prix se veut d'être suffisamment dissuasif pour faire baisser la consommation de tabac, dans un objectif de santé publique. Or ces mesures engendrent un effet pervers au niveau des zones frontalières. En effet, la plupart des pays voisins, qu'ils soient membres ou non de l'Union européenne, pratiquent des niveaux de prix inférieurs à ceux que l'on connaît en France. De cette manière, les consommateurs frontaliers, habitants ou visiteurs de passage et qui n'ont qu'à traverser la frontière pour acheter leur tabac moins cher, délaissent les bureaux de tabac français en faveur de leurs homologues étrangers. Cette situation de concurrence déloyale, provoquée par l'État contre ses propres entreprises, contraint de plus en plus de buralistes français à déposer le bilan, alors que leur nombre ne cesse de grandir de l'autre côté de la frontière. Parallèlement, les pertes fiscales sont colossales pour l'État, tandis que les dépenses de santé publique liées à la consommation de tabac ne diminuent pas. Enfin, s'il existe bien une réglementation sur les volumes de tabac que l'on peut ramener de l'étranger, elle n'est que peu respectée en pratique, faute de contrôles suffisants. Aussi, elle lui demande ce qu'il entend mettre en œuvre pour protéger les buralistes frontaliers français de cette situation de concurrence déloyale dans laquelle l'État les place et qui met leur survie en péril.

Réponse émise le 18 juillet 2023

Le Gouvernement mène depuis plusieurs années une politique ambitieuse de lutte contre le tabagisme en France, qui est responsable de plus de 75 000 décès chaque année. Sur le volet économique, la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a indexé à compter du 1er mars 2023 la fiscalité applicable aux produits du tabac en France métropolitaine sur l'inflation, afin d'éviter toute baisse des prix réels des produits du tabac. La réussite de la stratégie française de lutte contre le tabagisme est néanmoins étroitement liée aux mesures qui seront mises en œuvre au sein de l'Union européenne en matière de taxation des produits du tabac. Les hausses successives de fiscalité sur les produits du tabac en France ont conduit à un différentiel de prix avec nos voisins européens. Cette distorsion génère d'importantes pertes de recettes fiscales, alors que les accises collectées sur les ventes de tabac en France continentale sont intégralement reversées aux organismes de protection sociale. Elle alimente aussi d'importants trafics transfrontaliers de produits du tabac, qu'il s'agisse d'achats effectués par des particuliers ou bien de trafics de plus grande ampleur alimentant les marchés parallèles. Les achats transfrontaliers de produits du tabac affectent particulièrement les débits de tabac implantés à proximité des frontières avec les autres États membres de l'Union européenne. Les quantités de produits du tabac pouvant être achetées par un particulier dans un autre État membre ont été divisées par quatre depuis le 1er août 2020. Les contrôles menés aux frontières demeurent nombreux, avec de nombreuses constatations à la clé. En 2022, 16 986 constatations ont été réalisées en matière de tabac, soit un peu plus de 45 par jour de l'année, démontrant l'intensité de l'action douanière. Afin de défendre la politique de lutte contre le tabagisme mise en place par le Gouvernement français en reprenant ces seuils d'achats transfrontaliers dans la réglementation européenne et de parvenir à une fiscalité plus harmonisée sur les produits du tabac au sein de l'Union européenne, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics a rencontré en mars dernier, le commissaire européen à l'économie. À l'occasion de cet échange, le ministre délégué a demandé une révision rapide et ambitieuse des directives relatives aux produits du tabac. Enfin, l'État a renouvelé son soutien aux débitants de tabac pour la période 2023-2027 via la signature, le 19 janvier 2023, d'un nouveau protocole d'accord sur l'accompagnement du réseau des buralistes. Ce nouveau protocole prévoit de nombreux engagements forts vis-à-vis de la profession. Un nouveau dispositif d'aide à la transformation, qui vise, comme dans le cadre du précédent protocole, à permettre aux débitants de transformer leurs débits en commerces de proximité multi-services et à se détacher progressivement de la vente de produits du tabac, entrera prochainement en vigueur. En fonction du chiffre d'affaires tabac du débit transformé, la prise en charge sera de 30 à 50 % des dépenses de transformation éligibles et pourra atteindre jusqu'à 33 000 €. Dès 2024, les débits dont le chiffre d'affaires tabac 2023 sera compris entre 50 000 € et 400 000 € pourront bénéficier d'un soutien forfaitaire de 2 500 €, pouvant aller jusqu'à 5 000 € pour les débits situés dans une commune rurale de moins de 5 000 habitants, en zone de revitalisation rurale ou dans un quartier prioritaire de la ville. Un dispositif de soutien exceptionnel sera également versé à certains débits, en cas de baisse anormale du chiffre d'affaires tabac. L'aide à la sécurité, qui est une aide historique permettant aux débitants de sécuriser leurs commerces face aux agressions, sera maintenue sur toute la durée du protocole 2023-2027. Cette aide vient de faire l'objet d'une refonte réglementaire, entrée en vigueur le 1er mai 2023. Depuis cette date, chaque buraliste en activité dispose d'une nouvelle enveloppe de 10 000 €, utilisable sur 5 ans, pour acquérir et faire installer des matériels de sécurité. Par ailleurs, la rémunération nette versée aux débitants de tabac a augmenté le 1er avril 2023. Elle représente désormais 8,15 % du prix de vente au détail des produits du tabac. Elle augmentera de nouveau en 2024, puis en 2025, pour atteindre 8,35 % du prix de vente au détail des produits du tabac au 1er janvier 2025. Cet engagement très fort en faveur d'une hausse de la rémunération des buralistes témoigne, une nouvelle fois, du soutien de l'État envers la profession. Enfin, le Ministre des Comptes publics a annoncé en décembre 2022 un plan ambitieux pour lutter contre le trafic de tabac. Depuis ces annonces, plusieurs mesures importantes ont déjà été actionnées : lancement de groupes de lutte anti-trafics de tabac dans les bassins de fraude prioritaires ; Opération « Colbert » (31 mai- 6 juin) qui a permis des actions coordonnées sur tous les vecteurs de circulation du tabac illégal : trafics routiers, aériens, vente à la sauvette, filtrage total de 7 zones frontalières pour plus de 8,8 t de saisies ; renforcement des sanctions applicables aux trafics de tabac dans le cadre du Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (adopté par l'Assemblée nationale à l'unanimité le 5 juillet 2023).

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