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Charlotte Leduc
Question N° 7339 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 18 avril 2023

Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur les derniers rebondissements dans le scandale des « CumEx Files » et sur les enseignements qu'ils apportent. La France est la première victime des montages frauduleux « d'arbitrage de dividendes » en Europe. En vingt ans, ils ont coûté au moins 33 milliards d'euros de recettes fiscales. Après des années d'inaction, le fisc et la justice se saisissent enfin du problème. Le 28 mars 2023, 3 banques systémiques françaises et une banque étrangère ont été ont été visées par des perquisitions simultanées, dans le cadre d'enquêtes ouvertes au parquet national financier (PNF) en décembre 2021. Ces quatre banques sont soupçonnées de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée et une d'entre elle est en outre soupçonnée de fraude fiscale aggravée. Les moyens mobilisés par l'État pour enquêter sur les pratiques de « CumCum » et de « CumEx » semblent enfin à la hauteur de l'enjeu avec 160 enquêteurs du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) et 16 magistrats du PNF engagés dans ces perquisitions. Cependant, de nombreuses questions restent sans réponses. M. le ministre a annoncé sur Twitter le jour même des perquisitions « un renforcement majeur du SEJF dans [son] plan de lutte contre la fraude ». Pourtant, lors de l'examen en commission des finances du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) à l'automne dernier, tous les amendements permettant des recrutements massifs et rapides à la DGFiP et dans les services d'enquêtes ont été rejetés après un avis défavorable du camp gouvernemental, et notamment les amendements II-CF1146, II-CF1396 et II-CF1397. De même, une fois la responsabilité du Gouvernement engagée via l'article 49 alinéa 3 de la constitution, aucun amendement de ce type n'a été conservé. Ainsi, il semble légitime de se demander si les annonces ministérielles d'un renforcement du SEJF sont crédibles ou si elles ne représentent qu'un coup de communication au moment où l'évasion fiscale des banques et des ultrariches est une nouvelle fois mise en lumière par ces perquisitions. Quelles garanties peut apporter M le ministre à ce sujet ? De plus, si le SEJF et la BNRDF ont un besoin flagrant de moyens humains et matériels pour pouvoir assurer toutes leurs missions quotidiennes en plus des enquêtes de grande ampleur comme celle des « CumEx Files » ; il en est de même pour la justice fiscale et notamment pour le PNF. Alors que l'étude d'impact préalable à la création de ce parquet spécialisé avait conclu à la nécessité d'un recrutement de 22 magistrats en 2014, le PNF n'en compte que 18 plus de 8 ans plus tard. Deux recrutements sont certes prévus cette année mais le compte n'y est toujours pas, alors même que les scandales d'évasion fiscale à répétition montrent qu'il serait bon de revoir l'évaluation des besoins à la hausse. La crédibilité de la lutte contre l'évasion fiscale dépend donc aussi des moyens humains et matériels qui seront donnés au PNF pour se développer. Les perquisitions du 28 mars 2023 montrent enfin que l'évasion fiscale contemporaine des ultrariches et des grandes entreprises n'est possible que grâce à une foule d'intermédiaires dont la compétence n'a d'égal que le niveau de corruption et de déviance civique : banques, cabinets de conseils, avocats fiscalistes, etc. Une lutte efficace contre la fraude et l'évasion fiscale nécessite de s'attaquer résolument à ces intermédiaires et à leurs pratiques. Un avocat fiscaliste, par exemple, ne sert à rien si ce n'est à payer moins d'impôts. En vertu des clauses générales anti-abus et de la clause de substance économique, une telle activité devrait tout simplement être interdite. Elle lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre pour mettre hors d'état de nuire ces intermédiaires délinquants, que ce soit via le plan fraude ou via le PLF 2024.

Réponse émise le 19 septembre 2023

Dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale de 2018, le Gouvernement a engagé récemment la mise en œuvre de sa feuille de route de « lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques ». L'une des illustrations les plus manifestes de l'ambition de ce plan est le renforcement des effectifs dédiés à la mission de contrôle fiscal au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui seront augmentés de 1500 ETP supplémentaires (+ 15%) d'ici la fin de la mandature. Il s'agit, en premier lieu, de renforcer les capacités d'investigations judiciaires spécialisées dans la lutte contre la fraude aux finances publiques, avec la transformation du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en Office National Anti-Fraude (ONAF) aux finances publiques. Ce service sera non seulement renforcé dès 2025 par le doublement des effectifs d'officiers fiscaux judiciaires (OFJ) qui y sont affectés, mais il se verra également doté de nouveaux moyens d'actions, comme l'auto-saisine dans certaines matières. La création d'une fonction d'« agent de police judiciaire des finances » est également envisagée. En parallèle, le renforcement des moyens de recherche des fraudes fiscales les plus complexes et les plus graves sera opéré. En deuxième lieu, le démantèlement de l'évasion fiscale s'appuie sur le renforcement de la coopération entre États. Une stratégie nationale en matière d'échanges internationaux sera adoptée, et la France portera la création d'un cadastre financier international. La lutte contre l'évasion fiscale ne peut en effet être pleinement efficace que si des règles de transparences sont établies et respectées. De plus, depuis plusieurs années, le Gouvernement est investi dans le chantier de réforme de la fiscalité internationale dans le cadre de l'OCDE afin de relever les défis posés par la numérisation de l'économie et la concurrence fiscale entre États. Cette réforme vise à attribuer aux juridictions de marché un nouveau droit d'imposer une part forfaitaire des bénéfices des plus grandes entreprises multinationales, indépendamment de leur présence physique sur ce marché (environ 100 groupes au niveau mondial dont 7 ou 8 groupes français) et à assujettir les entreprises multinationales de plus de 750 millions euros de chiffre d'affaires à un impôt sur les bénéfices minimum de 15 % au niveau mondial. En troisième lieu, en complément des dispositions adoptées en 2018 et codifiées à l'article 1740 A bis du code général des impôts (CGI), la pénalisation de l'incitation à la fraude fiscale va être étendue. En effet, les fraudes fiscales les plus complexes doivent beaucoup à l'intervention de professionnels (cabinets de défiscalisation, professionnels du droit et du chiffre indélicats, personnes ou structures commercialisant des montages illégaux…), qui communiquent et font la promotion de montages destinés à soustraire des contribuables à l'établissement et au paiement de l'impôt. La mesure nouvelle envisagée consiste à créer un délit spécifique permettant, indépendamment de tout contrôle fiscal ou de toutes poursuites à l'encontre des clients, et de sanctionner ces agissements qui sont le terreau de la fraude. Un tel champ d'incrimination devrait ainsi permettre de lutter contre la commercialisation, notamment sur internet et les réseaux sociaux, de schémas de fraude fiscale ou d'outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que cette action de promotion auprès des clients ait été suivie d'effet. Ce délit sera autonome de celui de la fraude fiscale, ce qui signifie, qu'à l'instar du délit de blanchiment de fraude fiscale, l'autorité judiciaire pourrait poursuivre sur sa seule initiative, ou également à la suite d'un signalement (article 40 du code de procédure pénale) ou d'une plainte de la DGFiP (sans autorisation préalable de la commission des infractions fiscales).

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