M. Nicolas Forissier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réponse pénale formulée à l'encontre des auteurs de délits routiers aggravés par la consommation d'alcool ou de stupéfiants. Si le nombre de dépistages d'alcoolémie réalisés par les forces de l'ordre sur les routes de France a fortement augmenté depuis 1991 - passant de 6,4 à plus de 10 millions aujourd'hui - le taux de positivité a lui aussi augmenté, passant de 1,5 % en 1995 à plus du double en 2017. Concernant les stupéfiants, si environ 450 000 contrôles à ce sujet furent réalisés en 2020 - représentant 30 % de hausse par rapport à 2018, nombre qui a vocation a doubler dans les années à venir - ce sont chaque année environ 700 personnes qui sont tuées sur les routes dans un accident impliquant un conducteur ayant consommé des drogues, soit 21 % de la mortalité routière. Selon l'INSEE, la conduite sous stupéfiants a d'ailleurs progressé de 85 % entre 2016 et 2019, celle sous l'emprise d'alcool de 46 %. Enfin, il est à noter que sur 405 conducteurs positifs aux stupéfiants impliqués dans un accident mortel en 2021, près de la moitié (195) étaient positifs au test d'alcoolémie avec un taux supérieur à 0,5 g/l. Lorsque l'on observe les peines prononcées pour homicides et blessures involontaires à l'encontre de conducteurs sujets à circonstance aggravante - état alcoolique ou stupéfiants - l'emprisonnement, avec ou sans partie ferme, était prononcé dans 96 % des cas en 2019 et 97 % des cas en 2020 contre 88 % en 2000. Toutefois, les auteurs de ce type d'accidents ne sont condamnés à de la prison ferme que dans moins de 10 % des cas (6 % en 2019, dernière année de référence fiable) et il apparaît en pratique que les chauffards qui purgent une peine effective de prison sont très rares compte tenu de l'application des mesures prévues en matière d'aménagement de peine. Des aménagements régulièrement perçus comme injustes de la part des victimes ou des familles de victimes. C'est pourquoi, tout en restant attentif au durcissement de la législation envisagé par M. le ministre de l'intérieur, il lui demande ce que le Gouvernement envisage de mettre en place afin de rendre immédiatement effective une réponse pénale à la hauteur de la gravité de ces infractions dramatiques.
Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière. Cette mobilisation est d'autant plus forte lorsque ces infractions sont liées à une consommation d'alcool ou de produits stupéfiants, laquelle met gravement en danger nos concitoyens lorsqu'elle occasionne des accidents dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques. Selon le bilan définitif de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière publié le 31 mai 2023, 3 550 personnes sont décédées en 2022 sur les routes de France métropolitaine ou d'outre-mer, contre 3 219 personnes en 2021. Selon ce même bilan, l'alcool et les stupéfiants figurent, aux côtés de la vitesse, parmi les trois principaux facteurs comportementaux enregistrés par les forces de sécurité intérieure s'agissant des personnes présumées responsables d'un accident mortel. Les drames subis sur nos routes, renforcés par de tels comportements, imposent une mobilisation de chaque instant et des réponses pénales fermes et dissuasives. Les peines aujourd'hui encourues par un conducteur de véhicule terrestre à moteur tiennent d'ores et déjà compte de la dangerosité induite par une consommation d'alcool ou de stupéfiants en cas d'accident. Ces dernières vont jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour des blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois commises par un conducteur se trouvant sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants (article 222-19-1 du code pénal), et jusqu'à dix ans d'emprisonnement (peine maximale pour une infraction de nature délictuelle) et 150 000 euros d'amende s'agissant d'un homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur en présence d'au moins deux circonstances aggravantes (article 221-6-1 du code pénal). Dix peines complémentaires sont également prévues par les dispositions de l'article 221-8 du code pénal, la peine complémentaire d'annulation du permis de conduire étant obligatoire dès la présence d'une seule circonstance aggravante. Les juridictions disposent ainsi d'un arsenal législatif renforcé pour sanctionner les auteurs de ces infractions. Dans les limites fixées par la loi, les juridictions déterminent alors la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code pénal (article 132-1 alinéa 3 du code