M. Hadrien Clouet alerte Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la pénurie de matériel scientifique permettant d'étudier la pollution chimique croissante des réserves naturelles en eau douce. Ainsi, les lacs des Pyrénées abritent d'ores et déjà plus de 151 molécules différentes, notamment pesticides et hydrocarbures. On y retrouve par exemple le diazinon, utilisé par les particuliers contre les puces ou les poissons d'argent, ou la perméthrine, insecticide à usage vétérinaire. La plupart de ces produits toxiques, épandus sur le sol des vallées, s'évaporent et sont déversés sous forme de pluie, neige ou grêle dans les lacs de montagne. Loin de seulement s'additionner, une fois concentrées dans l'eau, les molécules engendrent un effet cocktail, qui est toujours peu étudié et mal compris. Mais l'effet biocide de ces mélanges toxiques a été prouvé : leur mélange modifie profondément la chaîne trophique. D'abord parce qu'ils entraînent une disparition des crustacés, lesquels filtrent l'eau et empêchent la prolifération des micro-organismes potentiellement nuisibles pour l'environnement et, in fine, la santé humaine. Ensuite parce que les algues, le zooplancton et les amphibiens sont également impactés par ces concentrations grandissantes. Ces agents pathogènes menacent non seulement l'ensemble des écosystèmes des lacs de montagne mais également l'ensemble des êtres vivants positionnés sur le cycle de l'eau : faune sauvage, bétails et êtres humains. Si les plans de contrôle de l'Union européenne prévoient un certain nombre d'analyses ciblées, l'absence de plan de surveillance aléatoire est à déplorer. En effet, les analyses non ciblées ont un double avantage. Premièrement, elles supposent l'étude d'échantillons primaires de taille nettement supérieure pour des recherches d'intrants ou de contaminants présents en très faible quantité (de l'ordre du nanogramme par litre). Deuxièmement, en analysant des produits toxiques et pathogènes dont l'effet est notable même à concentration infime, ils permettent aux autorités publiques et aux acteurs privés de réagir immédiatement et d'anticiper le danger grâce à la détection des polluants émergents. Troisièmement, elles permettent la découverte de nouvelles molécules non prises en compte par la réglementation européenne. De telles analyses sont donc la condition nécessaire de toute politique de prévention ou d'endiguement des crises sanitaires relatives à la qualité de l'eau. Or les outils technologiques de très haute résolution permettant ces analyses existent. Il s'agit des spectromètres de masse couplés à des chromatographes en phase gazeuse. Malheureusement, faute de moyens, très peu de laboratoires publics en sont dotés, a fortiori dans l'enseignement supérieur et la recherche. Il est donc aujourd'hui impossible d'effectuer des analyses d'eau en nombre suffisant. Aussi M. le député demande-t-il à Mme la ministre si elle envisage l'acquisition nationale de nouveaux chromatographes couplés à des spectromètres de masse, pour les établissements de recherche publique et sites universitaires. Le cas échéant, quel calendrier lui paraît raisonnable ? Quelle clef de répartition financière propose-t-elle entre État, universités et collectivités ? Il lui demande ses intentions sur ce sujet.
Ces questions concernant la surveillance de la pollution chimique des réserves naturelles d'eau douce comprennent deux volets (surveillance et recherche), qui posent la problématique sous deux angles complémentaires. L'activité de surveillance et de protection de la qualité des eaux relève en premier lieu de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui pilote la conception, l'évaluation et la mise en œuvre des politiques de l'eau, des espaces naturels, de la biodiversité terrestre et marine et des ressources minérales non énergétiques en vue de garantir la préservation et un usage équilibré de ces ressources. Cette direction est en charge des outils fondamentaux des politiques publiques : réglementation (code de l'environnement et directives européennes), animation, concertation, information, amélioration des connaissances, etc. Une grande part des politiques qu'elle poursuit s'appuie sur les établissements publics dont le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires exerce la tutelle : les agences de l'eau, les parcs nationaux, le conservatoire du littoral, et l'office français pour la biodiversité. Le matériel nécessaire utilisé dans le cadre de cette surveillance stricte, s'il est bien scientifique, n'en est pas pour autant un outil de recherche. Il en est de même de la protection des réserves hydriques. Parallèlement, il est bien sûr important d'accroître les connaissances en termes de devenir des polluants et de leurs métabolites, d'étude de leurs impacts sur la santé, d'étude sur l'impact du changement climatique sur les ressources hydriques et leurs polluants. Ces sujets de recherche fondamentale sont notamment abordés par des laboratoires de recherche de l'Inrae, du BRGM, de l'Inserm, du CNRS et des universités et mettent en jeu des question d'écotoxicologie et de santé, d'hydrologie et hydrogéologie, dans un contexte écosystémique. Au niveau national, ces laboratoires bénéficient de plateformes dédiées et équipées des moyens de pointe leur permettant de remplir leurs missions. Par exemple, la plateforme Eau est une des plateformes transverses de l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers et de nombreux travaux de recherche de l'équipe Eaux, Biomarqueurs, Contaminants Organiques, Milieux y sont développés. Ces plateformes développent et rénovent leurs équipements dans le cadre de dotations plus générales (Idex, labex, Equipex) mises en œuvre et financées par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le SGPI. Le PEPR exploratoire « OneWater - Eau bien commun », bénéficie d'un financement France 2030 de 53 millions d'euros. Ce PEPR est spécifiquement orienté vers la question de l'eau et intervient dans un contexte de changement global où les pressions sur l'eau sont exacerbées et où les ressources en eau sont l'un des défis majeurs du XXIe siècle. Par ailleurs, les organismes et université maintiennent aussi un réseau national de sites hydrogéologiques, H+, financé par l'Institut national des sciences de l'univers du CNRS (INSU) et dont le but premier est de maintenir et de coordonner un réseau de sites expérimentaux capables de fournir des données pertinentes – y inclus des chroniques ou expériences long terme – pour la caractérisation, la quantification et la modélisation des transferts d'eau, d'éléments et d'énergie dans les aquifères souterrains. Ce réseau a conduit à la création d'une infrastructure de recherche, OZCAR, inscrite sur la feuille de route des infrastructures du ministère, et membre de l'infrastructure européenne eLter. La recherche sur ce sujet doit en effet s'envisager sous l'angle des écosystèmes continentaux. À ce titre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche soutient par la biais d'appels à projets spécifiques les laboratoires français œuvrant dans ce domaine et qui s'inscrivent dans les réseaux européens des partenariats d'Horizon Europe, comme Water Security for the Planet (Water4All) qui vise à assurer la sécurité de l'eau pour tous. Le ministère s'investit aussi activement dans les réseaux des missions d'Horizon Europe telle la mission « Régénérer notre océan et nos eaux ».
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