pénal). Le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut intervenir « qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » (article 132-19 alinéa 2 du code pénal). Au regard de la particulière gravité des infractions commises par conducteurs de véhicule terrestre à moteur, plus de huit personnes sur 10 étaient malgré tout condamnées en 2021 à une peine principale d'emprisonnement en répression de blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. Le taux de poursuite des délits simples et aggravés d'homicide involontaire par conducteur s'élevait quant à lui à 92,5 %. En cas de condamnation, le taux de peine d'emprisonnement prononcé était de 97 % pour un quantum moyen d'emprisonnement ferme de 22 mois. En cas d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants, l'intégralité des personnes reconnues coupables de ces faits était condamnée à une peine d'emprisonnement en 2021. Au cours de l'année 2022, 64 % des peines prononcées à l'encontre de ces auteurs étaient en outre des peines d'emprisonnement ferme, contre 53 % en 2015. Le nombre de peines de substitution prononcées, telles qu'énumérées aux articles 131-5 et suivants du code pénal, en tant que peine principale était quasi-nul (1 par année). Les juridictions judiciaires, dans les décisions ainsi rendues au cours des années passées, démontrent une conscience réelle de la gravité des drames subis sur les routes. En outre, depuis la loi dite « Perben 2 » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui a notamment inscrit comme principe directeur de la politique pénale en matière d'exécution des peines, à l'article 707 du code de procédure pénale, la nécessité d'assurer la mise à exécution des peines de manière effective et dans les meilleurs délais, plusieurs réformes ont modifié le droit des peines et les procédures d'exécution pour répondre à cet objectif. Ainsi, la loi n° 2019-2022 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 assure l'effectivité des peines d'emprisonnement ferme lorsqu'elles sont prononcées, en prévoyant que toutes les peines d'emprisonnement de plus d'un an sont systématiquement exécutées en détention. Par ailleurs, les peines d'emprisonnement comprises entre 6 mois et 1 an ne sont pas automatiquement examinées par le juge de l'application des peines, dans la mesure où elles peuvent faire l'objet d'un mandat de dépôt immédiat ou différé. Enfin, il y a lieu de rappeler que les aménagements de peine, lorsqu'ils sont prononcés, tels que la détention à domicile sous surveillance électronique, sont des modalités d'exécution des peines d'emprisonnement qui tendent à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive, conformément aux principes généraux posés par l'article 707 du code de procédure pénale. Ces aménagements de peines garantissent également la protection des droits de la victime et de la partie civile : l'inexécution des obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est soumise durant le temps de l'aménagement de sa peine peut être sanctionnée par l'incarcération de l'intéressé (articles 707, 712-16-1 et D.49-64 du CPP). En 2022, 192 auteurs condamnés à une peine d'emprisonnement aménageable pour une infraction principale d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ou de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ont vu leur peine mise à exécution. 7 d'entre eux ont été maintenus en détention ou placés en détention à l'audience (tableau ci-dessous). Au 1er janvier 2023, on comptait 100 personnes condamnées et détenues pour une infraction d'homicide involontaire ou de blessures involontaires commis par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. On en dénombrait 115 au 1er janvier 2022 et 101 au 1er janvier 2021 (source : infocentre pénitentiaire). Mode de mise à exécution des peines aménageables pour les blessures et homicides involontaires par conducteur en état d'ivresse ou après usage de stupéfiants.
2020-2022 | 2020 | 2021 | 2022 | ||
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Peines de 6 mois et moins | Peines de plus de 6 mois | ||||
Total | 309 | 225 | 150 | 192 | 192 |
Maintien en détention | 10 | 8 | 7 | 15 | 7 |
Placement en détention à l'audience | 8 | 9 | 6 | ||
Incarcération après jugement | 44 | 20 | 24 | 31 | 9 |
Aménagement ab initio | 93 | 79 | 32 | 55 | 85 |
Aménagement "723-15" | 154 | 109 | 81 | 91 | 91 |
Reliquat négatif | 0 | 5 | 5 | 0 | 0 |
Champ : France | |||||
Source : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE, fichier statistique Cassiopée |
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